Trashaïkus de Éric Dejaeger
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Haïkus bien gras
Eric Dejaeger, le poète du Pays noir, le père littéraire du Commissaire Maigros, a publié ce recueil de haïkus que ce cher commissaire aurait pu écrire, il avait le vocabulaire pour, l’esprit pour, la délicatesse pour, …, il ne lui manquait que le talent littéraire. Je doute qu’il connaisse les règles du haïku alors qu’Eric, lui, il connait le genre, son esprit et ses règles. Iocasta Huppen, la grande haïjin belgo-roumaine, approuverait certainement sa pratique de ce genre littéraire venu d’Orient, en revanche elle ne serait peut-être pas aussi enthousiaste à la lecture du contenu de ces haïkus qui s’adressent à un public averti pour le moins.
Eric Dejaeger, fidèle à son penchant pour la littérature trash qu’il a notamment révélé dans l’écriture des deux livres consacrés à la vie du Commissaire Maigros, « La Saga Maigros » et « Maigros se marie », Un penchant qui évoque un autre commissaire, San Antonio, et plus encore son fidèle et si peu délicat lieutenant, Bérurier. Dans ce recueil Eric explore le champ lexical que chacun n’appréciera pas forcément, d’aucuns trouveront ça gras, sale, pornographique, libidineux, scandaleux, pervers, grivois, etc…, la liste pourrait être longue, la langue française est très riche pour dire le sale, le choquant, le scandaleux, l’inconvenant, le gras …
J’entends déjà tous les reproches et les cris d’orfraies que ce recueil provoquera mais, après tout, ce vocabulaire, ce genre, ce monde, l’envers du décor, l’envers de la belle langue, a droit aussi d’exister dans le monde des lettres et Eric sait très si bien les dire et les écrire. Pour ceux qui ne me suivrais pas dans cet avis, je ne leur proposerais que ces quelques mots de Rabelais, ils sont « tellement désireux…, de sauvegarder l’harmonie et la bienveillante complicité des « buveurs » qu’il a parallèlement exclu tous les trouble-fête, tous les « agelastes » et autres « caphards », « cagots » et « malagots » de profession ». Ainsi entre gens de bonne société nous pourrons rire et ripailler jusqu’à plus soif !
Mais ne nous égarons pas, derrière toute cette grossièreté se cache une vraie réflexion sur le monde d’aujourd’hui et son dysfonctionnement.
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Des haïkus tranchants !
Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 6 août 2023
Celui-ci est de la plume – aussi tranchante que celle d’un katana – d’Éric Dejaeger qui a remis le couvert servi aux Editions du Soir au Matin en 2009 et a doublé la mise et la dose de sauce, forcément, samouraï.
Si le traditionnel haïku n’exclut pas le tragique ni l’humour, il est rare qu’ils soient aussi abrupts, bruts de décoffrage, noir de noir que ceux-ci, certes, satiriques mais qui, pour certains, sentent – parfois mauvais – le vécu dur, trivial ou cruel.
Âmes occidentales ou nipponnes ou métisses sensibles s’abstenir ! Allez-vous faire réconforter ailleurs !
Précisons que ces haïkus se dispensent du kigo d’usage censé signaler la saison décrite par le nanopoème : ils vont droit au rut, sans s’embarrasser de préliminaires. Sauf celui-ci, qui en est la caricature :
printemps puis été
automne hiver puis printemps
haïku terminé
Au programme : vierge déflorée, selles sanguinolentes, sphincter douloureux, cancer en formation, tsunami record, odeur de brûlé, râles d’usagers, hurlement nocturne, éjaculat brun… qui disent, ne nous voilons pas l’entrecuisse, la face crasseuse, le versant crapuleux de la nature humaine où le malheur des uns fait le bonheur des autres, en toute impunité.
Les cinquante haïkus (comprenant un haïku lettriste), pré-haïkisés par Jules Scouflaire, sont de plus méchamment illustrés par des collages de l’auteur.
Et voici quelques extraits !
précautions bien prises
beau bébé neuf mois plus tard
capote farceuse
.
garçonnet en pleurs
sphincter assez douloureux
prêtre rayonnant
.
tour en vtt
jolis sentiers bien détruits
anus pleins de boue
.
deux cent mille morts
sans blâme international
génocide au poil
.
Et un dernier pour la route de la voie zen !
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