Paris à ma porte de Guy Goffette
Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie

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Une déambulation poétique au coeur de Paris, mélancolique et fantaisiste
Ce dernier recueil de poèmes de Guy Goffette, décédé l’an dernier en mars 2024, s’apparente à une déambulation mélancolique dans les rues parisiennes. Le temps qui passe a changé les rues de son enfance, où s’accrochent encore des souvenirs et des sensations fugaces. Le ton des poèmes, malgré leur formalisme apparent (quatrains et tercets), est souvent libre et intime, proche parfois de la confession, comme un vieil homme qui prendrait plaisir à raconter malicieusement, à de vieux camarades, un monde disparu ou sur le point de disparaître.
Pardonnez, mes amis, cet aveu désarmant,
Mais je n’ai pas choisi la place de portier :
Ce que je sais du premier arrondissement
Couvrirait à peine deux pages d’écolier.
Je connais mon quartier comme hier mon village,
Chacune de ses rues, ses bistrots, ses boutiques,
Et la voix des voisins dans le noir, leurs visages,
Ce que disent leurs yeux, ce que chacun fabrique.
Mais ne me demandez pas – je saurai me taire
Ou rester dans le plus épais brouillard – la Banque
De France, le Crédit foncier, le ministère
De la Justice : je ne suis qu’un saltimbanque.
(…)
Mieux vaut, je vous le dis, flâner au gré des rues,
Le nez en l’air ou l’œil dé-lici-eu-se-ment
Rivé au pas léger de beautés presque nues,
Que vouloir épuiser un arrondissement.
(…)
Pour terminer ici mes pages d’écolier,
Et vous ouvrir enfin quelques-unes des rues
Qui sont mes yeux, mes pas, et me font oublier
Que j’avais un village et qu’il a disparu
Comme un mouchoir de poche, en un coin du Ier.
On ressent aussi, à travers son amour de Paris, une certaine fascination pour les lieux interlopes. Guy Goffette (qui donne son adresse dans l’un des poèmes : « Un appart au premier / étage du 10 rue / de la Cossonerie ») a vécu dans le 1er arrondissement, près du Marais qui fut longtemps un repaire de truands et de prostitution. Goffette consacre d’ailleurs plusieurs poèmes à évoquer ce monde, notamment à travers l’évocation des rues (rue Saint-Denis, rue Pirouette, rue de la Petite Truanderie, rue de la Grande-Truanderie) et d’autres pudiquement rebaptisées :
Est-ce la faute au temps
Est-ce la faute aux prudes
Ces rues perdant leur nom
Comme la Pute-y-Muse
Réduite en Petit-Musc
La rue du Poil-au-Con
En rue du Pélican.
Au-delà de toutes les allusions douce-amère à un monde qui s’éteint, à la perte d’êtres aimés, affleure une sensibilité fantaisiste, non dénuée d’humour et d’ironie, comme si le vieillard retrouvait une part d’innocence dans l’évocation ses souvenirs d’enfant et d’adolescence, qui interrogent la bascule du monde et notre vieillissement inéluctable.
Rue des Lavandières-Sainte-Opportune
C’est un reste d’enfance toujours qui me ramène ici
Une histoire de linge de savon bleu et d’éclaircie
Le bonheur tout entier ramassé dans un ballot de blanc
Avec moi encor petit sur la brouette et cahotant
Le visage de maman qui porte le ciel sur la tête
Et son sourire un peu triste comme au retour de la fête
O Sainte Opportune dans votre niche souvenez-vous
De ma mère au lavoir de sa fatigue et de ses genoux
Pleins d’arthrose Souvenez-vous de toutes les lavandières
Et de leurs doigts usés difformes bleuis comme la pierre
Des seuils et le drap des rivières où dorment les amants
Souvenez-vous enfin de ces hommes trop tôt endurcis
Qui n’ont jamais grandi et jamais n’ont su dire merci
Face à la mort, c’est vivre au présent qui importe. Et le poète alors déambule dans les rues en se réjouissant de plaisirs anodins, se rinçant l’œil de la beauté d’une passante ou s’émouvant des traces des poètes et du vieux Paris, qu’il détaille parfois avec la précision enjouée d’un guide amoureux de son quartier, familier comme un village.
Les éditions
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Paris à ma porte
de Goffette, Guy
Gallimard
ISBN : 9782073021014 ; 14,00 € ; 09/03/2023 ; 72 p. ; Broché
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