Adieu patries de William Cliff

Adieu patries de William Cliff

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par Fee carabine, le 12 décembre 2004 (Inscrite le 5 juin 2004, 50 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 719ème position).
Visites : 4 475  (depuis Novembre 2007)

"Prends ce panier de dattes et de figues, ces pauvres vers que je t'ai apportés"

"Dame de pierre épaisse et bien sculptée
Dame de verre aux tournantes couleurs
Dame ornée d'anges hauts de cent coudées
battant de l'aile l'air avec ampleur
Dame latente et silencieuse à l'heure
où le peuple est vaincu par la fatigue
ô beau navire qui toujours navigue
sans quitter le côté de la Cité
prends ce panier de dattes et de figues
ces pauvres vers que je t'ai apportés

je les ai faits comme un bon ouvrier
comme ton fils Péguy savait les faire
mais moi je n'ai pas son grand caractère
et ne sais pas comme lui te prier
ainsi je m'avance avec ce panier
je vais devant tes tours pleines de cloches
qui parfois sonnent avec grande force
pour appeler à l'office les gens
moi je m'avance avec ces quelques strophes
comme ferait un enfant indigent"

L'ombre de François Villon plane sur cette évocation de Notre-Dame de Paris et cet enfant indigent - William Cliff - qui s'avance pour nous offrir ces quelques strophes, mêlant le prosaïque des embouteillages et des "cafés [qui] éteignent leurs néons" à la silhouette "impassible élancée vers le ciel noir" de Notre-Dame, "le grand décor / le dais de gloire l'arche de justice", qu'elle aide "ceux qui aujourd'hui rende l'âme / et dont le corps redescend dans la terre / (...) en ce dernier passage / que nous devons faire et qui nous fait taire".

Mêlant le prosaïque et le sublime, l'humour et l'amertume, le sordide et le merveilleux de quelques vraies rencontres, William Cliff nous livre ici la quintessence de ses errances du printemps 1994 à l'été 1998: Chine, Japon, Sibérie, le grillage des rues de l'Eixample à Barcelone, villes de l'Europe de l'Est à peine "libérées" du joug communiste, la Bolivie avec l'enfer de sa montagne d'Argent et l'étendue éblouissante du Grand Salar: "le sel sous nos pieds craquait et criait / la lueur crevait nos yeux l'horizon / étendait sa blancheur sans que jamais / nous eussions de sa fin nulle vision". De strophe en strophe, William Cliff nous dévide la petite musique de ses vers, fredonnant une invitation au voyage marquée du sceau de la mélancolie, départ perpétuel vers un ailleurs où tout ne serait "qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté" (oui, on croise ici aussi l'ombre de Baudelaire), vers une "vraie vie dont [on] se rend / compte qu'elle échappe à toute recherche".

Une petite musique oh combien séduisante pour une anatomie de l'errance.

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Les mots se promènent

8 étoiles

Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 17 janvier 2005

"Où êtes-vous hommes de tous les jours ?
où cachez-vous vos aimables figures ?
vous rentrez dans le lit de vos amours
et vous dormez selon votre habitude
vous ignorez tout ce que la nature
humaine peut avoir de différent
et moi cependant comme un chien errant
je traverse la nuit à la recherche
de ce qu'est la vraie vie dont je me rends
compte qu'elle échappe à toute recherche."

Peu de choses à ajouter au beau commentaire de Fée Carabine.
William Cliff a été remarqué par son "Homo Sum" publié en 1973 chez Gallimard. Une poésie ouverte, sans contrainte de langage, un style vif et direct qui interpelle de suite le lecteur sans sa réflexion, l'obligeant à réagir, à reprendre son souffle pour poursuivre le voyage poétique.
Un voyage poursuivi dans "Adieu patries". Des périples effectués en train ou à pied. Des rencontres, des paysages, de la beauté sans grands jeux de mots, à l'état brut. Beaucoup de simplicité, de franchise, le poète va droit au but pour nous prendre par la main et nous emmener avec lui au fil de ses errances solitaires, balades poétiques qui enchantent par leur calme et leur modestie. Une belle poésie.

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