Deux lettres précédé de "Georges Haldas : Fidélité profonde" de Charles-Ferdinand Ramuz

Deux lettres précédé de "Georges Haldas : Fidélité profonde" de Charles-Ferdinand Ramuz

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par JPGP, le 20 juillet 2023 (Inscrit le 10 décembre 2022, 77 ans)
La note : 9 étoiles
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Retrouver Ramuz

Publiées dans les années 1920 les « Deux lettres » de Ramuz à ces premiers éditeurs (Grasset et Mermod) comme la suite de la réédition de ses « Œuvres complètes » permettent de mieux comprendre ce que l'auteur avait inauguré avec « Raison d'être » et plus tard avec « Paris, notes d'un Vaudois » et qu'à sa manière Jacques Chessex explicita à travers son court et pertinent essai sur son aîné. Les deux ont "théorisé" la spécification de l'identité de la littérature suisse romande comme celle de la position du poésie en général.

Le poète est pour Ramuz celui qui - cerné par les mots tirés de sa terre - pose les questions existentielles trop escamotées. Chez lui l’idéalisme « passe » par le corps. Le scruter revient à rendre sa dignité terrestre à l'homme dont l’auteur vaudois ignore en rien "le sol, la nature, la réalité qui le font lui-même".

Dès lors l'auteur refuse une attitude morale. La seule possible est, dit-il, "de nous mettre profondément en communication avec un être, et à travers lui avec les autres êtres, le monde des créatures et même le monde incréé". Et ce à travers le chant âpre qui met à nu l'élémentaire, le primitif en l'homme sans pour autant le réduire à une bête.

Mais il fallut à l’auteur du temps pour accepter sa vocation précoce : "Longtemps, m'étant mêlé d'écrire, j'avais été très malheureux et je me disais : en as-tu le droit?" précisait celui qui semblait éprouver une honte à un tel acte de transgression eu égard à l’ordre religieux. Ecrire c'était se mettre hors du réel et de la Loi dans une activité considérée autour de lui comme "une perte de temps". Pourtant face aux défaillances du réel voire parfois à sa faillite (la première guerre mondiale n'était pas loin), et en acceptant de se considérer lui-même comme hérétique Ramuz osa s'engager dans une radicalité qu'on lui reprocha.

Ramuz laisse surgir l'essentiel. La beauté et la luminosité des êtres et du monde jouxtent leurs laideurs et leurs ombres. Déblayant de son écriture le salmigondis, le mou, le débris l’auteur offre la visibilité de l’invisible caché sous les cendres ou les gravats. La terre est là. Le corps qui la travaille aussi. Avec ses grandeurs et ses petitesses. En ce sens ses personnages abandonnés ou ivres, ses héros de série B permettent de rappeler que l’« enfer c’est les autres » mais que le paradis passe aussi par eux.

Jean-Paul Gavard-Perret

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