Irréversible de Liliane Schraûwen

Irréversible de Liliane Schraûwen

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Saigneur de Guerre, le 31 janvier 2023 (Inscrit le 11 juin 2022, 65 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 297ème position).
Visites : 782 

Un roman psychologique, voire psychiatrique, ou philosophique

« Mais qu’est-ce que je fais là, et comment j’y suis venu ? »
Voilà les questions que se pose l’homme. Assis sur une banale chaise en bois blanc bon marché. Il est là dans cette pièce aux murs nus. Totalement nus. Totalement ? Non ! Il y a cette tache… Peut-être est-ce une île… A moins que ce ne soit un continent ?
Quelqu’un l’observe peut-être… Il n’en est pas certain… D’ailleurs, il n’est certain de rien… Il n’a aucune notion ni du temps, ni de son existence antérieure. Peut-être même a-t-il été un simple caillou ou une plante…

Critique :

Liliane Schraûwen a l’art de rendre très crédibles ses histoires. La preuve une fois de plus avec « Irréversible ».
Si on prend en pitié ce personnage semblant souffrir d’une amnésie totale, il faut toutefois admettre qu’il ne semble guère pâtir de sa situation. Mais s’il est là, seul dans cette pièce, c’est que « quelqu’un » l’y a amené.
Petit-à-petit, le lecteur découvre le passé de cet homme qui fut même conseiller juridique d’une grande entreprise après des études universitaires de droit. Son existence nous est rapportée, sous forme de bribes, par le personnage lui-même… mais aussi par des rapports « extérieurs ». Rapports médicaux ? Rapports de police ?
Nous suivons les pensées de l’inconnu, alors qu’il semble devenir de plus en plus comme une plante. Une plante sans souvenirs, sans rêves, sans aspirations… Jusqu’à ce que des images surgissent. Mais sont-elles imaginaires où véritablement liées à sa propre histoire ?

Liliane Schraûwen entretient le suspense tout en dévoilant de plus en plus d’informations qui poussent le lecteur à tenter de deviner qui est cet individu et pourquoi il est là. Ferez-vous partie de ceux qui auront de bonnes intuitions quant à la fin de l’histoire ?

L’auteur (Liliane n’aime pas que l’on féminise ce nom) livre ici un roman qui tient de la psychologie, de la psychiatrie… et surtout de la philosophie. C’est très surprenant ! Oserez-vous l’aventure ?

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Déterminisme avéré

8 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 5 mars 2023

Liliane m’a déjà fait lire des nouvelles, à mon avis sa grande spécialité, de la poésie et cette fois je viens de lire un roman, un roman original dans sa forme au moins. Le narrateur, un individu qui a perdu conscience, il se meut mais ne parle pas, ne donne aucun signe de reconnaissance aux personnes qui l’entourent, se contente de fixer un point sur le mur pendant de longues périodes. Il raconte comment il découvre des bribes de sa vie d’avant, comment progressivement il esquisse l’être qu’il ne sait même plus être ni avoir été. Dans le cours du récit, l’auteure a glissé quelques indications décrivant une femme qui baigne dans une mare de sang et quelques réflexions du personnel soignant évoquant l’état du patient, son comportement et l’évolution de celui-ci.

Le patient, amnésique, s’»interroge sur l’existence, son existence à lui, pourquoi lui existe-t-il. « Tant d’idées dans ma tête, confuses. Tant de questions… ». Il n’a aucune conscience du temps qui s’écoule. « Ni passé ni futur, en vérité, Seulement une succession de présents, une suite d’instants qui brusquement sombrent et cessent d’être, puis sans doute renaissent ailleurs et autrement ». Et pourtant dans son inconscient (ou subconscient) il se souvient de geste brutaux, de sang qui se répand…, il ne comprend pas le sens de ce qui semble être une découverte de sa vie, une redécouverte plutôt. « C’est tellement difficile de distinguer ce qui est vrai ou ce qui l’a été, de ce qui n’est que mensonge ou chimère ».

Il comprend certains mots prononcés par ceux qui l’observent en permanence, des mots qui appartiennent à son histoire, à ce qu’il a pu en redécouvrir. Comme le héros de Kafka dans La Métamorphose, il croit qu’il se transforme, il ne connait pas on moi, il en imagine plusieurs qui se confondent en un tout éventuel, possible, aléatoire…

Le mur l’obsède, il voudrait s’y fondre, s’y réfugier, se câliner contre ce mur qui n’est peut-être pas un mur mais plutôt de la peau, de la chair, une matière qu’il a connue où il a aimé se presser tendrement. « Ce n’est pas réellement un mur. C’est vivant, c’est chaud, attirant. J’aimerais me blottir contre lui, me recroqueviller, fermer les yeux. Me laisser aller. Dormir enfin, mourir ou cesser d’être, sombrer encore une fois et renaître en un autre lieu, sous une forme nouvelle… ». Cette peau pourrait être celle de la femme qu’il a aimée mais pas celle qui a été méchante avec lui, celle qu’il a peut-être frappée… ?

Ce texte montre un être qui n’a plus de mémoire mais la retrouve très partiellement peu à peu, l’auteure semble vouloir laisser au lecteur le soin de terminer l’histoire de cet homme, est-il frappé d’amnésie ? de folie ? subit-il un choc post traumatique après un acte très violent ? est-il victime de visions fantastiques ? ou est-ce l’auteur qui introduit un version fantastique de cette histoire pour élargir le champ de sa réflexion sur l’homme ? Certains chapitres sont laissés en suspens comme si le narrateur avait brusquement perdu le sens de son récit, comme s’il s’était endormi ou avait provisoirement reperdu la mémoire…

Un texte original, fort, puissant sur la condition humaine, la dégradation de la mémoire, la violence incontrôlable, les séquelles laissées par certaines ruptures, la vie égarée, la vie ailleurs, la mort et l’après … « La vie, la mort, le temps qui passe et qui blesse, la naissance, le vieillissement, tout est irréversible. Il me semble comprendre cela, cette évidence. Tout est fixé, définitif, tout sauf moi et mes innombrables absences et présences ». Les grandes question de l’humanité : qui suis-je ? Où vais-je ? qu’y a-t-il après la mort ? Qu’ai-je fait avant ? Ces questions restent en suspens comme plusieurs réflexions du narrateur mais tout semble bien déterminé depuis la naissance. C’est ce que semble dire l’auteure.

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