Le Bal de Irène Némirovsky
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Cinglant et juste
Ce livre est le premier volume de trois qu’Irène Nemirovsky a écrit avec pour but de régler ses comptes avec sa mère. Les deux femmes se détestaient !
Sa mère était uniquement préoccupée par sa vie mondaine et ses nombreux amants. Obsédée par l’âge et la lente dégradation de sa beauté, elle ne supportait pas de voir sa fille grandir. En effet, ceci ne pouvait qu’aboutir à la faire passer elle-même pour plus âgée qu’elle ne l’avouait.
Dès les premières lignes de ce petit roman, que nous pouvons tout à fait considérer comme autobiographique, j’ai été saisi d’un certain malaise. Indiscutablement, Rosine, la mère, est odieuse avec sa fille et présentée comme une parvenue, arriviste et ridicule. Seul le paraître compte pour elle. Le père ne semble pas beaucoup mieux, mais c’est avec sa mère qu’Antoinette a un compte à régler. Elle l’égratignera aussi, au passage, ainsi que « les juifs », mais ils ne sont pas la cible privilégiée.
D’où vient ce léger malaise ?… Du fait qu’Antoinette, de son côté, vit ce que l’on a coutume d’appeler « l’âge bête » et que, de ce fait, certains de ses comportements irriteraient n’importe quels parents. Elle se tient toujours voûtée, se comporte mal à table, passe son temps à rêver et n’entend pas la moitié de ce qu’on lui dit.
Il n’empêche qu’à l’occasion de ce fameux bal qui sera donné à Paris par ses parents, les Kampf, Rosine se montrera vraiment odieuse avec Antoinette en particulier. Jamais l’ombre d’une parole de mère ne sera prononcée. Que des remarques cassantes, déplacées, accompagnées de décisions plutôt dures à avaler, surtout à cet âge.
Aussi, la vengeance d’Antoinette ira si loin qu’elle dépassera même sa volonté.
Irène Némirovsky nous livre ici de superbes portraits de personnages. D’elle-même, mais aussi de ces parents si durs et tellement parvenus. Elle sait écrire, on le savait, et sait être très féroce !
Je crois utile d’insister sur le fait que ce roman, qui nous retrace les douleurs et les pensées d’une adolescente, fait encore un peu exception dans la littérature française de son temps. Il date de 1928 et, à ma connaissance, il n’en existait pas encore beaucoup d’autres que « Le grand Meaulnes », « Claudine à l’école » et « Le diable au corps »
Cela viendra…
J’ai beaucoup apprécié ce livre et, surtout, l’écriture cinglante, précise, d’Irène Nemirovsky.
Les éditions
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Le Bal [Texte imprimé] Irène Némirovsky
de Némirovsky, Irène
B. Grasset / Les Cahiers rouges (Paris. 1983)
ISBN : 9782246151326 ; 1,69 € ; 04/12/1985 ; 140 p. ; Poche -
Le bal [Texte imprimé], roman Irène Némirovsky
de Némirovsky, Irène
B. Grasset / Les Cahiers rouges (Paris. 1983)
ISBN : 9782246151340 ; 7,05 € ; 18/04/2002 ; 144 p. ; Broché -
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Les critiques éclairs (15)
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La vengeance au buffet
Critique de Froidmont (Laon, Inscrit le 28 octobre 2022, 33 ans) - 10 septembre 2023
- J’ai grandi engoncée au giron d’une bête, une mère cruelle, ignoble parvenue, qui me trouait de mots sournois et malvenus. Votre mère était-elle aussi dure, Michel ?
- Elle était la douceur rehaussée de dentelles. Et votre père alors ? Était-il monstrueux ?
- Il n’était pas méchant mais un peu vaniteux. Il n’avait pas le temps de s’occuper de moi et me laissait toujours comme une pauvre proie toute meurtrie, brisée aux griffes du dragon. Je les détestais tant, surtout ce parangon de sangsue enrichie qui me servait de mère. Le plus charmant était huit années en arrière. Oh ! J’étais une petite fille terrible. Lassée d’être toujours une parfaite cible, j’entrepris de pencher vers elle la balance. C’étaient ces douces heures de mordante enfance où la limite n’est qu’une idée extérieure. Je ne m’en fixais pas. Un regard postérieur que je porte aujourd’hui sur mon coup de bâton me fait dire que j’eus … parfaitement raison !
- Mais qu’avez-vous donc fait ? Vous me piquez au vif ! Je reprends ceci dit mon qualificatif : ce n’est pas « adorable » mais bien « vengeresse ». Antoinette, contez ! Pardon si je vous presse !
