Guillaume le Bâtard, conquérant de Jean de La Varende
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire , Littérature => Biographies, chroniques et correspondances
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Un géant de l’Histoire
Dans cette magnifique biographie, Jean de La Varende ressuscite un grand personnage de l’Histoire qui, selon lui, est un mal aimé de l’Histoire de France : Guillaume le Bâtard Conquérant. Il serait mal aimé, nous dit-il, parce qu’il ne serait pas de la même « ethnie » que les Français. Et puis, c’était un conquérant, ce qui de nos jours n’est pas bien vu. Il était le descendant de ces terribles Vikings, ces Scandinaves qui durant tout le IXème siècle ont terrorisé l’Occident. On sait que finalement, pour sauver Paris et pour avoir la paix, en 911, Charles-le-Simple, arrière-arrière-petit-fils de Charlemagne, donna à leur chef, un certain Rollon, le droit de peupler et de gérer un territoire au nord de la France, qui resterait cependant tributaire de la monarchie française, et qui depuis se nomme la Normandie.
Et Jean de La Varende est un Normand bon teint. Il aime sa Normandie au point qu’il pourrait paraître un peu chauvin mais il n’en est rien. Il aime sa Normandie, pas seulement parce qu’il y est né mais, parce qu’il a appris à la connaître : ses paysages, son climat, ses églises et ses châteaux, ses habitants et bien sûr son Histoire ; d’après lui, le rayonnement de son duché sur le monde était si grand au temps des ducs de Normandie, qu’il n’hésite pas à lui donner le titre de Toscane du nord. Et il nous dit qu’il a écrit la biographie de « son ancêtre du XIème siècle » pour satisfaire sa passion de tout connaître sur son pays. Le résultat est un véritable enchantement. Il devrait enchanter particulièrement les Normands ; ce serait une occasion pour eux d’apprendre à mieux connaître leur région et son Histoire.
Il nous rappelle d’abord l’ambiance de ces régions au siècle du Conquérant, puis il décrit en détail qui étaient ses ancêtres et pourquoi il avait le droit, et même le devoir, de conquérir l’Angleterre. Dans cette première partie de la biographie on voit Guillaume organiser son duché, l’agrandir si possible et surtout le défendre contre les barons et les visées des Rois des Francs, Henri Ier, qui était un roi accommodant mais versatile puis contre Philippe Ier avec qui il finit par faire alliance après avoir tenté de le vaincre. Cette page de l’Histoire de France, qui prend toute la première partie de la biographie, n’est pas facile à mémoriser tellement nombreux sont les personnages qui interviennent et qui portent tous les mêmes noms de père en fils : les Guillaume, Henri, Charles et autres Geoffroy sont difficiles à distinguer mais ça ne gène nullement la lecture ni la compréhension.
Après avoir pactisé avec Philippe Ier, Guillaume s’attelle aux préparatifs de l’invasion de l’Angleterre. C’est d’un intérêt prodigieux ! Ce qu’il a fallu d’énergie et de détermination pour rassembler les bateaux, les chevaux, les hommes, les armes, les équipements… et tout ça en seulement quatre mois ! C’est d’après l’auteur, et je suis d’accord avec lui, une des plus grandes prouesses de l’Histoire. Mais nous le savons depuis le 6 juin 44, tout débarquement est une prouesse de l’Histoire. Malheureusement il nous manque des renseignements sur les quantités de bateaux, de chevaux et d’hommes qu’il a fallu pour que réussisse le projet du Conquérant. L’auteur en est réduit à des estimations qui sont quand même très vraisemblables. Et ici intervient la fabuleuse tapisserie de Bayeux, qui vient d’être restaurée et a retrouvé ses belles couleurs d’origine. L’auteur consacre tout un chapitre à cette tapisserie ; il l’a scrutée dans ses moindres détails ; elle raconte par le menu toute l’équipée du Conquérant. Ça donne envie d’aller la voir, ou la revoir, lors de nos balades en vélo dans les vallons de la Normandie pendant les vacances.
Et puis nous avons droit au récit de la célébrissime bataille de Hasting en 1066, où l’auteur, qui n’est pas chauvin, nous raconte les incroyables hasards heureux qui ont permis la grande victoire du Conquérant. Mais après Hasting, rien n’était encore gagné pour de bon, il fallait encore conquérir le pays et surtout, le pacifier et l’administrer, ce qui a pris dix ans. Ce fut une réussite sensationnelle, aussi sensationnelle, à mon avis, que la conquête des Gaules par Jules César. Mais ce chapitre est de nouveau un peu difficile à suivre parce que beaucoup de batailles dans des lieux peu connus interviennent dans la conquête. Heureusement il y a des cartes topographiques très bien faites qui aident à la compréhension.
Et, pour finir, l’auteur complète le portrait du Conquérant en racontant ce qu’il a apporté de bien à l’Angleterre en l’unifiant et en l’administrant dans la paix et la justice et comment il a préservé avec bonheur la grandeur de sa Normandie qu’il aimait par dessus tout.
Voilà assurément une biographie comme on les aime. Elle remet son personnage dans son temps et c’est toute une page de l’Histoire de l’Europe qui nous est racontée, en même temps que la vie d’un des géants de l’Histoire. La Varende est un excellent écrivain du début du siècle dernier, peut-être un peu tombé dans l’oubli et peut-être aussi discrédité pour avoir, je crois, manifesté des opinions pas très patriotiques pendant la guerre. Toujours est-il que son style, un peu « vieille France », est un délice de lecture et sa biographie de Guillaume le Bâtard Conquérant, un chef d’œuvre du genre.
Les éditions
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Guillaume le Bâtard, conquérant
de La Varende, Jean de
Flammarion / union bibliophile de France
ISBN : SANS000068515 ; 01/01/1946 ; 425 p. ; 12.5 x 18.5 x 3
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