Tumulus de Carmen Pennarun

Tumulus de Carmen Pennarun

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par Rebecca B, le 19 janvier 2024 (Inscrite le 18 juin 2023, 71 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (22 911ème position).
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AUX FRANGES DE LA TERRE DE BRETAGNE

Comme une corde tendue entre passé et présent, un lien entre terre et ciel, tel est le cheminement de « Tumulus » aux franges de la terre de Bretagne. Ce recueil exprime un passage entre l’inconscience tribale et la conscience humaine de l’universel auquel nous sommes conviés en « … marche lente et souterraine / jusqu’à une nouvelle terre, jusqu’à ce que des moutons du ciel l’homme devienne / le berger ». S’ouvre à nous le mystère de la création poétique, celui d’une poésie à la fois transmission et protection, pour des récoltes à venir où « le poète est un gardien / de semailles / il dispense les graines anciennes qu’il a eu en héritage ». Ainsi, un poète sème, cultive et fleuri le monde, car « on ne devrait jamais séparer jardin et poésie » s’exclame Carmen Pennarun. Le ton est donné d’emblée mais la femme affleure sous la terre ancestrale aux « lisières du corps » sous forme de confidences ; « je me dévidais comme un fuseau » dit-elle.

Le recueil « Tumulus » véhicule beaucoup de sensibilité », d’émotions retenues à fleur d’eau et d’hommages à la terre, au creux des « Landes de Cojoux » avec l’attachement aux pierres ou aux roches, qu’elles soient naturelles ou cromlechs. Carmen Pennarun efface le temps entre le néolithique et l’instant présent, tout y EST de toute éternité pour qui sait discerner cet héritage. Il y a aussi l’arbre, ce témoin vertical qui plie sous le vent, cet ami à la peau d’écorce rêche. Puis, à pas feutrés, Carmen la poétesse hante forêts et landes, livrant quelques bribes de vie en des mots qui absorbent pudiquement des souffrances et des nostalgies encore béantes. Mais « il n'y a pas une seule nuit / pour laquelle la lumière / ne désire étirer sa longe … » et cette lumière qui « ..ira au plus sombre entamer requiem », elle revient de vague en vague, chahutée par les flots de l’existence, continuant à voguer « au vent clair des lendemains ». L’eau vive de l’inspiration de Carmen, puise dans les vertus racineuses de la Terre. Comme le Petit Poucet, elle sème de petits cailloux en chemin avant de cacher ses bleus à l’âme dans la musique des mots.

Au-delà de la femme et de la poétesse faite une, il y a la reliance à l’universel, et à tout ce qui fait qu’un être soit véritablement humain « quand l’humanité dolente aura des / oreilles alors chaque éclatement / dans un soupir fera rouler la pierre / du tombeau où brille la lame de la / conscience.
« mi-ange mi-sylvestre » lorsqu’elle s’en va pleurer sur l’épaule d’un arbre, inventive, aventureuse et résiliente, Carmen Pennarun nous invite aux mirages « dans la flaque de verre / un poème a pris vie à l’envers / je lance ma ligne » nous dit-elle.

Alors, laissons-nous ferrer par ce recueil plein d’originalité, de phrases fulgurantes au détour de ses pages, et d’épousailles de mots qui accrochent des idées pour mieux les sublimer. Certes, « la beauté se donne à l’éphémère » mais les mots ont ici un âme qui force à l’admiration.
Assurément, Carmen Pennarun a mis tous son talent à « être connectée à son cœur » et gageons que ses lectrices et ses lecteurs sauront cueillir les perles cachées et les mots ciselés dans la pierre brute.