- Figurez-vous qu’un jour germa en son bocal l’envie de faire riche et de donner un bal. Mais la fichue sorcière m’en avait privée ! J’ai tout jeté à l’eau, rien n’y a réchappé, pas une invitation, pas un petit carton, sauf un donné avant à sa destination. Quelle joie que de voir son orgueil effondré ! J’étais là, j’ai tout vu et j’ai tout savouré !
- Ma froide, ma terrible et surtout vengeresse, voudriez-vous me faire une menue promesse ? Si mon regard se prend aux replis d’un jupon où votre taille fine et vos jambes ne sont, approchez-vous de moi, recontez-moi l’histoire. Il est bon d’en garder trace dans ma mémoire.
C’est un petit roman écrit avec du fiel. C’est assez surprenant de voir une querelle à ce point virulente et même violente, des mots lourds et haineux, des paroles méchantes chez une jeune fille en 1928. La tradition nous montre des bonnes conduites, des filles policées, et même un peu naïves. Némirovsky nous donne une autre alternative et nous dresse un portrait d’adolescente en crise qui roule ses pensées et se retrouve aux prises avec une maman tellement odieuse qu’on ne sait s’il nous faut la trouver merveilleuse ou elle-même affreuse quand elle savoure ce qu’elle avait semé dans son sombre labour.
Néanmoins j’ai senti comme une obscure gêne en assistant surtout à la dernière scène. Ce roman est au fond un règlement de comptes, et j’ai eu, spectateur de ce moment de honte, l’impression d’observer à travers le judas des voisins s’injurier, se faire des coups bas.
Coup double !
Critique de Myrco (village de l'Orne, Inscrite le 11 juin 2011, 75 ans) - 20 décembre 2020
On y sent le plaisir malicieux et férocement jubilatoire éprouvé par l'auteure à donner vie sur le papier à cette vengeance par procuration fantasmée à l'encontre du personnage de Rosine dans lequel elle aura projeté la figure de sa propre mère dénuée de tout intérêt et de toute tendresse à l'égard de sa fille. Il est clair que cette relation conflictuelle et douloureuse aura engendré une souffrance elle-même génératrice de haine qui aura hanté toute sa courte vie.
Coup double parce que ce texte constitue également une peinture au vitriol d'une bourgeoisie parvenue pour laquelle seule compte la vanité des apparences. Et quoi de plus adapté et pertinent que la radicalité et le jugement sans appel de l'adolescence révoltée pour transmettre cette vision?
Un texte concis, net et sans concession qui fait mouche.
Terriblement contemporain !
Critique de Nathafi (SAINT-SOUPLET, Inscrite le 20 avril 2011, 57 ans) - 12 avril 2014
L'esprit d'ado rebelle dont est dotée Antoinette, ensuite, qui sent que son corps se transforme, qu'elle acquiert un certain charme, qu'elle pourrait, elle aussi, épater la galerie en se parant de bijoux et en revêtant de jolies robes, profitant de la situation de nouveaux riches de ses parents.
C'est donc une histoire qui se renouvelle perpétuellement.
Une histoire douloureuse, car la mère est relativement pénible parce qu'elle semble dénuée de tout amour pour sa fille, la considère comme un boulet, une chaîne qui entrave sa liberté. Et sa fille lui rend et lui fait payer ce peu de considération et ce mépris.
Les stratagèmes se bousculent dans cet esprit jeune et vif, tout comme dans celui des ados d'aujourd'hui, qui ne manquent pas d'idées pour contrer l'autorité et s'affirmer !
Du vécu de la part d'Irène Némirovsky, à n'en pas douter, cela se ressent dans son écriture, bien qu'elle soit maîtresse dans l'art d'explorer l'esprit de toute sorte de personnages au fil de ses oeuvres. Là le ton est particulièrement caustique, la vengeance attend de surgir, tapie dans l'ombre, pour soulager une injustice et un sentiment de haine qui grandit depuis trop longtemps.
Récit plus dérangeant qu’exaltant…
Critique de FranBlan (Montréal, Québec, Inscrite le 28 août 2004, 82 ans) - 9 février 2014
Antoinette à peine âgée de quatorze ans, haineuse, cruelle, méprisante, déteste tous ceux qui l’entourent: sa nurse anglaise, son professeur de musique, ses parents, en particulier sa mère, entièrement obnubilée par elle-même et dénuée de toute tendresse.
Une vengeance terrible, même si non préméditée, sera le fruit de tous ces beaux sentiments!
La justesse des personnages mis en scène par l’écrivain est décuplée par leur profondeur autobiographique, le ton est féroce, cinglant, impitoyable.
Ce petit livre est une merveille.
Critique de Yotoga (, Inscrite le 14 mai 2012, - ans) - 22 mai 2012
Et l'histoire reste quand même décrite avec les yeux d'une enfant, elle surprend certaines choses sans les comprendre.
