Mémoire en perdition

Paulette est devenue veuve après soixante ans de mariage, elle passe beaucoup de temps seule mais supporte plutôt bien cette solitude, sa fille qui raconte cette histoire, l’invite chaque année à un petit séjour au Royal Casino de Mandelieu. Paulette aime le jeu et le luxe, une semaine passée dans ce palace lui rend son âme de jeune femme qui aimait les beaux jeunes hommes. Et, à quatre-vingt-huit ans, elle tombe à nouveau amoureuse d’un vieux monsieur très digne et très bien de sa personne comme on dit dans ces circonstances-là. Ils ne partagent pas leur logis mais sils passent toutes leurs journées ensemble comme de jeunes tourtereaux. Même s’il ne sait pas danser, Il l’accompagne à ses après-midi dansants et paie même les gogos danseurs qui font valser les vieilles dames restées, comme Paulette, encore très alertes.

Mais progressivement nos deux amoureux perdent la mémoire et mènent une vive d’apparence comme s’ils jouaient à vivre encore normalement. Albert, le compagnon de Paulette, décède, elle reste seule mais devient de plus en plus dépendante et, pour sa fille résidant en région parisienne, la descente aux enfers commence . elle doit se résigner à placer sa mère dans un établissement adapté à son cas et à sa situation sociale. La guerre contre l’administration et les personnels soignants devient de plus en plus âpre au fur et à mesure que Paulette s’enfonce dans le néant de la maladie d’Alzheimer. L’aberration semble être le point commun entre les diverses administrations, les gestionnaires de l’EHPAD et leurs personnels.

Et brusquement à quatre-vingt-treize ans, un autre patient considère que Paulette est son épouse, ils vivent alors ensemble pendant quelques années, comme un vieux couple. Cette parenthèse se referme vite et l’auteure qui raconte cette histoire décrit toutes le situations ubuesques, rocambolesques, pathétiques, cruelles, …, auxquelles elle doit faire face jusqu’à ce que sa mère décède desséchée comme un pruneau sec à l’âge de cent-quatre ans.

Dans ce bref roman, plein de verve, l’auteur raconte comment cette terrible maladie affecte beaucoup plus les accompagnants que les malades eux-mêmes qui ne semblent pas bien ressentir tout ce qu’ils subissent. Chaque étape de de la maladie est un nouveau chemin de croix : les premiers symptômes, les premiers égarements, les oublis, les erreurs d’aiguillage, la désinhibition, le placement à l’EHPAD, les problèmes administratifs de tous ordres, le manque de soin, l’arrogance de certains soignants et encore après la liquidation des actifs accumulés la vente homérique en urgence de la maison pour régler les factures de l’EHPAD…

Certaines scènes peuvent prêter à sourire mais cette maladie est un véritable fléau qui inquiète tous ceux qui, comme moi, approche de la barrière qui semble fatidique pour beaucoup d’entre nous. La peur n’évitant pas le risque, profitons encore de la vie et de tout ce qu’elle nous offre en espérant ne jamais tomber dans les rets de cette cruelle sorcière.

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  PAULETTE

  de Moriconi, Martine
  Éditions Marie Romaine
  ISBN : 9782494738270 ; 15,00 € ; 24/02/2025 ; 152 p. ; Broché

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