De la destruction comme élément de l'histoire naturelle de Winfried Georg Sebald

De la destruction comme élément de l'histoire naturelle de Winfried Georg Sebald
( Luftkrieg und Literatur)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Critiques et histoire littéraire

Critiqué par Sahkti, le 25 décembre 2004 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (42 043ème position).
Visites : 4 557  (depuis Novembre 2007)

Payer pour les autres

A l'heure où l'on bombarde l'Irak sans discernement, au plus grand mépris d'une population innocente, (re)lire ce texte de W.G. Sebald est d'une grande importance.

La destruction de nombreuses villes allemandes pendant la guerre est longtemps restée (et reste encore) un sujet tabou, comme si il y avait une gêne, l'envie de répondre "c'était la guerre, il faut comprendre" tout en réalisant que c'était quand même un massacre.
Coupable d'un régime politique nuisible certes, mais responsable de tous les maux de la terre au point de devoir être détruite ? L'Allemagne a payé un lourd tribut, plus d'un million de bombes larguées sur ses toits, plus de 130 villes détruites, 400.000 vols aériens rien que pour la R.A.F. au-dessus des territoires allemands... C'est beaucoup. Et pas facile à digérer. Surtout quand on a l'étiquette l'accusé sur le front, pas évident de se plaindre.
Cela n'aurait pourtant pas dû empêcher les auteurs d'en parler, d'écrire à ce sujet, de raconter et/ou dénoncer. Est-ce que le poids de la culpabilité était tel que le silence était préférable ? Sebald a décidé de briser celui-ci en dressant une sorte d'inventaire des dégâts et destructions. Sebald qui règla également quelques comptes avec certains écrivains, dont Alfred Andersch, pour avoir étalé des plaintes d'intellectuels, alors que ceux-ci n'ont pas daigné parler ouvertement de ce qui se passait dans le pays. Pour les Allemands. Mais aussi pour tous les autres, toutes ces victimes du nazisme dont on a trop souvent dit "on ne savait pas". Etait-il malvenu de se plaindre des destructions d'un pays qui envoyait à la mort des milliers de personnes ? Y a-t-il eu compromission dans le silence ?
Sebald pose clairement la question de la responsabilité à faire porter par tout un peuple, dont on détruit le pays, au nom de quelques-uns uniquement. D'actualité. Encore et toujours !

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Conférences de Zurich, 1997

5 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 2 août 2011

« Les conférences de Zurich intitulées « Guerre aérienne et Littérature » ne paraissent pas exactement dans ce volume sous la forme qu’elles avaient lorsqu’elles furent prononcées à la fin de l’automne 1997. La première avait pour point de départ la description que Carl Seelig fait d’une excursion entreprise au milieu de l’été 1943 avec un pensionnaire d’établissement psychiatrique nommé Robert Walser, à la veille de la nuit où la nuit où le feu ravagea la ville de Hambourg. »
…/…
« Mais les insuffisances et les crispations des lettres et écrits divers parvenus à mon domicile ont précisément révélé que l’expérience vécue par des millions de gens dans les dernières années de la guerre, cette humiliation nationale sans précédent, n’a jamais été réellement mise en mots et que ceux qui étaient directement concernés ne l’ont ni partagée ni transmise aux générations suivantes. »

C’est la thèse de Winfried Georg Maximilian Sebald (W.G. Sebald), littéralement obsédé dès sa jeunesse par « l’omerta » de la génération de ses parents (son père fut sous-officier la Wehrmacht au moment de l’invasion de la Pologne), ainsi que de la littérature ou la société allemandes pour la destruction systématique des villes allemandes par les bombardements alliés sur la fin de la guerre.
Invité à donner des conférences à l’Université de Zurich en 1997, W.G. Sebald proposa le thème « Guerre aérienne et Littérature ». « De la destruction … » est né du texte de ces conférences, comme il l’explique plus haut.
Il s’agit donc plus de développer des thèses – volonté de destruction systématique des villes allemandes alors que la guerre prenait fin, et refoulement de cet état de fait dans l’inconscient collectif allemand, absence de cet épisode particulier de la guerre dans la littérature allemande, que de littérature à proprement parler. Ce sont quand même six cent mille civils qui furent envoyés ad patres à cette occasion, sans compter l’état psychique dans lequel ont dû se trouver les centaines de milliers de survivants. Il semblerait, par exemple, que les bombardements de Dresde furent le plus grand massacre jamais perpétré en un même lieu et dans le même temps ...
Un dernier chapitre permet à W.G. Sebald de « tailler un short » à Alfred Andersch, à qui Sebald reproche de n’avoir pas joué son rôle d’intellectuel et de s’être uniquement préoccupé de son confort et de son intérêt.

« Andersch, au fond, a toujours été un homme de l’arrière. C’est pourquoi, logiquement, il est devenu suisse au début des années soixante-dix, bien que ce ne fût pas vraiment pour lui une nécessité.
…/…
« Il apprécie la Suisse ; elle n’est pas l’objet de ses préoccupations. » Cela nous donne une fois de plus accès à une vie intérieure tourmentée par l’ambition, l’amour-propre, la rancœur et la rancune. L’œuvre littéraire est le manteau qui les recouvre. Mais la méchante doublure fait jour de toutes parts. »



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