Octobria de Alfred Teckel

Octobria de Alfred Teckel

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Sahkti, le 28 octobre 2004 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans)
La note : 6 étoiles
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On n'enferme pas une louve

Intéressante découverte que ce roman d'Alfred Teckel.

Octobria est une jeune fille dont la mère est morte dans la forêt, la laissant à la merci d'une louve qui l'élèvera pendant quelques mois, avant de la confier à la "Mère Gruner", ancienne institutrice. Octobria grandit au milieu de la forêt, à l'abri des regards extérieurs, ayant pour seule et solide compagne Antoinette, cette louve qui lui sauva la vie dix-huit ans plus tôt.

Le récit débute brutalement; en quelques mots, le ton est donné: "Au petit jour, l'aurore naît sur le calme revenu. L'enfant dort et la mère meurt" (page 11)
Dans un langage simple et "rustique", comportant parfois quelques maladresses, Alfred Teckel évoque l'enfance et l'adolescence d'Octobria, superbe jeune fille à la chevelure rousse inoubliable. Cela ressemblerait presque à un conte, mélange de Blanche-Neige et de La Belle au Bois dormant. En gardant à l'esprit que les contes sont avant tout cruels et que sous l'apparence du prince charmant peuvent se cacher de nombreux drames. Ce récit ne déroge pas à la règle, le conte de fée est de courte durée, Octobria rencontre les hommes et la vie de la ville, elle s'inscrit à la Faculté de Nancy, s'y perd, se révolte, claque la porte.
Excellente scène que celle où Octobria, insultée dans sa chair et son honneur gifle un professeur qui a osé se moquer de son prénom et des Vosges. Une colère admirablement décrite, des sentiments qui partent du fond du coeur et du ventre, Octobria prend corps dans mon esprit et mon coeur, l'attachement se fait plus fort pour cette jeune femme qui me semblait assez irréelle au début du roman. Elle existait mais en tant qu'icône, personnage symbolique de roman. Les premières épreuves auxquelles elle est confrontée lui donnent toute sa robustesse et sa puissance d'âme, elle prend pleinement possession du récit. Un récit qui va en s'améliorant. Il prend vie, après une longue "introduction".

Quittant les bancs de l'Université, Octobria devient servante chez une baronne parisienne, être irascible et complexé, jalouse de la beauté de ses gens de maison et consciente du non-attrait qu'elle exerce désormais sur un mari qui lui préfère la bonne.
Si l'arrivée d'Octobria dans cette grande demeure laisse à penser qu'elle est sûre d'elle et pourra rapidement cerner les limites de cet univers clos, il apparait rapidement qu'il n'en est rien. On n'enferme pas une louve! La sévérité de la baronne, la mollesse de sa fille et de son mari finissent par avoir le dessus. Octobria craque, retrouve son ancien ami, ce Louis qui lui a juré que la vie en ville parmi les hommes était la plus belle. A bout, épuisée, coupée de ses racines et de son environnement brutal, Octobria ne peut que sombrer et terminer chez les fous. Un endroit où elle reprend du poil de la bête tout en dépérissant. Beau paradoxe très bien évoqué par Alfred Teckel qui offre de jolis passages à cette lutte pour la survie de l'esprit, avec une séparation symbolique du corps abusé au profit d'un esprit qui se renforce.

La fin est belle même si quelque peu attendue. C'est ce que le lecteur espérait de tout coeur, il n'est pas déçu. A une exception près en ce qui me concerne, je me serais volontiers passée de l'épisode concernant le ministre de l'environnement qui, à mes yeux, apporte peu au récit. A moins que je n'aie raté une subtilité...

J'ai aimé cette histoire, ces idées de liberté et d'enfermement, ce lien d'attachement à un territoire que l'on a beau essayer de briser et qui éternellement se recompose.
Je déplore quelque peu le style parfois saccadé du début ou la rapidité avec laquelle Alfred Teckel évoque certains épisodes, passe sur les semaines universitaires et la découverte de Nancy. Ces bouleversements dans la vie d'Octobria auraient sans doute mérité davantage d'attention et de pages (j'aurais voulu ce roman plus long...). Mais le récit prend de l'étoffe au fil des pages, il se construit et se renforce, le vocabulaire maladroit du début laisse place à des phrases plus posées et plus "visuelles", le roman prend vie et forme, comme un film. Beaucoup d'idées, de spontanéité et de fraîcheur pour aborder des thèmes graves.

"Mais ne cherche pas Ulysse, pauvre Pénélope, il n'est plus là. Il n'y a peut-être même jamais été. On inverse les rôles, et sous le voile, on découvre que Pénélope sans Ulysse vaut plus qu'Ulysse sans Pénélope. Tes talents rendent Ulysse inutile, ô Pénélope! Ne le cherche pas en vain, il n'existe pas! (page 115)

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  Nom de l'auteur 1 Sahkti 29 octobre 2004 @ 14:32

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