La Terre demeure de George R. Stewart

La Terre demeure de George R. Stewart
(Earth Abides)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone , Littérature => Fantasy, Horreur, SF et Fantastique

Critiqué par Poet75, le 25 février 2023 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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Le petit reste des humains

Que se passerait-il si un cataclysme d’ampleur mondiale survenait sur notre Terre, entraînant la mort de presque tous les humains ? Que deviendraient les rares rescapés ? Trouveraient-ils la force et les moyens nécessaires pour que l’aventure humaine ne s’éteigne pas avec eux ? Et comment se comporteraient-ils, ces rares humains sauvés du désastre ? Seraient-ils capables de s’unir ou, au contraire, basculeraient-ils dans le « chacun pour soi », dans la méfiance, peut-être dans la violence et dans la barbarie ?
Nombreux sont les auteurs qui ont essayé de décrire ce que pourrait devenir le monde au lendemain d’une catastrophe planétaire. On ne compte plus les œuvres relevant, d’une manière ou d’une autre, du genre postapocalyptique, comme on dit. Le mérite de George R. Stewart est d’en avoir été l’un des initiateurs, car La Terre demeure (titre original : Earth Abides) fut publié en 1949 et traduit en français dès l’année suivante. Ce roman est d’ailleurs considéré aux États-Unis comme un classique.
Cette réputation n’est nullement usurpée, car il s’agit bel et bien d’un ouvrage d’excellente facture, bien conçu, bourré de remarques intelligentes, écrit de manière à captiver le lecteur au moyen d’un certain nombre de péripéties, mais sans jamais céder à la facilité. Le point de vue qu’adopte l’auteur est celui d’un des rescapés, Isherwood Williams, désigné par son diminutif, Ish. Isolé en pleine nature pour des raisons professionnelles, il se fait mordre par un serpent le jour où il entreprend de rentrer chez lui. Il parvient néanmoins à se tirer d’affaire et à se soigner. Une fois rentré chez lui, Ish est surpris de ne voir personne. Partout où il va, tout est désert. Et c’est en consultant des journaux laissés à l’abandon qu’il apprend qu’un virus dévastateur s’est propagé sur la Terre. Une pandémie a décimé l’humanité.
Tel est le point de départ d’un roman qui se divise en trois parties. Dans un premier temps, pour constater de ses yeux le désastre et rechercher d’autres survivants que lui, Ish entreprend de traverser entièrement les États-Unis, d’ouest en est, avant de décider de retourner à son point de départ. En chemin, il aperçoit bel et bien quelques rescapés, mais personne avec qui il soit tenté de se lier plus qu’un instant. Néanmoins, la rencontre avec une femme prénommée Em vient mettre un terme définitif à sa solitude. Et, bientôt, surgit le désir d’avoir une descendance. Dans le même temps, ils sont amenés à accueillir d’autres rescapés. Se forme donc une communauté qui, non seulement est animée du désir de perpétuer la race humaine, mais aussi de fonder une nouvelle civilisation.
L’on décide, par conséquent, que l’année de la pandémie dévastatrice sera l’année 1 de l’histoire nouvelle. Dans une deuxième partie du roman, Stewart égrène un peu plus d’une vingtaine d’années pour parvenir exactement en l’an 22. Pour chacune des années, il en raconte l’une ou l’autre péripétie, par exemple, pour indiquer comment la nature reprend ses droits, les invasions successives d’animaux, rats, fourmis, sauterelles, bovins, pumas… Il raconte aussi les naissances de plusieurs enfants.
Enfin, dans la troisième partie, qui se déroule donc en l’an 22 de la nouvelle ère, l’auteur, tout en déployant les mille ressources d’une histoire romanesque à souhait, tire profit des événements pour rendre compte des questions que doivent forcément résoudre, ou tenter de résoudre, les protagonistes du récit. L’auteur prend d’ailleurs soin d’émailler le roman de textes en italiques indiquant, entre autres, les changements à l’œuvre dans l’environnement des rescapés, la nature qui reprend ses droits, les bâtiments et les infrastructures non entretenus qui se dégradent, etc. Il faut donc, pour les membres de la communauté, sans cesse s’adapter à des conditions nouvelles et, au mieux, essayer d’anticiper les inévitables transformations. Quant à créer une civilisation nouvelle, pourquoi pas, mais peut-on la créer à partir de rien ou ne vaut-il pas mieux préserver le plus possible les connaissances que l’humanité avaient acquises au fil des siècles ? Cette tâche, que Ish se fait un devoir d’entreprendre, entre autres en éduquant les enfants nés après la catastrophe, tout le monde ne la perçoit pas de la même manière dans la communauté. Bien d’autres questions encore surviennent au fil du roman, que je ne peux pas toutes énumérer. Ce qui est sûr, cependant, c’est que l’habileté dont fait preuve George R. Stewart tout au long de son récit, pour susciter de profondes réflexions chez le lecteur tout en n’omettant jamais de le captiver au moyen d’une passionnante intrigue, mérite d’être saluée. Dans le genre postapocalyptique, nous avons affaire là, sans nul doute, à un fleuron.

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