Délicieusement horrifique

Les éditions « Monsieur Toussaint Louverture », à qui l’on doit la parution de la saga Blackwater puis des Aiguilles d’Or, ajoutent à leur catalogue cet autre roman de Michael McDowell (1950-1999), un auteur dont le moins qu’on puisse dire est qu’il méritait sans conteste d’être enfin édité en traduction française. On remarquera que, tout en s’inspirant de modèles littéraires hérités du XIXe siècle, en particulier la littérature dite « populaire », celle d’un Eugène Sue par exemple, Michael McDowell se distingue par la variété de ses sujets autant que par la fluidité de son écriture.
Inspiré par l’histoire vraie des Blenders, surnommés les « Bloody Benders », une famille qui s’était rendue coupable de plusieurs meurtres au Kansas en 1870, Michael McDowell la réinvente sous le nom de Slape. Pensons aux Thénardier dans Les Misérables de Victor Hugo, famille romanesque la plus illustre dans le registre de la bassesse et de la méchanceté. Eh bien, comparés aux Slape, les Thénardier ressemblent à des anges de bonté, tellement les Slape sont encore davantage capables de tous les vices, de toutes les cruautés, de toutes les roueries, de tous les crimes pour parvenir à leurs fins. Ils sont trois : John, sorte de père fouettard simple d’esprit et violent ; Hannah, sa nouvelle épouse (la première ayant pris feu !), maléfique et paresseuse, mais prête à tout dès qu’il s’agit de voler l’argent des autres ; Katie enfin, la pire des trois, jeune fille insensible, sadique, sociopathe possédant des dons de divination qui ne lui servent qu’à commettre avec plus d’efficacité ses crimes en usant de couteaux et surtout de son instrument de prédilection, un marteau !
Face à ce trio démoniaque, le roman nous fait découvrir une autre famille, les Drax avec, en particulier celle qui, autant que Katie, est au cœur du roman, Philomela, dite Philo, jeune fille de 18 ans à qui son grand-père demande du secours au début de notre histoire. Le vieil homme, en effet, par un concours de circonstances, se retrouve en quelque sorte prisonnier des Slape qui convoitent sa fortune. Je me garderai de dévoiler toutes les péripéties du roman, mais précisons tout de même que, les Slape ayant réussi leur coup et ayant dérobé la fortune du grand-père, c’est Philo qui, étant soupçonnée d’être la meurtrière, doit s’enfuir, quittant le Kansas pour aller vivre à New York où bien des aventures lui sont réservées, infortunes d’un côté, chances de l’autre, jusqu’à, comme on peut s’en douter, de nouvelles rencontres avec l’infâme famille des Slape.
Remarquablement composé, ce roman aux multiples rebondissements se lit avec passion, gourmandise et frissons d’horreur, certaines pages saisissant atrocement le lecteur comme lorsqu’il est question d’une terrifiante catastrophe ferroviaire. Je n’en dis pas davantage. Précisons cependant que, contrairement à nombre de romans de cette sorte, ceux de Dickens par exemple, même les personnages positifs ou bons sont plutôt réussis. Philo, en particulier, n’est pas décrite comme une oie blanche, mais comme une jeune femme qui, à son corps défendant, éprouve un certain plaisir lorsqu’il lui est donnée d’assister aux morts atroces de ses ennemis. Reste que, comme toujours dans ce type de romans, ce sont les personnages de « méchants » qui, il faut bien le reconnaître, en font la qualité. De ce point de vue, le personnage de Katie qui donne son titre au roman est particulièrement gratiné : un joli prénom pour une jeune femme parmi les plus effroyables qui aient été imaginées par un romancier !

• 

  Katie

  de McDowell, Michael Szlamowicz, Jean (Traducteur)
  Monsieur Toussaint Louverture
  ISBN : 9782381961538 ; 12,90 € ; 19/04/2024 ; 455 p. ; Broché

  Go Amazon