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Les éditions

  • TUMULUS

    Bleu d'encre
    ISBN : 9782930725611 ; 06/12/2023 ; 183 p. ; 12 x 20
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Le chant du barde sur la lande

9 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 21 janvier 2024

De la pointe de son silex Carmen saisit le vent de la légende que la forêt de Brocéliande souffle sur ses pages. Il lui raconte son monde, sa Bretagne natale qu’elle n’a jamais quittée, sa terre éternelle qu’elle décrit dans ses vers autour de trois grands thèmes : son sol, le granit ; la forêt, les arbres qui la peuplent ; la faune, surtout les oiseaux qui volent dans son ciel. Et, aussi, les légendes colportées à travers les siècles sur la lande bretonne jusqu’au creux des oreilles des poètes, bardes et autres aèdes qui les ont transmis de bouche à oreille à travers la nuit des temps. Carmen prend, à son tour, la succession de tous ces passeurs de mots, d’histoires, de légendes, de relayeurs de la culture bretonne. « Est-ce moi cette silhouette chaussée de bottes qui tentait / de remonter jusqu’à la source / du temps ? ».

Elle qui plonge son texte au plus profond de l’existence humaine prouvant ainsi que la culture bretonne appartient au temps long, celui qui a connu la présence de l’homme depuis les origines. « … il transmet toutes les mémoires / et ce visage néandertalien / ... ». « Le visage de la femme première / se métamorphose / naissance après naissance »… Dès ses premiers poèmes, elle situe son texte dans le temps de l’homme de Néandertal et même dans celui de Lucy, la première d’entre toutes les femmes. « J’explorais une terre dont j’ignorais tout, / une terre forte de roches, de schistes, de grès, de poudingue. / … ».

C’est ce pays qu’elle évoque, son pays avec toutes les misères qu’il a connues. « … / arbres brûlés / terres inondées / animaux morts / fonte des glaciers / secousse sismiques / … », misères qu’elle aussi a vécues : l’incendie des forêts qui l’a meurtrie, la fausse-couche qu’elle a subie, … Mais, comme son pays, elle n’a jamais succombé, toujours elle s’est relevée. « … / C’est du jour qu’il nous faut envoyer / signe vers la nuit / autoriser la résurrection à travers le hublot lumineux d’un sourire / … ».

Ces douleurs, ces émotions, ces sensations, ces états d’âme, ces émerveillements, …, elle les traduit dans ses mots, dans ses vers, dans ses poèmes qui disent, évoquent, racontent, espèrent ce monde de demain né de celui d’hier avec la même vigueur, la même ténacité, la même force pour supporter les douleurs qui l’affligent trop souvent. Elle parcourt la lande à la recherche de l’inspiration, « … / tant va la cruche aux mots / qu’à la fin ils s’étoilent ».

Pour dire et faire vivre son pays Carmen écrit des vers courts, parfois très courts, des vers taillés dans le granit et parfois, comme pour alléger ces vers de pierre et de bois de la forêt de Brocéliande, elle parsème son recueil de quelques vers frais, légers comme un voile arachnéen. Son pays n’est pas que pierre et de bois, il est aussi de sentiments, de pensées, d’émotions, de souffles, d’esprits qui hantent la lande …. Et de chair et de sang de ses habitants.

Dans ce recueil, le poète est le barde, le gardien des traditions, de la mémoire, de la culture, des âmes. « … / le poète confie sa couvée de poèmes au tumulus qui a su garder secrètes sépultures et offrandes durant des millénaires ». Carmen est l’héritière de ce poète, la gardienne de tout ce qu’il a transmis et qu’elle, à son tour, nous transmet dans des vers d’une grande profondeur. Sa poésie c’est de l’émotion pure, de la douleur et de la douceur, c’est aussi l’esprit de tout un pays de son sol à ses occupants. Je le confesse, j’ai frissonné en lisant ces vers, j’ai senti l’âme de la poétesse vibrer au rythme des chants de son pays. Dans le chaudron de Carmen bout de la potion de la magie bretonne, de la poésie vivante et vibrante.

« … / avec nos frères / du néolithique / nous sommes /toujours au début /de l’histoire / … » !

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