Le style est magnifique, très critique mais quelque part concret et ironique au possible.
Je conseille !
La vengeance d'une adolescente
Critique de Carmen (, Inscrite le 15 mai 2011, 78 ans) - 19 mai 2011
A voir également (ou à revoir ) le film éponyme avec Danielle Darrieux, un vrai plaisir!
La vengeance sera terrible
Critique de Critique (Trets, Inscrite le 9 novembre 2004, 64 ans) - 3 novembre 2008
C'est sans conteste aussi bouleversant que bien écrit. On le lit d'une traite en trois quarts d'heure et cependant, l'histoire reste et restera imprimée dans vos cerveaux, c'est indiscutable !
merveilleux par son cynisme
Critique de Dudule (Orléans, Inscrite le 11 mars 2005, - ans) - 10 janvier 2008
Un très beau et douloureux texte
Comme une gifle
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 6 février 2006
Irène Némirovsky détestait sa mère qui était une femme frivole et vaine, on imagine que ce récit est autobiographique comme le dit Jules. C'est aussi une critique violente d'un milieu de l'argent et de l'ambition sociale, une critique telle qu'aurait pu le faire ma chère Edith Wharton par exemple (qui elle aussi en voulait à sa mère, une femme frivole et qui ne s'intéressait pas à sa fille). Quoique Wharton procède plus par ironie, ici l'attaque est plus directe et tout aussi efficace.
Le bal
Critique de Lapinou07 (, Inscrite le 13 novembre 2005, 32 ans) - 13 novembre 2005
C'est un roman que mon professeur de français a fait lire à ma classe de 4 ème.
un chef d'oeuvre !!
Critique de Chrisair (Yvelines, Inscrite le 13 septembre 2005, 47 ans) - 21 octobre 2005
Une petite merveille !
Critique de Clarabel (, Inscrite le 25 février 2004, 48 ans) - 28 mai 2005
Au coeur de ce très court roman, on assiste au face-à-face impitoyable entre deux femmes : la mère et la fille, quatorze ans, une gamine dégingandée, reléguée dans une lingerie pour passer la soirée, alors que celle-ci désirait plus que tout faire son entrée dans le monde ! Enfant boudeuse, plus ou moins capricieuse, elle va se venger, cruellement, et de manière perfide. Ce coup de maître est jouissif ! D'autant que le lecteur ricane des simagrées du couple Kampf, de leurs prétentions en toc. La jalousie de la petite, elle, fait également sourire : son âge lui donne des excuses à son "voudrais-bien" grossissant. Car, après tout, le bal offre à chacun une occasion unique de briller.
La tournure des événements prête résolument au texte d'Irène Némirovsky une impertinence folle, de l'humour à se moquer des classes bourgeoises, un aplomb et une ironie totalement acquis ! "Le bal" se lit à vitesse folle, c'est juste dommage !
Un bijou
Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 17 mars 2005
Cinglant est le bon mot !
Critique de Cuné (, Inscrite le 16 février 2004, 57 ans) - 22 février 2005
120 pages pures comme un diamant, une plongée parfaite dans la tête d'une jeune fille rejetée, une claque incroyable pour l'époque.
Irène Némirovsky écrit ici un soufflet terrible pour sa mère, petit roman écrit d'un jet entre 2 chapitres d'un autre, largement puisé dans sa propre vie...
A lire !
Fameux bal !
Critique de Moon (LYON, Inscrite le 18 janvier 2004, 44 ans) - 20 février 2005
L'écriture est dure et tranchante. La mère et odieuse avec sa fille et le père est condescendant. J'ai eu l'impression qu'ils considèrent leur fille comme une petite fille qui ne grandit pas (ou qu'ils ne souhaitent pas voir grandir) et qui n'a pas l'intelligence nécessaire pour comprendre ce qui se passe autour d'elle. J'ai ressenti un certain malaise. J'ai eu aussi l'impression que sa mère regrette d'avoir eu un enfant, qu'elle veut lui faire payer parce que Antoinette, involontairement, lui rappelle les années qui passent.
Toutefois, même si le comportement d'Antoinette n'est pas toujours exemplaire, cela ne justifie pas l'attitude de ses parents. Sa mère la reprend surtout parce que c'est le paraître qui compte et qu'elle a trop honte de son ancien milieu. En l'élevant ainsi, ce n'est pas pour le bien de sa fille, c'est plutôt pour donner le change face aux gens qu'elle pourrait rencontrer.
Je trouve que la revanche d'Antoinette est assez dure mais elle illustre bien toute la haine accumulée au fil du temps envers ses parents.
Je recommande ce livre à mon tour.
En tout cas, merci Jules.
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