Un an dans la forêt de François Sureau

Un an dans la forêt de François Sureau

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Poet75, le 7 février 2023 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 67 ans)
La note : 8 étoiles
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Un voyage immobile

Après Ma Vie avec Apollinaire (2021), ce nouvel ouvrage de François Sureau pourrait avoir pour titre « Ma vie avec Blaise Cendrars », puisqu’il y est beaucoup question de celui-ci, mais ce ne serait pas tout à fait exact, car il manquerait l’autre personnage important du livre, Élisabeth Prévost (1911-1996). Un an dans la forêt donc, c’est le titre qui convient, d’autant plus que l’auteur commence par évoquer son appétence pour les territoires sylvestres : forêts de Kabylie, d’Argonne, de Bornéo, de la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie, etc. Mais c’est une autre forêt qui s’impose, moins exotique que ces dernières, celle des Ardennes, près de Sedan, là où François Sureau servit en tant qu’aspirant appelé au 12ème régiment de chasseurs. Il y revient, 40 ans plus tard, et s’y trouve bien : « La forêt m’est très tôt devenue un port », écrit-il, forêt qui, ajoute-t-il, s’avère être autant un « paradis pour les anarchistes » qu’un lieu de prédilection pour les moines et les solitaires, les chartreux par exemple.
Or, et c’est là que François Sureau veut en venir, c’est cela qu’il veut évoquer au long des pages de son court récit, c’est dans cette même forêt des Ardennes que Blaise Cendrars (1887-1961), l’écrivain baroudeur, passa une année de sa vie, en 1937-1938, avant que n’éclate la guerre et qu’il s’engage au sein des forces britanniques. Séparé d’avec l’actrice Raymone Duchâteau (1896-1986), qu’il retrouvera et épousera en 1949, Cendrars est malheureux, mais trouve auprès d’Élisabeth Prévost une complicité, une communion qui lui font du bien : « Ce qui est singulier dans sa rencontre avec Élisabeth Prévost, écrit François Sureau, c’est qu’elle lui a donné l’occasion d’un voyage pour une fois immobile… »
La jeune femme, tout comme l’écrivain, était volontiers baroudeuse. À 23 ans, elle avait traversé le « continent noir », l’Afrique, et, quand elle rencontra Cendrars, elle venait de parcourir les routes d’Europe, de la Bretagne à la Roumanie, en voyageant en roulotte. Néanmoins, pendant cette année qu’ils passèrent ensemble dans les Ardennes, tous deux s’assagirent ou prirent le temps de faire une autre sorte de voyage, tout intérieur celui-là, spirituel sans nul doute. Tous deux se retrouvaient dans une même recherche qu’on peut désigner comme « mystique » au sens large : Cendrars « allait avec Élisabeth chez les trappistes de Chimay » et l’accompagnait, le dimanche, à la messe, même s’il en attendait la fin au café. Mais il avait dans ses lectures les « mystiques » les plus divers, aussi bien les écrits du Sâr Péladan que la Patrologie de Migne.
Inutile de gloser sur la nature exacte des relations entre Blaise Cendrars et Élisabeth Prévost. François Sureau se garde bien de se perdre en conjectures inutiles. Le plus important est ailleurs : « Dans les Ardennes [Cendrars] restait immobile, pour la première fois heureux de l’être (…). » Avec « son copain », comme disait Blaise pour désigner Élisabeth, il se sent bien. Dans L’Homme foudroyé, en 1945, il parlera d’elle en lui donnant un autre nom (Diane de La Panne).
Simple, limpide et beau, le livre de François Sureau rend un hommage mérité à ces deux êtres qui, une année durant, communièrent à un même ressourcement dans la forêt d’Ardenne.

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