Une belle pièce de théâtre hugolienne d'inspiration classique

Pour cette pièce de théâtre, Victor Hugo a pris un personnage historique peu connu, Marion de Lorme, dont j’ignorais tout moi-même, et qui était l’amie d’un autre personnage de la même époque, Ninon de Lenclos, dont la renommée libertine nous est parvenue jusqu’à nous, alors que celle de Marion de Lorme serait tombée dans l’oubli n’eût été cette pièce à laquelle Hugo lui donna son titre, alors que paraît-il, elle n’avait rien à envier à celle de son illustre consœur et contemporaine Ninon !

Hugo reprend cette image très-galante pour la camper en femme, qui de légère qu’elle avait été, touchée par un amour vrai et sincère qu’elle éprouvait pour la première fois de sa vie pour un homme, Didier, repentante, pure, chaste et fidèle. Malheureusement pour elle, il est rare qu’on échappe à son passé, et Didier, qui ignorait tout du sien, l’action de la pièce se déroulant à Blois, loin du brillant Paris des amours scandaleuses, frivoles et volages qu’avait alors fuit Marion et de plus n’étant lui-même qu’un homme du peuple, étranger au monde des nobles, l’apprenant d’un autre homme, comte qui lui vouait une reconnaissance fraternelle pour l’avoir sauvé d’un guet-apens qui aurait pu lui faire perdre la vie, qui avait été avant lui l’un de ses soupirants, se sentant déchiré soudain par les affres de la jalousie, la repousse, plongeant dans le désespoir Marion. Mais Marion ne cessera pas de l’aimer pour autant et fera tout ce qui est en son pouvoir pour sauver Didier d’une mort certaine.

Voilà, dans un grand résumé, celui qu’on peut de faire de « Marion de Lorme », l’une des premières pièces de théâtre que Hugo a écrites et représentées. On comprend donc, au vu de ce résumé, que c’est une tragédie, la première que Hugo écrira, avant Hernani.

Alors j’ai apprécié cette pièce. Elle est en vers, ce qui ajoute à mon plaisir, quoique je trouve que trop de vers s’enjambent et se coupent les unes sur les autres, ce qui trouble leurs harmonies. Mais il y quand même beaucoup de bons morceaux, dont celui délectable de la scène X de l’acte III où une troupe de comédiens, où Marion et Didier s’étaient réfugiés, déclament des vers d’autres poètes dont Corneille. D’ailleurs, Hugo inséra dans sa pièce des passages où ses personnages discutent des mérites comparés de Corneille avec d’autres poètes du même temps. Très savoureux cela aussi ! Et que dire de tout l’acte IV qu’occupe le roi lui-même sur scène, Louis XIII ! Tout un acte d’une rare puissance qui émane de ce roi dit absolu mais qui est montré totalement dépressif et qui voit tout en noir, car souffrant dans son orgueil du vrai pouvoir qui lui a été confisqué par Richelieu son ministre, l’homme en rouge. Très impressionnant. Et le dernier acte, qui fait pendant au quatrième, qui porte le titre du cardinal, qu’on ne voit pourtant pour ainsi dire jamais, mais qui de trois mots, trois seulement, décide du sort de toute la pièce ! Magistral.

Il reste que les personnages sont parfois trop stéréotypés. Ah ce Didier, ombrageux, pétri d'honneur et tout d’une pièce jusqu’à mettre stupidement en danger sa vie même ! Et cette Marion, si aveuglée dans son amour exclusif, total pour Didier, jusqu’à l'abnégation qu'elle en est touchante ! Et ce comte de Saverny si fin, ingénieux et égoïste et qui a pourtant si bon cœur à la fois. Et toute une galerie de personnages haut en couleurs jusqu'à l'outrance parfois… J’aurai dit que c’est là le peu de défaut de la pièce qui est réussie par ailleurs et qui reste tout de même un peu trop classique et prévisible. Mais ne boudons pas notre plaisir !

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  Marion de Lorme [Texte imprimé] Victor Hugo édition présentée, établie et annotée par Clélia Anfray

  de Hugo, Victor Anfray, Clélia (Editeur scientifique)
  Gallimard / Collection Folio. Théâtre
  ISBN : 9782072730184 ; 7,80 € ; 28/03/2019 ; 336 p. ; Poche

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