Les tribulations du dernier Sijilmassi de Fouad Laroui

Les tribulations du dernier Sijilmassi de Fouad Laroui

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Pucksimberg, le 12 juin 2024 (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 45 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (26 268ème position).
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Un Candide des temps modernes à Casablanca


Lorsqu’il se trouve à plusieurs mètres d’altitude, dans son avion de Lufthansa, Adam a une épiphanie comme il le dit lui-même, une révélation. Il ne condamne pas le progrès, mais il se sent pris dans une course qui ne lui laisse pas vraiment le temps de vivre et de profiter. Il décide de partir à Casablanca, un retour aux sources, jusqu’à Azemmour. A la façon d’un conte philosophique de Voltaire, Fouad Laroui décrit l’apprentissage de son personnage qui va s’interroger sur de nombreux éléments : l’islam, l’héritage culturel, son identité, sa place sur Terre … Il fera de nombreuses rencontres comme c’est le cas dans « Candide » et son personnage entretiendra des discussions passionnantes et vives sur divers éléments.

Le narrateur peut surprendre au départ, semblant naïf dans certains de ses choix comme aller à Casablanca à pied de l’aéroport. Sa volonté de décrocher du monde tel qu’il est à ce jour afin de le repenser s’avère passionnant. Fouad Laroui, sans doute, s’interroge à travers son personnage et ses réflexions invitent le lecteur à s’interroger aussi. Dans ses multiples discussions, il s’interroge sur l’islam, ou plutôt les divers islams qui se sont développés. Il ne comprend pas que les croyants ne parviennent pas à concevoir qu’il y a plusieurs lectures de l’islam. Cette intolérance a les conséquences que nous connaissons. Il évoque le fait que la croyance devrait être intime, en soi et pas exposée aux yeux de tous et sujette par conséquent à des tensions. A l’inverse, il défend la culture littéraire et philosophique arabe en évoquant d’anciens penseurs qui ont même influencé nos intellectuels. Il aimerait bien qu’ils soient réhabilités et mis sur le plan que nos penseurs. Du côté occidental et du côté oriental, ils sont quelque peu négligés alors qu’ils incarnaient la sagesse aux yeux de nos penseurs. Fouad Laroui évoque aussi d’autres sujets par le biais de dialogues argumentatifs qui se révèlent passionnants si l’on s’intéresse à ces questions.

Le début du roman regorge d’humour et tombe quelque peu dans la surenchère, comme s’il y avait gag sur gag. Ce point m’a un petit peu gêné car j’ai trouvé certaines pointes d’humour lourdes, mais j’ai aussi souri à d’autres. Fouad Laroui a multiplié aussi les parenthèses, voire celles qui sont aussi enchâssées dans d’autre parenthèses. Je ne suis pas séduit par ce procédé. Mais assez vite, le charme opère quand les discussions conservent de l’humour tout en étant plus philosophiques et accessibles. Les dialogues argumentatifs possèdent de la vivacité et interpellent le lecteur. Le personnage d’Adam est aussi habité par ses anciennes lectures, donc régulièrement des citations de roman traversent son esprit. Elles le gênent au départ car elles en renvoient à son éducation, puis il les accepte car elles rentrent dans la construction de son identité. Fouad Laroui a aussi des trouvailles, comme le cerveau du personnage principal associé à un Parlement, dans lequel les députés se chamaillent lorsque le personnage essaie de délibérer. Oui, ce procédé peut surprendre, mais il est cohérent et plaisant. Il est utilisé à plusieurs reprises.

Les chapitres sont assez courts, les questionnements d’Adam amusent tout en ne manquant pas d’intelligence et le lecteur découvre un homme divisé entre deux cultures qui n’ont pas le même rapport au temps. Pourtant, remettre au centre de notre culture ces penseurs arabes serait idéal. Le personnage se plaît à rêver d’un Maroc plus à l’écoute de ces intellectuels que des diktats d’une religion, dont quelques hommes ont donné une version à laquelle tout le monde doit se soumettre. Fouad Laroui ne cède pas au réquisitoire, ne fait pas preuve d’agressivité. Tout passe par la discussion intelligente et le débat posé. Voltaire est souvent cité dans ce roman et il est vrai que ce roman peut rappeler les apologues du philosophe.

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Les éditions

  • Les tribulations du dernier Sijilmassi [Texte imprimé], roman Fouad Laroui
    de Laroui, Fouad
    Julliard
    ISBN : 9782260021414 ; 1,65 € ; 21/08/2014 ; 342 p. Broché
  • Les tribulations du dernier Sijilmassi [Texte imprimé], roman Fouad Laroui
    de Laroui, Fouad
    Pocket / Presses pocket (Paris)
    ISBN : 9782266258685 ; 7,00 € ; 03/03/2016 ; 288 p. Poche
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Un retour aux sources

8 étoiles

Critique de CC.RIDER (, Inscrit le 31 octobre 2005, 67 ans) - 6 octobre 2025

Assis sur son fauteuil dans un avion de la Lufthansa volant au-dessus de la mer d'Andaman à la vitesse folle de 900 km à l'heure, Adam Sijilmassi, ingénieur marocain dans une société de bitume, réalise soudain que courir le monde à pareille vitesse alors que son grand-père ne se déplaçait au mieux qu'à celle d'un Vélosolex n'a aucun sens. Suite à ce qu'il appelle une « Epiphanie », il décide de ne plus jamais reprendre l'avion. Débarqué à l'aéroport de Casablanca, il refuse de prendre le moindre taxi et entreprend de rentrer chez lui à pied en trainant sa valise à roulettes sous le cagnard. Des gens s'arrêtent pour lui venir en aide, pour lui proposer une place dans leur voiture, mais Adam s'obstine dans sa détermination. Il a bien l'intention de remettre en question un à un tous les éléments de sa vie somme toute confortable, mais assez banale et donc insatisfaisante…
« Les tribulations du dernier Sijilmassi » est un roman en forme de conte philosophique bien écrit et donc assez agréable à lire. Le thème de la crise de la quarantaine d'un cadre qui veut se libérer de tout ce qu'il estime être des chaînes et tente un retour aux sources, en l’occurrence vers son village natal, l'amène à aller de déceptions en déceptions. C'est très bien vu, finement observé. Les personnages secondaires sont originaux et bien pétris d'humanité. Les pesanteurs sociales sont parfaitement décrites surtout lorsqu'il se retrouve coincé dans un rôle de gourou local qui ne lui convient nullement. Il ira donc jusqu'au bout de sa démarche et le lecteur n'en attendait pas moins. Fouad Laroui est un auteur très imprégné de culture française, mais également de philosophie musulmane. Il émaille son récit de divers développements sur la littérature et la théologie qui voulant remonter le niveau, ralentissent un peu le rythme de la narration. C'est le seul léger reproche à lui faire. Reste un petit côté Giono voire Calvino bien agréable dans cette histoire divertissante et qui donne à réfléchir.

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