Nationalité frontalière : Chroniques de Daniel de Roulet
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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La Suisse, au-delà des frontières
Comme Joëlle Kuntz dans "L'Adieu à Terminus", Daniel de Roulet se penche sur le problème de la frontière et de sa double appartenance franco-suisse.
La Suisse, un pays qu'il a quitté pour vivre à quelques kilomètres, dans le Doubs, dans un petit village paisible qui lui offre le recul nécessaire pour réfléchir sur la France qualifiée de profonde et la Suisse engluée dans ses clichés bateaux.
Heureusement, l'auteur ne s'attarde pas sur le secret bancaire, le fromage et le chocolat (ha, j'allais oublier les montres!), il préfère s'intéresser aux frontières suisses, à ces postes douaniers qui font les choux gras des conversations de bistrot. Non pas que les douaniers helvètes soient particulièrement nuls ou incompétents mais il existe un décalage qui prête à sourire, surtout lorsqu'on garde en tête la tâche rouge que réprésente désormais la Suisse au milieu du grand bleu européen.
C'est que la ligne-frontière, c'est un passage obligé pour de nombreux travailleurs, qu'ils soient genevois ou du 74 et 01 comme on dit par chez moi. Avec le célèbre macaron vert "Rien à déclarer", précieux sésame qui évite les arrêts et rassure les douaniers trop zélés.
J'ai souri, souvent, en lisant ce recueil savoureux, il y a tellement d'impressions de "c'est du vécu" derrière tout ça. La douane suisse, un mythe dont on fait des spectacles qui attirent en ville la foule amatrice de cabaret et autres joyeusetés du genre.
Daniel de Roulet se plait à raconter ses rencontres avec la douane volante qui prospecte dans la montagne, surveillant une frontière invisible qu'il est si facile de traverser (via les toilettes de l'Hôtel Arbez, par exemple, un hôtel qui possède des chambres en Suisse et d'autres en France).
Si son propos est plein d'humour, l'auter ne se contente pas de dépeindre un paysage buccolique et touristique de la Suisse. Il évoque également son enfermement, sa mollesse et son hypocrisie. Il parle avec beaucoup de réalisme de la situation de la littérature romande, petite soeur de la littérature française qui l'étouffe et non-reconnue par la Suisse tournée vers la langue de Goethe. Puis il raconte la politique suisse, notamment en matière d'immigration (ces douanes si amusantes se révèlent être tellement symboliques dans un pays en proie à une xénophobie montante et aujourd'hui avouée). Daniel de Roulet, si il ne dit pas la honte d'être suisse, n'en conçoit aucune fierté. il est conscient des errements de sa patrie.
De la Suisse, Daniel de Roulet passe allègrement à Frasne-les-Meulières, son village adoptif, un gros bourg qui vit dans l'Histoire grâce aux petites histoires. D'autres préoccupations, le même goût pour les petites choses de la vie de tous les jours, naviguant par moments entre banalité et mesquinerie, comme dans tous les petits villages où tout le monde connaît tout le monde. C'est drôle et bien vu, lucide et cruel à souhait.
Un ensemble de chroniques savoureuses pour mieux apprécier la vie d'en bas quand on se trouve géographiquement "en haut". Une manière d'écrire sur rien tout en racontant tout. J'aime cette subtilité, ce talent de l'auteur pour sortir des lieux et des gestes de l'indifférence par les seuls mots utilisés pour les décrire.
Les éditions
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Nationalité frontalière [Texte imprimé], chroniques Daniel de Roulet
de Roulet, Daniel de
Metropolis / Littérature française
ISBN : 9782883401365 ; 20,29 € ; 04/11/2003 ; 224 p. ; Broché
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