Calme-toi, Lison de Jean Frémon
Catégorie(s) : Littérature => Francophone

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Jean Frémon et Louise Bourgeois
Louise Bourgeois avait l'odeur de sainteté en horreur. Frémon - qui n’a cessé de défendre et illustrer son œuvre - le lui rend bien. Il propose un monologue intérieur de l’artiste. La solitaire s’y parle à elle-même, revient sur sa vie par sauts et gambades. Et cela veut mieux que toutes les biographies (par essence approximatives) qu’on pourrait écrire sur l’artiste. Documentée (Louise Bourgeois a assez souvent parlé de sa vie mais non sans de beaux mensonges) et drôle, la fiction de Frémon rend compte autant des névroses de l’artiste (il est vrai qu’elle avait un lourd passif) que de ses enfantillages et lubies mais aussi de soin génie.
Parler à la place de Louise est une manière de casser l’extrême pudeur de celle qui derrière son exhibitionnisme ne cessait de se cacher. L'ostentation possède toujours chez elle un aspect particulier que Frémon plus qu’un autre a compris : il s'agit d'une manière de se soustraire afin de mieux faire surgir les secrets les plus intimes en particulier ceux de l'enfance. Plus particulière celui qui toucha à son père et (qu'elle ne cesse d'éventer et d' »éventrer » pour lui faire payer ses avanies) et aussi sa mère lorsque l'artiste s'employa à travailler le textile et certaines figures "d'aiguilles".
Comme Louise, Frémon propose un travail de ravaudages . Il permet de suivre le fil d'une œuvre qui ressemble à travail de réparation sur le plan métaphorique. Il trouve son apogée dans le motif de l'araignée récurrent dans l'œuvre et symbole d'une mère - accusée entre autre par son mari d'avoir une mygale dans la tête... Frémon rassemble, fragmente, remonte les pans "tapissiers" d'une vie. D'une certaine manière l'auteur devient l'infirmier caustique de celle qui se voulot parfois infirmière de cette mère qui tenta que bien que mal de la faire passer d'un âge d'innocence à celui d'un age adulte. Frémon prouve par pans combien l’histoire de l'œuvre estl'histoire d'une accession à soi contre le père et son pouvoir sexuel mais aussi pour la mère humiliée.
Murmurant pour elle-même ses lentes reprises et installations l’artiste tenta d’oublier les “ dernières nuits de sexe ” de son père la où des visages à la bouche ouverte tentent en vain de crier. En exhibant de telles têtes l'artiste "dit" ce que la mère ne pouvait oser. Existe là des fantômes ou des réalités auxquels font écho le discours et la voix d’emprunt de l’artiste. Frémon crée ainsi un livre superbe il sert la présence d'une identité qui ne se définit que par des dépôts, des lambeaux ceux le parleur » de la fille indignée essaye reconstruit là résignation féminine est dépassée par divers procès figuratifs aussi pénétrants que douloureux ou drôles.
Jean-Paul Gavard-Perret
Jean-Paul Gavard-Perret
Les éditions
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Calme-toi, Lison [Texte imprimé] Jean Frémon
de Frémon, Jean
P.O.L.
ISBN : 9782818038246 ; 9,00 € ; 07/01/2016 ; 128 p. ; Broché
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