Contredire l'effacement de Tristan Alleman

Contredire l'effacement de Tristan Alleman

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Débézed, le 16 janvier 2024 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 8 étoiles
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Façon de dire

C’est le deuxième opus de Tristan Alleman que je lis chez cet éditeur, le premier a été publié dans la collection Microcactus alors que celui-ci est édité dans celle, très célèbre, des P’tits Cactus. Tristan est un amoureux de la forme courte et même ultra courte, je crois que c’est le recueil comportant les formules les plus courtes que j’ai lu. Dans une biographie, son éditeur dévoile : « Ecrire court reste son plaisir favori, par fainéantise sans doute, mais surtout par envie de toucher les mots justes au plus près de leur sens ». Cette appréciation s’applique particulièrement à ce dernier recueil où les formules proposées sont très brèves, fulgurantes, extrêmement ajustées pour dire l’essentiel.

Dans ce recueil, l’idée de l’auteur est de détourner des formules convenues, des « marronniers » , des maximes, des paraboles, …, pour leur faire dire toute autre chose dans la bouche d’un auteur très imaginaire. Il part du principe qu’en renversant la première partie de la proposition et en la mettant dans la bouche du second membre de celle-ci, il lui fait dire le contraire, ou autre chose, que ce qu’elle énonçait dans sa version originale. C’est toujours la deuxième partie de la phrase qui dit, qui énonce, qui profère, comme, par exemple, dans cette formule : « C’est pas demain la veille, dit aujourd’hui » qui joue sur l’opposition d’aujourd’hui et de demain autour de veille. La formule est foudroyante, quelques mots et une formule cocasse, surréaliste, naît !

J’en ai noté quelques-unes issues de différents champs sémantiques :

- Un jeu de mot sur le lit et le livre : « Comme on fait sa couche, on lit, dit le libraire ».
- Une transformation d’une expression très usitée : « C’est faux : je parle très bien le français, dit la vache espagnole »,
- Un détournement d’une autre expression très banale en ajoutant juste un substantif en opposition au seul figurant dans la version initiale : « J’avalerais bien une couleuvre, dit la vipère ».
- Un rapprochement entre un personnage et son outil qui donne un nouveau sens à l’expression : « J’adore les pompiers, dit la sirène ».
- Une allusion littéraire : « C’est de ma faute, dit Voltaire ».
- Un copeau de chanson : « D’abord, les copains, dit Georges ».
- Une « poutinade » pleine d’actualité : « Trêve de plaisanterie, dit Poutine ».
- Une référence historique qui montre que l’auteur a de la culture : « Toi aussi, père ! dit Brutus ».
- Une jolie formule de style, une assonance : « Quand un émeu m’émeut, je me meus, dit l’émeuse ».

A ce jeu de « qui a dit … ? », l’auteur produit un recueil bourré d’humour, réalise un exercice oulipien et montre sa grande habilité littéraire, sa culture, son inspiration et surtout son inventivité et sa créativité, sans oublier sa capacité à concentrer ses textes au maximum.

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