Confusion des étoiles de Alda Merini

Confusion des étoiles de Alda Merini
(Confusione di stelle)

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par El Gabal, le 1 septembre 2025 (Strasbourg, Inscrit le 10 janvier 2022, 37 ans)
La note : 10 étoiles
Visites : 674 

Alda Merini : écrire au bord de l’abîme

Lire Alda Merini, c’est entrer dans un territoire de feu et de déchirure. Sa poésie, comme arrachée à la chair, semble parfois naître d’un cri — un cri qui refuse la noyade, qui s’arrache à la folie et aux murs des hôpitaux psychiatriques où elle a longtemps été enfermée. On pense à Artaud pour cette dimension organique, viscérale, où chaque mot est un éclat de corps et de sang.

Et pourtant, au cœur de cette matière brûlante, s’élève une voix spirituelle d’une intensité rare. Les Évangiles, la figure du Christ, la mémoire des mythes grecs irriguent ses vers. On y entend l’écho des psaumes et des tragédies antiques, comme si Merini se plaçait à la croisée des deux héritages : le mystère biblique et la parole des dieux païens.

À cela s’ajoute la puissance de l’amour : son attachement passionné à son mari Pietro, qui fut à la fois refuge et drame, traverse ces poèmes. L’amour y apparaît comme une force mystique et charnelle, qui sauve et qui déchire tout à la fois.

Elle se dit faite « d’air, de feu et de terre ». Trois éléments qui expriment souffle, passion et ancrage. L’absence de l’eau est frappante : comme si Merini refusait de plonger dans ce flux qui porte mémoire et inconscient. L’eau, peut-être trop dangereuse pour elle, aurait pu la submerger définitivement. Alors elle écrit en lutte permanente, entre ascension et chute, trouvant dans le poème non pas une paix durable mais une brève délivrance.

C’est de ce conflit intérieur que naît son œuvre. La poésie, pour Merini, est ultime refuge contre l’abîme. Elle ne masque pas la douleur, elle la transfigure. Elle devient un souffle de survie, un chant incandescent, une confession qui mêle chair et divin, folie et lucidité.

Ce n’est pas un hasard si Shakespeare revient souvent dans ses vers : tragédies de la passion, figures hantées par le destin, langage visionnaire. Chez elle, Shakespeare devient un miroir de ses propres déchirures intérieures, un compagnon de nuit et d’extase.

En ce sens, Merini rejoint une constellation de poètes visionnaires et blessés. Comme Rimbaud, elle explore une mystique à l’état sauvage, où le corps et l’âme s’enflamment dans le même souffle. Comme Hölderlin, elle écrit au bord de la folie, mais en fait un lieu de révélation. Comme René Char, elle pose la poésie en résistance, un acte qui refuse la mort et transfigure le chaos en beauté.

La confusion des étoiles témoigne de cette tension extrême : une écriture organique et mystique, une lutte contre soi-même qui, paradoxalement, illumine le lecteur. Merini ne cherche pas la beauté apaisée ; elle nous livre la vérité nue d’une âme en flammes, dont les rares instants de paix n’en sont que plus bouleversants.

Connectez vous pour ajouter ce livre dans une liste ou dans votre biblio.

Les éditions

»Enregistrez-vous pour ajouter une édition

Les livres liés

Pas de série ou de livres liés.   Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série

Forums: Confusion des étoiles

Il n'y a pas encore de discussion autour de "Confusion des étoiles".