Moronga de Horacio Castellanos Moya
(Moronga)

Catégorie(s) : Littérature => Sud-américaine

Critiqué par Septularisen, le 4 août 2023 (Luxembourg, Inscrit le 7 août 2004, 56 ans)
La note : 10 étoiles
Visites : 848 

LES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE AU VITRIOL!

José Zeledón, ex-guérillero du Salvador, réfugié aux USA, débarque dans la petite ville-campus de Merlow City, dans le Wisconsin. Désœuvré, il vient pour occuper un emploi de chauffeur de bus scolaire, que lui a dégotté un de ses anciens lieutenants Rudy, qui se fait maintenant appeler Esteban Rios. Il travaille aussi à l’université où il surveille les messages en langue espagnole échangés entre les étudiants et les professeurs de l’université. Il ne connaît quasiment personne dans la ville, et passe tout son temps libre dans sa petite chambre a regarder des séries sur son ordinateur.

Erasmo Aragón est, lui, professeur d’espagnol dans cette même université. Paranoïaque aigri qui voit des complots contre lui partout, il a surtout un gros problème de libido, notamment envers les jolies jeunes filles qui fréquentent ses cours. Disons pour parler «politiquement correct», que c'est un «gros cochon», un peu trop porté sur la pornographie... Il a obtenu une bourse pour venir aux USA, afin d’aller à Washington pour consulter les archives déclassifiées de la CIA. Il cherche à résoudre l’énigme de l’assassinat du grand poète salvadorien Roque Dalton.

Mais quels sont les liens qui lient ces deux personnages, que pourtant tout oppose?..

Le livre est divisé en trois parties distinctes de longueur très inégale. Dans la première intitulée «Zeledón» (123 pages), on suit la vie et les aventures de José Zelendón, ancien guérillero réfugié aux États-Unis, aujourd’hui retiré des «affaires»… Mais peut-être pas autant qu’on pourrait le croire…
La deuxième partie est intitulée «Aragón» (167 pages), nous présente elle, un autre réfugié salvadorien aux USA, Erasmo Aragón Mira. C’est un professeur d’espagnol à l’université de la petite ville de Merlow City. La troisième partie, très courte (39 pages), intitulée «Le tireur caché», est une sorte de dossier administratif, il nous est d’ailleurs présenté comme un «Rapport préliminaire». C’est écrit comme un document officiel, et fait le lien entre les deux histoires et les deux hommes. Mais, non n’insistez pas, je ne vous dirai pas lequel, la réponse (très surprenante d’ailleurs…) est dans le livre!

Étonnamment, ces trois parties sont très différentes dans leur style d’écriture. On pourrait facilement croire qu’elles ont été écrites par des écrivains différents. La première partie qui nous présente José Zelendón est écrite avec des phrases courtes, une ponctuation classique. C’est tout en lenteurs, en mélancolie, avec de nombreuses descriptions et de nombreux dialogues. La deuxième partie est toute en nervosité et vitesse. C’est écrit comme on parle, avec des phrases très longues (jusqu’à trois pages et demi!..), et si il y a des virgules, il n’y a pratiquement pas de points!.. Je suppose que l'auteur cherche ici a refléter la différence entre les deux hommes et a la faire «ressentir» au lecteur.
Dans les deux parties, c’est en tous les cas l’écriture d’Horacio CASTELLANOS-MOYA (*1957), avec son langage jubilatoire, très direct, toujours décapant, très «brut de décoffrage», parfois cru, notamment dans les descriptions des scènes de sexe. La preuve? Et bien, elle est dans le titre, puisque si en français «Mronga» se traduit par «boudin», cela désigne aussi vulgairement l’organe sexuel masculin…

Que dire de plus? Avec son style rageur et ravageur, son humour froid, et une mauvaise foi à toute épreuve, Horacio CASTELLANOS-MOYA passe les États-Unis d’Amérique au vitriol et poursuit son œuvre autour de la nature de l’âme humaine et de toutes les formes de violences, ici, celle qui ronge et poursuit les personnes jusque dans l’exil. Il n’hésite pas ici à dénoncer les caméras de surveillance omniprésentes, la dérive sécuritaire, la violence et les armes qui sont partout, le puritanisme, la délation pour tout et n’importe quoi… Un très grand livre assurément et un très bon moment de lecture, il faut le dire!

Est-ce que je vous conseille la lecture de ce livre? Oui! Vous pouvez passer quelques heures de votre vie à lire ce livre. Surtout si vous avez déjà lu du même auteur, «La mort d’Olga Maria» (récemment reparu aux éditions Métailié, sous le titre «La diablesse dans son miroir») (1), «L’homme en armes» (2) et surtout «La servante et le catcheur» (3), puisque l'on retrouve la suite des aventures d'un des personnages de ce livre dans celui-ci.. Ou bien alors, - si comme moi vous êtes un «fan» de l’écrivain salvadorien et de son style d’écriture très particulier -, ne vous cherchez pas d'excuses et profitez de votre «petit plaisir coupable»!.. Si par contre ce n’est pas le cas, et que c'est votre première expérience avec le grand écrivain salvadorien, je dirais que ce n’est peut-être pas le meilleur livre pour découvrir l’écriture et l’immense talent d’Horacio CASTELLANOS-MOYA, mais bon, au fond au fond, pourquoi pas?..

P.S. : Rappelons que le nom d’Horacio CASTELLANOS-MOYA a été proposé à de nombreuses reprises pour le Prix Nobel de Littérature.

(1) : Cf. Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/7205
(2) : Cf. Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/16442
(3) : Cf. Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/35279

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