Les dessins du diable de José-Alain Fralon

Les dessins du diable de José-Alain Fralon

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Débézed, le 17 août 2024 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans)
La note : 8 étoiles
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De la Shoah à la fortune par la passion

Arthur Langerman a été le premier diamantaire anversois à s’intéresser aux diamants de couleurs, ils les achetaient à vil prix chez ses concurrents et, quelques années plus tard, les revendait avec un très substantiel bénéfice. Il est ainsi devenu le spécialiste de ces pierres précieuses, l’expert en la matière, le roi du diamant de couleurs. José-Alain Fralon, ex-grand reporter, lui a consacré cette biographie.

Arthur Langerman est le fils d’une famille de Juifs polonais ayant fui les pogroms et ayant eu la malchance de faire deux fois le mauvais choix : une première fois pour être restés à Anvers au lieu de s’exiler aux Etats-Unis et une seconde, après s’être réfugiés dans le Sud-Ouest de la France, d’avoir cru en Hitler et d’être revenus à Anvers où Arthur est né en 1942 juste après la deuxième rafle de Juifs. Ses parents ont été emportés lors de l’une des dernière rafles en 1944, ils avaient eu la prévoyance de confier Arthur à la Croix rouge qui assura sa sauvegarde.

En 1945, sa mère rentre, elle est décharnée, très faible et seule, presque toute la famille a disparu dans le drame de la Shoah. Arthur n’apprendra le sort de son père que bien plus tard à la fin du XX° siècle. Elle lutte pour nourrir son fils et lui donner une éducation, ils déménagent souvent de petit boulot en petit boulot, de galère en galère, de misère en misère… Cécile, la maman, trouve un nouveau compagnon qui n’est qu’un escroc qui lui laisse un tas de dette, elle s’en sépare et rencontre, plus tard, un commerçant ambulant qui vend des bas sur les marchés et apportent un peu de soleil et de pain dans la famille…

Arthur voulait faire des études, il était très doué mais très peu organisé, il ne travaillait pas, il changeait d’école à chaque rentrée jusqu’à ce qu’il trouve celle qui lui permettra d’apprendre les connaissances fondamentales. Dès la fin de l’école primaire, sa mère lui demande de participer aux frais familiaux et lui trouve un petit boulot chez un diamantaire anversois. Ce travail est souvent monotone mais il apprend très vite l’art de tailler les pierres et surtout l’art de les reconnaître pour détecter les plus belles et surtout l’art de négocier. Il devient un marchand avisé, fin négociateur et rude commerçant. Il gravite vite les échelles de la profession, créé sa propre maison où il se concentre sur les pierres de couleurs, celles qui feront sa fortune.

Acheter des pierres c’est déjà débuter une collection, Arthur est un grand collectionneur, il s’est passionné pour des objets très divers créant des collectons qu’il cède pour vite en commencer d’autres. Il possède encore une très belle collection de BD dans laquelle figure des planches originales de Tintin et d’autres titres aussi célèbres, mais sa collection la plus importante concerne les dessins, affiches, illustrations, …, antisémites qu’il déniche partout dans le monde grâce au réseau d’acheteurs qu’il a constitué. Cette collection génère vite une polémique, certains lui reprochant de remettre en lumière cette peste mortifère mais lui est convaincu que c’est dans ces iconographies qu’ont poussé les germes de la Shoah à travers cette perpétuation de l’antisémitisme millénaire. Il lègue sa collection à la ville de Berlin à la condition qu’elle l’héberge, la fasse vivre et l’expose régulièrement … c’est l’œuvre de sa vie, il y retrouve son père, sa famille, son peuple…. Sa façon de lutter contre l’obscurantisme antisémite.

Ce récit c’est l’histoire d’une magnifique réussite professionnelle, d’une victoire sur le mauvais sort, d’une leçon de vie dans les affaires. C’est une monographie du monde des diamantaires au cœur d’Anvers. C’est l’exposé de la passion d’un collectionneurs mais c’est surtout une leçon d’histoire du peuple juif massacré par la folie nazie et la lutte de l’un d’entre eux pour que « plus jamais ... » mais la formule a déjà servi et elle a été bien peu efficace…

Jusqu’à sa mort, sa mère n’a jamais évoqué son sinistre voyage, Arthur apprendra bien plus tard par la mère de Diane de Fürstenberg qui faisait partie du même convoi l’atroce périple que ses femmes ont accompli pour figurer sur la liste des quelques survivants des camps de la mort.

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