Anthologie de la poésie russe de Collectif

Anthologie de la poésie russe de Collectif

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie , Littérature => Russe

Critiqué par Septularisen, le 22 septembre 2024 (Inscrit le 7 août 2004, - ans)
La note : 10 étoiles
Visites : 110 

UNE POÉSIE DE MARTYRS... (1)

Tout fut pris… Ce ne fut pas long,
Les montagnes et les vallons,
Le fer, l’acier et le charbon,
Le bois, le cristal et le plomb.

Ils ont pris l’Est après le Nord,
Pris tout le sucre et pris tout l’or,
Tous les moulins! Bandits! Bandits!
Ils ont pris l’Ouest, le Midi,

Tatra, Varra, tous nos chemins,
Les pays proches et lointains;
Plus que paradis ou prairies,
Ils nous ont pris notre patrie.

Ils nous ont pris nos camarades,
Minerais, fusils et grenades,
Mais nous allions vers eux sans armes
Et nous crachions cachant nos larmes.

Paris, 9 mai 1939. Marina ZVÉTAÉVA (1892 – 1942).
Sur l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes nazies.

En Russie au XVIIIe S. il se produisit (probablement au contact avec l’Occident…) une deuxième «naissance» de la poésie. Mais, si en occident, nous pensons couramment que ce sont les fondateurs de la poésie Russe moderne qui l’ont réalisée, son véritable auteur n’est autre que… Michel LOMONOSSOV (1711 – 1765).
Divers courants idéologiques se partagent alors la poésie russe, le «Classicisme humanitaire», de LOMONOSSOV donc, - aidé il est vrai de Gabriel DERJAVINE (1743 – 1816), Ivan KOSLOV (1779 – 1848), Basile JOUKOVSKY (1783 – 1852), et Constantin BATIOUCHKOV (1787 – 1855) -, toutefois à cette période exclusivement poétique, succédera un période presque exclusivement dominée par les prosateurs, à l’exception notable du poète de renom Nicolas NEKRASSOV (1821 – 1877).

Ô Muse, nous avons acheté notre chant!
Viens fermer à jamais les yeux de ton poète
Pour l’éternel sommeil dans la nuit du néant,
Sœur du peuple, ma sœur, oh ! viens, mon âme est prête.

(1868) Nicolas NEKRASSOV (1821 – 1877).

Divers courants idéologiques se partagent alors la poésie russe : «l’héroïsme civique et oratoire de Condrat RILÉEV (1795 – 1826), le «romantisme et le réalisme poétique», d’Alexandre POUCHKINE (1799 – 1837) et Michel LERMONTOV (1814 – 1841), le «symbolisme» de Théodore TUTCHEV (1803 – 1873), Vladimir SOLOVIOV (1853 – 1900), Constantin BALMONT (1867 – 1943) et Alexander BLOK (1880 – 1921), le «futurisme» de Vélémir KHLEBNIKOV (1885 – 1922), Boris PASTERNAK 1890 – 1960), Marina ZVÉTAÉVA (1892 – 1942) et Vladimir MAÏKOVSKI (1894 – 1930), lequel fondera par la suite la nouvelle école du «réalisme socialiste».

Terrible est l'heure de la mort,
Mystérieuse, exténuante...
Mais il est plus terrible encore
De voir d'une âme encore vivante
Fuir des ombres évanescentes
Emportant ses plus chers trésors...

14/10/1867 Théodore TUTCHEV (1803 – 1873).

Que dire de plus ? La poésie Russe est faite de mots familiers, de sentiments (l’amour, la mort, la fidélité…), elle rencontre la vie telle qu’elle est, elle ne recherche pas la délicatesse, l’éloquence, la puissance, la hauteur, elle nous parle, tout simplement! C’est une musique de la mélancolie et de l’innocence, la poésie Russe exprime surtout l’immobilité, la vie, les traditions, les animaux, le foyer, les hommes, les femmes, la nature, le bonheur, les fêtes, le romanesque…

«L’OISEAU»

En pays étranger,
Fidèle au vieil usage,
J’ouvre aujourd’hui la cage
A cet oiseau léger.

