Solstices de Stéphane Barsacq

Solstices de Stéphane Barsacq

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par El Gabal, le 25 décembre 2024 (Strasbourg, Inscrit le 10 janvier 2022, 36 ans)
La note : 10 étoiles
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Réenchanter le monde

Solstices de Stéphane Barsacq : une œuvre de lumière face aux ténèbres

Avec Solstices, Stéphane Barsacq nous offre une œuvre magistrale qui traverse les frontières du poétique, du philosophique et du spirituel. Ce livre, troisième volet de la trilogie Mystica, s’ouvre sur une prophétie saisissante : nous sommes plus proches de revenir au paradis que d’en avoir chuté. À travers une réflexion foisonnante nourrie par les vivants et les morts, Barsacq engage une quête de lumière dans un monde marqué par l’obscurité, les catastrophes du XXe siècle et la perte du sacré.

Un chemin d'écriture contre l'oubli du sacré

Barsacq pose une question fondamentale : est-il possible de vivre en homme moderne sans adhérer au crédo nihiliste du « Dieu est mort » ? Par des aphorismes ciselés, il construit un dialogue intemporel avec les grandes figures de la tradition chrétienne et les philosophies antiques, qu’elles soient grecques ou taoïstes. Loin de prôner une dogmatique religieuse, il engage une réflexion sur le retour du sacré dans une époque qui semble l’avoir occulté ou perverti.

L’écriture, pour Barsacq, devient une manière de "ressusciter" d’une mort qui nous est d’emblée promise. C’est un acte de résistance face à la chute dans le profane et l’oubli de la transcendance. À travers le silence, la prière, et l’immémorial, il interroge la possibilité d’un rapport authentique à l’amour, à la foi, et à la poésie comme ultime quête de liberté et de lumière.

Un dialogue ininterrompu avec les vivants et les morts

Comme chez Maurice Blanchot, Solstices est un dialogue ininterrompu avec les figures tutélaires de la poésie, de la philosophie et de la musique. Rimbaud, Baudelaire, Nietzsche, Kierkegaard, Artaud ou encore Jabès et beaucoup d'autres jalonnent cette réflexion. Mais cette galerie d’interlocuteurs ne se limite pas aux écrivains et aux philosophes. Barsacq convoque également des musiciens comme Mozart, Alfred Deller ou Hélène Grimaud, dans un hommage vibrant à la puissance de la musique, qu’il considère, avec la poésie, comme les formes d’art les plus aptes à révéler l’immémorial.

Mais ce dialogue ne s’arrête pas au simple hommage. Chaque référence nourrit la réflexion de Barsacq sur des thèmes fondamentaux : la place du silence dans l’écriture, la puissance du sentiment amoureux, le rapport entre le sexe et la mort, ou encore la résurgence de la foi et du sacré. En convoquant ces compagnons de route et de pensée, il donne à son œuvre une profondeur intemporelle et une résonance universelle.

Écrire contre la mort et la finitude

Au cœur de Solstices se trouve une méditation essentielle sur la mort et la finitude. Pour Barsacq, écrire est un acte de résurrection, une manière de défier la disparition promise à tout être humain. L’écriture, dans sa forme fragmentaire et aphoristique, devient un espace où la voix de l’écrivain traverse les âges, dialoguant avec les morts pour mieux éclairer les vivants.

Cette réflexion sur la finitude s’inscrit dans une vision plus large de l’existence : l’écriture n’est pas seulement une réponse à la mort, mais aussi un moyen de révéler une lumière cachée dans les ténèbres. À travers elle, Barsacq interroge la chute dans le profane et cherche à restaurer une spiritualité perdue, où la poésie devient un acte de foi et de transcendance.

Le sacré à l’épreuve de la modernité

Stéphane Barsacq critique avec acuité une modernité qu’il accuse de déformer le sacré. Dans un monde dominé par la consommation et l’utilitarisme, le sacré est réduit à une marchandise. La pornographie, qu’il qualifie de « puritanisme inversé », en est un exemple criant : elle sacrifie l’Éros et vide la sexualité de sa dimension sacrée, en la ramenant à un simple acte mécanique et trivial où l’Éros est sacrifié sur l’autel du profane.

Cette critique ne se limite pas à la sexualité. Barsacq déplore un monde où l’art, la foi et l’amour perdent leur pouvoir de transcendance. Pourtant, il ne sombre pas dans le désespoir : il croit en la capacité de l’écriture, de la musique et de la poésie à réenchanter le monde et à ranimer une lumière intérieure dans les cœurs les plus désabusés.

Solstices : un basculement entre ombre et lumière

Le titre du livre, Solstices, évoque ce moment cosmique où la lumière renaît au sein des ténèbres les plus profondes. Pour Barsacq, c’est une métaphore puissante de l’écriture et de l’humanité elle-même : même dans les époques les plus sombres, il reste une possibilité de rédemption, de retour à la lumière.

Pour Barsacq, cette lumière ne se trouve pas dans un retour nostalgique au passé, mais dans un dépassement des tragédies modernes et une réinvention du rapport à la foi, à l’amour et à l’art. C’est un acte de création et de résistance face à l’absurde, une manière de transcender la finitude en embrassant l’éternité offerte par l’acte poétique.

Un livre exigeant et illuminant

Solstices n’est pas une lecture facile : l’écriture fragmentaire exige de ralentir, de méditer chaque phrase comme un koan. La richesse des références, la forme fragmentaire et la profondeur des réflexions demandent au lecteur de ralentir, de s’immerger dans cet univers où chaque mot, chaque pensée, résonne comme un écho de l’immémorial.

Mais l’effort en vaut la peine : Barsacq nous offre un livre qui éclaire les ombres de notre époque et nous invite à renouer avec ce que nous avons de plus précieux – notre capacité à aimer, à croire, à penser et à créer.

Conclusion : un phare dans les ténèbres

Solstices est un livre pour les esprits en quête, un ouvrage qui dialogue avec le passé pour mieux comprendre notre présent et entrevoir un avenir où la lumière pourrait renaître. À travers l’écriture, Barsacq transcende la finitude et nous montre que poésie, musique et pensée sont les clés d’un monde réenchanté.

C’est une œuvre qui réunit l’ombre et la lumière, la parole et le silence, le profane et le sacré. Un véritable acte de foi dans la puissance de l’art pour nous guider à travers les solstices de nos vies.

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