Les dents qui frisent de Patrick Lorenzini
Catégorie(s) : Littérature => Francophone

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Bouquet de formes aphoristiques
Ex-journaliste et grand reporter, Patrick LORENZINI est l’auteur de quelques ouvrages (poésie, monographie, biographie…).
On découvre, une fois de plus avec ce recueil paru aux Cactus Inébranlable Editions un auteur d’aphorismes de caractère qui rendent compte de toutes les étapes de la vie d’un homme qui a roulé sa bosse et qui se narre sans s’en laisser conter.
Un ennui de santé a alerté l’auteur sur la précarité de la vie, le terme définitif de toute existence (« On a beau les mettre en terre, les morts ça ne repousse pas. ») et aiguisé son souci de vivre l’instant présent plutôt que de parier sur un hypothétique lendemain.
« A presque soixante-dix ans, je ne sais toujours pas si la vie est un miracle ou une supercherie. »
Plus loin, on lit cet aphorisme crépusculaire : « Les ruines que l’on porte en soi ne font d’ombre que la nuit. »
Le recueil commence moderato pour vite gagner en puissance et en intensité et nous attacher à la compagnie de l’ancien journaliste pour ne pas lâcher le bon morceau de lecture avant le dernier mot.
On sent l’auteur critique sur l’état de la presse écrite, « de moins en moins écrite, de plus en plus pressée » et sur les grands quotidiens, « l’Immonde ou l’inhumanité, la Voix du Mort ou Vice Matin…« , qu’on ne distingue plus les uns des autres.
Il égratigne de même la gauche du spectre politique, les fanatiques religieux ou encore d’Ormesson, Bobin, Camus et la poésie performative. Sans omettre ce domaine ârtistique qui a droit à cette saillie :
« Je crois que le théâtre m’emmerderait un peu moins s’il n’y avait pas ce circonflexe sur le a. »
Mais il sait joliment nous engager à lire Rilke : « Tout est beau chez Rainer Maria Rilke, même son nom. »
Plusieurs aphorismes sont consacrés à l’acte d’écrire dont celui-ci qui fait la part belle à l’autodérision :
« Si je savais parler, je n’écrirais pas…
Si je savais écrire, on en parlerait… »
Pas moins dupe sur les relations humaines, sur la destinée des amours ou de nos amitiés, il a ces mots : « Même envers nos relations les plus chères, il entre une part de désir de nuire. »
Ou encore : « Rien de tel qu’un voyage organisé pour vous conforter dans une cordiale misanthropie. »
Beaucoup d’humour aussi ponctue l’ensemble, avec parfois des pointes de trivialité mais comme contrebalancées par l’amour qu’il voue au corps de la femme, comme quand il écrit : « J’irais bien visiter son bassin vénérien. » ou lorsqu’il calcule « la part d’ange » en soustrayant la capacité de sperme moyenne reçue dans une vie par la femme à celle produite par le mâle.
Dans le registre tendre, on trouve ceci : « Le froid révèle toujours avec plus d’acuité l’exacte douceur d’une femme. »
Au long de la lecture, on rencontre aussi des vers ironiques en hommage (à Rimbaud, Apollinaire, Lacan…) et des listes, celles de « quelques hommes du monde », des « chansons stupides », des « livres de chevet », qui nous valent de savoureux jeux de mots ou détournements de locutions.
Si, suite à la lecture de ce compte-rendu, vous ne vous pressez pas pour commander l’ouvrage, c’est que vous n’êtes bons qu’à lire des romans de plage ou de la poésie de seconde main !
À noter aussi que "Bouquet de formes", l’œuvre ornant la couverture, est de Chloé Lorenzini qui, par son titre, notamment, rend bien compte de ce recueil où toutes les formes d’aphorismes sont déclinées, avec bonheur.
Les éditions
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Les dents qui frisent
de Lorenzini, Patrick
Cactus Inébranlable Éditions
ISBN : 9782390490852 ; 12,00 € ; 24/07/2023 ; 84 p. ; Broché
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