Satires de Edgar Hilsenrath
(Zibulsky oder Antenne im Bauch)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone
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UN LIVRE «POLITIQUEMENT INCORRECT!»
Voici un livre d’Edgar HILSENRATH (1926 – 2018), qui ne ressemble à aucun autre, et surtout à aucun de ses autres livres. Ce livre est en effet uniquement composé de dialogues (attention des dialogues, pas des nouvelles!..), souvent grotesques, souvent absurdes, - parfois très courts, parfois long de plusieurs pages -, entre un citoyen allemand tout à fait ordinaire (dont on comprend d’ailleurs très vite qu’il est d’origine juive…), nommé Zibulsky (dont on ne saura d’ailleurs jamais rien de plus, si ce n’est que parfois c’est un homme, et parfois une femme…), et la société qui l’entoure.
On le verra ainsi tour à tour parler avec des médecins, des coiffeurs, des policiers, des avocats, le président des USA, d’anciens nazis, des veuves de guerre, des travailleurs immigrés, des jeunes punks, des survivants de la Shoah, des travailleurs manuels, des tueurs en série, etc etc…
Au-delà de la «satire», c’est bien sur le «regard», vous pouvez dire l’avis, ou l’opinion, d’Edgar HILSENRATH, sur l’Allemagne (qu’il redécouvre après un long exil…), et les États-Unis d’Amérique, qui sont les deux pays qu’il connaît le mieux, puisque ceux où il a vécu le plus longtemps.
Alors, après attention, bien que ce soit un livre «drôle» (surtout dû à la cocasserie de certaines situations et de certains dialogues…), c’est avant tout un livre ironique, «acide», une critique acerbe, amère, sans concession… La «dérision», n’est ici qu’un révélateur, - sous le prisme de la pensée transgressive de l’auteur -, qui nous présente l’absurde de la société actuelle, de sa politique, de sa justice, de ses institutions, de ses politiciens, de ses dirigeants, de ses citoyens…
Entre les lignes, ce sont surtout ses faillites, ses insuffisances, ses absurdités, son surréalisme, ses incongruités, ses ratés, ses failles… Que l’auteur dénonce, parfois de manière choquante, parfois de manière très «dérangeante», mais souvent de manière beaucoup plus subtile, l’auteur préférant provoquer la réflexion du lecteur, plutôt que de dénoncer les faits de manière brute!
Que dire de plus? Un exemple est parfois bien plus parlant qu’une longue recension… Ainsi p.ex. le dialogue intitulé «Le travailleur immigré et la ménagère, ou solitude», met en scène une veuve de guerre septuagénaire, Frau Gertrud Zibulsky, deux fois veuve, en manque d’amour, et qui s’adresse à une agence matrimoniale pour trouver un mari d’une trentaine d’années…
L’agent matrimonial finit par lui trouver un «métèque», un travailleur immigré clandestin turc, qui veut se marier et qui lui donne rendez-vous à la gare centrale…
Malheureusement une fois arrivée au RDV, Mme. Zibulsky découvre que l'immigré turc ne parle pas allemand et ne sait dire que quelques mots : Police ; femme ; chambre ; papiers ; argent ; gare centrale ; bière ; saucisse ; pas comprendre ; pourquoi ? ; permis de séjour..
Est-ce que je conseille la lecture de ce livre? Oui. Sans l’ombre d’un doute! Surtout si comme moi, vous êtes un «fan» absolu de l’écrivain allemand. Par contre, je dirais que si vous n’avez jamais lu cet écrivain, ne commencez surtout pas par celui-ci, au risque de méprendre complètement et de vous faire une idée complètement fausse de son immense talent!.. On retrouvera toutefois tout ce qui fait l’essence de l’écriture d’HILSENRATH, l’humour impitoyable, la naïveté brute, la violence bariolée et une cruelle précision!..
Un exemple, «Conversation téléphonique», le dialogue absolument surréaliste entre Zibulski et… Le président des États-Unis d’Amérique:
- Allô. Je suis bien au bon numéro?
- Ici, vous êtes toujours au bon numéro.
- Merci beaucoup.
- Okay, man.
- J’aurais voulu parler au président.
- Quel président?
- Au président des États-Unis.
- Okay, man,
- Je suis vraiment au bon numéro?
- Je vous l’ai dit : ici vous êtes toujours au bon numéro.
- C’est Washington?
- C’est Washington!
- La Maison-Blanche?
- La Maison-Blanche!
- Alors je veux parler au président!
- Au président des États-Unis d’Amérique?
- Mais oui.
- Je vous écoute.
- Pardon?
- J’ai dit : je vous écoute!
- Vous êtes vraiment le président?
- C’est moi!
- Bonjour, monsieur le président.
- Bonjour.
- Je suis le nouvel immigrant Zibulsky.
- Enchanté, monsieur Zibulsky.
- J’appelle de New York.
- C’est assez onéreux… à cette heure-ci.
- Cela ne fait rien.
- Je me sens vraiment flatté, monsieur Zibulsky.
- C’est okay.
- Okay pour moi aussi.
- En fait, j’appelle de l’aéroport.
- De l’aéroport?
- Oui.
- C’est encore plus flatteur. je veux dire, que vous, le nouvel immigrant Zibulsky, m’appeliez directement de l’aéroport, moi, le président des États-Unis d’Amérique!
- Oui, je trouve aussi.
- Vous m’en voyez ravi, monsieur Zibulsky.
- J’imagine.
- Vous venez d’arriver chez nous?
- Non, monsieur le président. Je me tire.
Les éditions
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Satires
de Hilsenrath, Edgar Philippe, Chantal (Traducteur)
le Tripode / Météores
ISBN : 9782370554604 ; 10,00 € ; 05/06/2025 ; 156 p. Broché
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