La voisine d'en face

Avant d’explorer les textes de Christophe, je voudrais souligner la qualité du support proposé par Tarmac : un petit livre facile à transporter dans une poche avec une couverture joliment illustrée et des textes imprimés entre deux larges marges ce qui confèrent une belle élégance à cet opus. Chaque texte est indépendant des autres, cependant l’intégralité d’entre eux évoque la vie de deux personnes dans un quasi huis-clos, clos seulement en ce qui concerne les voix, comme dans un film muet les acteurs ne parlent jamais se contentant de s’observer.

L’auteur vit dans un appartement avec balcon donnant sur la rue face à un autre balcon appartenant à l’appartement sis de l’autre côté de la rue. Chaque jour, il voit la femme d’en face fumer sur son balcon à des heures régulières, une semaine seule, celle où elle a les enfants, une semaine avec son compagnon, celle où les enfants sont chez le papa. Même s’ils ne se sont jamais parlé, cette présence l’obsède tout comme l’obsède son absence quand elle n’est pas là. Avec minutie et précision, dans des textes pleins de poésie, l’auteur essaie de reconstituer la vie de cette femme dont il ne connait que les apparitions sur son balcon.

Dans une seconde partie l’auteur décrit la rue, ce qui l’agite, ce qui l’anime, ce qui la fait vivre dans un ensemble de tableaux qu’il a mis en mots, comme Moussorgski le a mis les siens en musique, créant ainsi une chronique de cette rue. On pourrait voir aussi dans ce recueil une pièce de théâtre, une pantomime, ayant la rue comme décor et l‘auteur et sa voisine comme acteurs. Dans un texte d’une pure poésie, l’auteur décrit la rue : « Elle a fait sa toilette avant tout le monde, mis du rouge au trottoir, quelques fards aux joues du jour. Ce matin, elle s’est habillée avant les autres. Chaussée de soleil sous nos yeux encore embrumés, la matineuse avance sous les rares gens qui l’empruntent… ».

Avec ce recueil, Christophe a écrit la chronique de sa rue dans un texte plein de poésie, de musique, de couleur et de mouvements dans lequel il a fait vivre deux personnages qui essaient peut-être de se séduire sans vraiment l’oser. Sa rue qu’il décrit comme une belle jeune femme, « Après la baignade, la rue se change dans un de ses coins sombres. Elle laisse tomber sa serviette entre ses jambes. Dévoilant ses courbes, … », confondant peut-être dans la même femme celle du balcon et celle qui personnifie la rue ?

Ce recueil est aussi un très bel exercice d’écriture plein de finesse, de délicatesse et d‘une poésie d’une rare élégance. J’ai aimé le lire.

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  La femme au balcon [Texte imprimé] Christophe Sanchez

  de Sanchez, Christophe
  Tarmac Editions
  ISBN : 9791096556786 ; 15 EUR ; 01/01/2024 ; 139 p. ; 110 x 180