Et je me sens renaître,
Heureux, réconforté,
De mettre en liberté
Ne fût-ce qu’un seul être!

(1823) Alexandre POUCHKINE (1799 – 1837).

Que vous dire encore, sur cette magnifique anthologie qui couvre plus de trois siècles de poésie russe et nous présente plus de quatre-vingt poètes, dans une si courte recension? Comme toujours aux les noms les plus connus des lecteurs, - Anna AKHMATOVA (1888 – 1966). Serge ESSÉNINE (1895 – 1925), Joseph MANDELSTAM (1892 – 1938), Ivan BOUNINE (1870 – 1953) -, en plus de tous ceux cités plus haut…

«LE COQUILLAGE»

Suis-je inutile et hors d’usage,
Nuit? Du gouffre de l’univers,
Sans perle, un simple coquillage
Jeté sur le bord de la mer?

La vague écume sous ta brise,
Ton chant est sauvage et lointain,
Mais tu l’aimes, ô nuit exquise,
Ce coquillage étrange et vain.

Le couvrant d’un manteau d’étoiles,
Près de lui sur le sable d’or,
Tu le berces pendant qu’il dort
Du bruit houleux de la rafale.

Maison d’un cœur sans habitants,
Ce coquillage aux murs fragiles,
Remplis-le de rumeurs subtiles,
De brouillard, d’écume et de vent!

(1911) Joseph MANDELSTAM (1892 – 1938).

Et bien entendu ils sont accompagnés d’une pléthore d’«illustres inconnus» : Igor SÉVÉRIANNE (1887 – 1943), Élie EHRENBOURG (1891 1967), Maximilien VOLOCHINE (1878 – 1932), Gabriel DERJAVINE (1743 – 1816) …

Ô nuits sans sommeil, ô nuits folles !
Nuits où brûlent les deniers feux,
Yeux éteints, confuses paroles,
L’automne, ses fleurs, ses aveux…

Si le temps, de sa main cruelle,
Montre leur charme mensonger,
Mon erreur en vain se révèle,
Car je ne fais plus qu’y songer.

Leur doux murmure qui m’enjôle
Des jours étouffe les vains bruits ;
Mon âme aspire à vous, ô nuits !
Ô nuits sans sommeil, ô nuits folles !

Alexis APOUKHTINE (1841 – 1893).

J’ai pour ma part particulièrement apprécié ceux de la fin du XXe S. citons entre autres Michel DOUDINE (1916 – 1993), Eugène EVTOUCHENKO (1932 – 2017) et Bella AKHMADOULINA (1937 – 2010)…

«ATTENDS-MOI!»

Attends-moi, attends sans cesse,
Résistant au sort ;
Par la pluie et la tristesse,
Attends-moi encor !
Attends-moi par temps de neige
Et par les chaleurs;
Lorsque les regrets s'allègent
Dans les autres cœurs,
Quand, des lointaines contrées,
Sans lettre longtemps,
Le silence et la durée
Lasseront les gens.

Attends-moi, attends sans cesse
Et sans te lasser;
Sois pour ceux-là sans faiblesse
Qui diront «Assez !»
Quand mon fils, ma mère tendre
Acceptant le sort,
Quand mes amis, las d'attendre,
Disant «Il est mort»,
Boiront le vin funéraire,
Assis près du feu,
Ne bois pas la coupe amère
Trop tôt avec eux !

Quand, fidèle à ma promesse,
Revenant un soir,
Je narguerai la mort, laisse
Dire «Le veinard!»
Ceux qui sont las de l'attente
Ne sauront point, va,
Que des flammes dévorantes
Ton cœur me sauva.
Nous deux, seuls, pourrons comprendre
De quelle façon
J'ai survécu pour me rendre
Dans notre maison.

(1941) Constantin SIMONOV (1915 – 1979).

Est-ce que je conseille la lecture de cette anthologie? Pour peu que l’on aime la poésie? Oui! Sans l'ombre d'une hésitation! C’est un volume à garder sur sa table de chevet, et à déguster tout en douceur et en lenteur…

Pour finir, comme toujours la parole au poète, ici Alexis SOURKOV (1899 - 1983)...

