Le roman de Marie de Michèle Ressi

Le roman de Marie de Michèle Ressi

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Froidmont, le 7 avril 2024 (Laon, Inscrit le 28 octobre 2022, 32 ans)
La note : 6 étoiles
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Maladresse didactique

Qui n’a jamais ouï légende de Marie, douce enfant du bon Dieu née sous de moult clairs cieux qui s’obombrèrent tôt, qui tomba de si haut dans la fange et la boue, dans les champs et la soue pour crever son cocon, s’avérer papillon, être sorcière à tort et dame de Montfort ?


Ce roman se lit bien, sans déplaisir aucun, quoique pour être franc, j’aie surtout, le lisant, éprouvé de l’ennui. Pour poser mon avis examinons deux points, avec rigueur et soin, qui font que, selon moi, ce roman ne va pas.

Tout d’abord c’est Marie qui gêne dans l’écrit. Jolie petite fille, innocente et gentille, adorée par son père, orpheline de mère, toute sa vie bascule quand le destin accule son père dos au feu. Que le long chant des freux ait résonné pour lui de son gré ou fortuit, il reste que Marie, dont l’horloge de vie frôle les treize coups, doit sertir à son cou le joug du paysan. Je sais qu’elle a douze ans, un monde à découvrir dont il faut se saisir, mais elle est trop naïve, comme d’une autre rive. C’est tout le Moyen-Age qui lui saute au visage, la féodalité, toute la société, dont elle ne sait rien qui la touche et l’atteint : j’ai comme l’impression qu’une haute cloison l’enfermait loin du monde, du tonnerre qui gronde. Et sa mentalité dans une société ô combien masculine surprend ; Ressi confine des idées plus modernes : « femme ne se prosterne », « je choisis mon destin » qui ont un joli teint mais sont en décalage avec le Moyen-Age. Certes Marie en souffre, se trouve au bord du gouffre et, persécutée, fuit, revient, repart, essuie autant d’admiration que de répulsion ; or dans la narration, la fin donne raison aux idées de Marie qui trouve pour mari le seigneur de Montfort, jusqu’en son propre fort où elle est accueillie comme une digne amie, elle qui n’est pourtant que gueuse sans argent. C’est une fin de conte : la chute et on remonte à un autre palier bien plus haut qu’on était. Ce pourrait être bien, une excellente fin, quoique mille fois vue et maintes fois prévue, mais elle est critiquable car elle est improbable. Or par le point suivant des torts de ce roman, je montrerai pourquoi l’improbable n’a pas sa place pour le coup.

Ce livre est avant tout un roman didactique. Il raconte et explique ce qu’est le Moyen-Age. Dès lors le décalage inhérent à Marie en ce se justifie : il fallait un œil neuf, tout frais sorti de l’œuf, pour mener le lecteur à être explorateur. Par conséquent tout doit être plausible en soi, car il ne faudrait pas glisser un savoir faux dans un jeune cerveau. Alors pourquoi la fin s’en écarte à ce point ? Quel noble ou nobliau en ces temps féodaux accueillerait ainsi un si mauvais parti, une bru sans usage qui n’apporte en partage nulle champ, nulle dot et qui n’est qu’une sotte ?

Un roman didactique doit éviter un hic que Michèle Ressi heurte dans son récit. Et ce terrible écueil touché sur quelques feuilles, qui fait que l’œil se dresse, c’est bien la maladresse. Pourquoi des paysans en contemplant les champs énumèrent d’un coup les impôts, le licou que le seigneur fait choir sur leur lourd désespoir ? Ils les connaissent bien, c’est là leur quotidien ! Pourquoi sur une route, Marie, foi en déroute, parvient d’un seul regard, comme de par hasard, à voir de tous les moines voûtés sur les avoines ou bien déambulant près de ces mêmes champs, qui pussent exister durant ces temps troublés ? N’est-il pas formidable qu’un moine bien affable lui vienne présenter chaque ordre et sa pensée pour l’attirer vers un des ordres masculins où de toute façon, vaine présentation, elle ne pourrait pas mettre le moindre pas ! Toutes ces maladresses sont autant de faiblesses.

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