Post Mortem : Lettre à un père fasciste de Carlos Bauverd

Post Mortem : Lettre à un père fasciste de Carlos Bauverd

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Sahkti, le 15 novembre 2004 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (40 528ème position).
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La Suisse, le nazisme, la souffrance

Phénomène assez fréquent en littérature, plus particulièrement dans la littérature allemande ("Väterliteratur") de voir des enfants demander des comptes à leurs parents sur leurs activités et leurs positions sous l'ère national-socialiste ou pendant d'autres périodes aussi troubles. Pas de règlements de compte à proprement parler mais des introspections, des besoins de savoir, de comprendre, de se trouver en quelque sorte.

Le père de Carlos Bauverd était suisse, vaudois plus exactement, protestant et fils de pasteur. Un homme dur et sévère. Son attachement au régime nazi fut important et il ne ménagea pas ses efforts pour la propagande du régime (l'histoire suisse a démontré qu'ils étaient plus nombreux qu'on ne pense à agir de la sorte, faisant fi d'une neutralité officielle de façade).
Après la guerre, la famille Bauverd trouve refuge en Espagne, l'Espagne franquiste, un autre régime "grandiose". En 1960, la loi les autorise à rentrer en Suisse.
Les agissements de son père (qui n'étaient pas des errances) ont interpellé Carlos Bauverd mais au-delà de l'aspect général de motivations politiques ou de prises de positions, il y a une question plus lancinante qui revient : comment était-il possible à un homme, un père, de détester ainsi une partie de l'humanité et d'inculquer de telles "mauvaises" valeurs à son fils ? Pourquoi tant de désamour et de haine ?

C'est un cri que lance Carlos Bauverd, un dialogue dans l'au-delà avec son père, une manière de lui signifier qu'il ne mérite sans doute pas la paix éternelle.
La haine et l'amour sont si proches, un simple fil ténu les relie, que jamais Bauverd ne pourra faire le deuil de cette période à laquelle est irrémédiablement associé son père. Carlos Bauverd ne veut pas faire la peau de son défunt père, il veut comprendre, mettre la vérité en lumière mais cette vérité, si douloureuse au fil des découvertes, peut-elle être compatible avec un sentiment d'amour filial ?
En cherchant, Bauverd soulève la poussière, déterre des cadavres, il doit faire face à son enfance qui le blesse tant ("Toute mon enfance a reposé sur une vision erronée et dénaturée de l'Univers")
Jusqu'au bout ce père sera présent et si Carlos Bauverd tente de couper le cordon (dans sa tête en tout cas), une ultime révélation le mettra KO.

Ce besoin de balayer un passé violent, des racines ambiguës, un père détestable ne pouvait passer que par une lettre-confession coup de poing entamée après le décès du père en 2002, il y a des ruptures qui ne peuvent se faire que dans la violence.

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Les éditions

  • Post mortem [Texte imprimé], lettre à un père fasciste Carlos Bauverd
    de Bauverd, Carlos
    Phébus / D'aujourd'hui (Paris. 1988)
    ISBN : 9782859408985 ; 14,20 € ; 04/04/2003 ; 149 p. ; Broché
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6 étoiles

Critique de Clarabel (, Inscrite le 25 février 2004, 48 ans) - 25 avril 2005

Le père de Carlos Bauverd vient de mourir. Au lieu d'en éprouver du chagrin, le narrateur ressent du soulagement, de la colère et un besoin d'écrire, de comprendre et expliquer.

"Lettre à un père fasciste", sous-titre de ce "Post-mortem", contient intensément d'ironie, de rage, de mépris. Un sac de sentiments haineux pour un père qui a rejoint le mouvement fasciste et qui a soutenu toute sa vie cette doctrine, malgré la défaite, la fuite et les cachettes... Enfant, Carlos n'avait pas connaissance de la portée de ces va-et-vients. Adulte, il vilipende ce père, le rejette et fustige une attitude aberrante, aveugle et fourbe.

Du vivant de son père, Carlos Bauvert n'a jamais réussi à sortir ces mots de la bouche, alors il prend la plume et adresse cette lettre. En quasi désespoir de cause. "Jamais je n'ai pu me départir de ces sentiments ambivalents de pitié et de commisération, de rejet et d'indifférence à ton égard." Dans sa lettre, il y a l'affliction d'un fils abandonné, déçu. "Combien de fois ai-je souffert de ne pouvoir en rien m'identifier à toi, à tes actes, à tes pensées."

En plus de son père, c'est également une époque, une société qu'il vitupère. Ces petits bourgeois suisses, les natifs du début des années 1900, ceux qui faisaient "partie de ce mauvais tournant de siècle où tous ces gens si bien rataient le coche et voyaient leurs valeurs se déliter et disparaître au son du canon". Ces intellectuels, ces oisifs, cette jeunesse dorée, ces imbus d'une idéologie factice, ces toqués du cerveau...

Le ton est âpre, proche de la torture. C'est lourd, pesant. Heureusement l'auteur agrémente beaucoup son texte de références florales ! Un souffle d'air sur ce nid d'ordures, d'écoeurements et de nausée.


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