«A SOPHIE KREVS»

La tranchée… un poêle qui tire…
Pleurs de résine sur un tronc…
Le feu rougeoie, l'accordéon
Chante tes yeux et ton sourire,

Devant Moscou tous les buissons
Ton doux prénom me chuchotaient…
Ah ! que ma voix te soit portée
Par ma tendre et triste chanson!

De moi pour longtemps séparée
Par des champs de neige sans fin,
Long serait vers toi le chemin;
Vers la mort, trois pas suffiraient.

Accordéon, sans te lasser,
Porte au loin ma chanson nouvelle!
Pensant à mon amour fidèle,
J'ai chaud dans ce gourbi glacé.

(1941) Sous Moscou

(1) : Afin de simplifier cette recension, tous les noms des poètes russes ont été traduits en français.
Ce titre est inspiré par le destin tragique de plupart des poètes russes.

Constantin BATIOUCHKOV (1787 – 1855), tenta de se suicider et fini ses jours dans la folie ;
Condrat RILÉEV (1795 – 1826), fût pendu à trente et un an ;
Alexis APOUKHTINE (1841 – 1893), ne publia rien pendant vingt ans ;
Marina ZVÉTAÉVA (1892 – 1942), s’est suicidée par pendaison, à quarante-huit ans, l’endroit de sa sépulture est perdu ;
Alexandre POUCHKINE (1799 – 1837), périt dans un duel à l’âge de trente-sept ans ;
Michel LERMONTOV (1814 – 1841), même chose à l’âge de vingt-sept ans ;
Alexandre ODOÏEVSKI (1802 – 1839), meurt à son retour du bagne à trente-six ans ;
Alexeï KOLTSOV (1809 – 1842), meurt à trente-trois ans, miné par le travail et le chagrin ;
Boris PASTERNAK (1890 – 1960), meurt de chagrin, complètement ruiné, deux ans après avoir obtenu le Prix Nobel de Littérature, qu'il avait été forcé de refuser par les autorités politiques de son pays ;
Alexis PLECHTÉEV (1825 – 1893), meurt en exil à Paris après avoir connu les bagnes de Sibérie ;
Athanase FET (1820 – 1892), se tue à soixante et onze ans ;
Constantin BALMONT (1867 – 1942), tenta de se suicider à vingt-deux ans et meurt en exil à Paris ;
Maxime GORKI (1868 – 1936), même chose à vingt ans, il meurt dans des circonstances douteuses ;
Alexandre BLOK (1880 – 1921), meurt à quarante et un an d’épuisement moral et physique ;
Velimir KHLEBNIKOV (1885 – 1922), succombe aux épreuves matérielles à trente-sept ans ;
Nicolas GOUMILEV (1886 – 1921), est fusillé à trente-cinq ans ;
Ivan BOUNINE (1870 – 1953), meurt apatride à Paris ;
Joseph MANDELSTAM (1891 – 1938), meurt en déportation à quarante-sept ans ;
Anna AKHMATOVA (1899 – 1976), voit ses œuvres interdites de publication pendant plus de trente ans ;
Vladimir MAÏAKOVSKI (1893 – 1930), se tire une balle dans le cœur à trente-six ans ;
Alexandre IACOVLEFF (1887 – 1938), meurt en exil à Paris à cinquante ans ;
Serge ESSÉNINE (1895 – 1925), se pend, après s’être coupé les veines, et avoir écrit son dernier poème avec son propre sang, il avait trente ans ;
Nicolas KLIOUÏEV (1884 – 1937), meurt fusillé à son retour des bagnes de Sibérie, à cinquante-trois ans ;
Joseph BRODSKY (1940 – 1996), meurt en exil aux USA à cinquante-cinq ans, des suites de graves problèmes de santé, ayant comme origine les séquelles physiques des cinq ans de bagne auxquels il avait été condamné en URSS, pour... «Parasitisme social»!..

(…)

Cette liste est loin d’être exhaustive!..


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