La Bible - Qu'est-ce que ça change? de Thomas Römer

La Bible - Qu'est-ce que ça change? de Thomas Römer

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Essais , Sciences humaines et exactes => Spiritualités

Critiqué par Poet75, le 2 mars 2025 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans)
La note : 9 étoiles
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Entrer dans la Bible avec intelligence

Thomas Römer est un exégète, philologue et bibliste suisse, d’origine allemande, et professeur au Collège de France depuis 2007. On lui doit déjà de nombreux ouvrages sur sa spécialité mais ce livre-ci, de 128 pages seulement, publié chez Labor et Fides, propose une entrée en matière, un condensé de réflexions sur la Bible qui, s’adressant à un large public, remet fort utilement les pendules à l’heure, si l’on peut dire. En effet, ce à quoi invite l’auteur, c’est d’apprendre la Bible autrement : « sans effroi ni adoration, sans invocations ni intentions préconçues, au risque de déconstruire préjugés et fondement culturels passés dans l’inconscient collectif. »
Comme le rappelle Thomas Römer, la tentation est grande, chez certains croyants, d’utiliser la Bible comme un ouvrage aux pouvoirs magiques, par exemple en l’ouvrant au hasard pour pointer du doigt un passage avec la certitude qu’il s’agit là d’un message personnel et intentionnel (voulu par qui ? Par Dieu ?). La Bible a été instrumentalisée de toutes les manières possibles et, aujourd’hui encore, nombreux sont ceux qui en font une lecture fondamentaliste ou utilitaire.
Thomas Römer, lui, commence par écrire que « la Bible n’existe pas » ! Ce qu’il veut dire au moyen de cette formule choc, c’est que la Bible est une compilation de livres, une bibliothèque à elle seule, et que son contenu diffère. La Bible hébraïque n’est évidemment pas celle des chrétiens et, chez les chrétiens eux-mêmes, il existe des différences. Thomas Römer raconte avec soin comment ce que nous appelons la Bible s’est constituée au fil du temps. Il explique aussi qu’il n’existe pas d’auteurs bibliques dans le sens moderne du mot. La Bible hébraïque a été écrite par une multitude de rédacteurs. Quant aux textes du Nouveau Testament, excepté quelques lettres de Paul, ils ont été écrits par on ne sait qui et attribués à de prétendus auteurs reconnus.
La preuve évidente (qui saute aux yeux pour quiconque procède à une lecture attentive des textes) qu’ils se sont constitués par ajouts successifs, c’est qu’ils se corrigent l’un l’autre, voire se contredisent, parfois dans un même récit (Thomas Römer cite l’exemple du récit sur la servante de Sarah, Hagar, qui donna naissance à Ismaël). Dans le Nouveau Testament, il est évident que les positions respectives de Paul et de Jacques se contredisent, l’un prônant la foi seule, l’autre la foi et les œuvres.
Thomas Römer rappelle aussi combien la Bible peut être un livre « dangereux » : « Peu de livres, autres que la Bible, ont servi à ce point à condamner autrui ou à légitimer des oppressions de toutes sortes. » Certains n’ont-ils pas justifié l’antisémitisme au moyen d’une certaine lecture des évangiles et d’autres textes du Nouveau Testament ? Luther lui-même, après avoir traité les Juifs avec bienveillance, a cru bon de se raviser jusqu’à les traiter d’ « enfants du diable » ! D’autres ne se sont-ils pas référés au livre de Josué pour légitimer leurs conquêtes effectuées au prix du massacre ou de la mise en esclavage de populations autochtones (notamment en Amérique ou en Afrique du Sud) ? L’on en revient à cette tentation si grande (aujourd’hui encore) de procéder à une lecture fondamentaliste de la Bible. En vérité, cette lecture est impossible : « celles et ceux qui se réclament d’une lecture littérale de la Bible en font en réalité (…) une lecture qui utilise la Bible pour légitimer leurs positions éthiques et théologiques conservatrices. »
Il convient donc de privilégier, au moins dans un premier temps, une lecture historico-critique, de revenir au texte en laissant de côté tous les présupposés qui encombrent les esprits. On découvrira ainsi, par exemple, que le texte de la Genèse dit de la chute ne peut fonder logiquement la doctrine du péché originel : « nous avons affaire à un récit qui réfléchit sur le libre arbitre des humains, ses conséquences et ses limites. » Quant au récit sur Sodome, c’est à tort qu’il a été utilisé dans des débats théologiques autour de l’homosexualité.
Thomas Römer aborde encore d’autres questions. Il compare de manière judicieuse des récits mythiques de l’Ancien Testament aux écrits païens, assyriens et autres, qui les ont inspirés. Il rappelle certaines lectures « subversives » de la Bible, celle de Luther contre la papauté, celle des tenants de la théologie de la libération contre les Eglises conservatrices liées aux dictatures. Il s’interroge sur ce dieu du monothéisme qui reste un dieu « masculin » malgré certains passages bibliques comparant Dieu à une mère qui s’occupe de ses enfants. Et il bute sur cette énigme : « comment un si petit peuple (i.e. le peuple hébreu) est-il parvenu à produire un best et long-seller, le plus lu à la surface du globe et à l’échelle de l’histoire ? »

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