Toucher la peinture comme la peinture vous touche: Ecrits et entretiens, 1970-1998 de Eugène Leroy, Benjamin Katz (Dessin)

Toucher la peinture comme la peinture vous touche: Ecrits et entretiens, 1970-1998 de Eugène Leroy, Benjamin Katz (Dessin)

Catégorie(s) : Arts, loisir, vie pratique => Arts (peinture, sculpture, etc...)

Critiqué par JPGP, le 25 décembre 2022 (Inscrit le 10 décembre 2022, 77 ans)
La note : 7 étoiles
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Les apparitions d'Eugène Leroy

Eugène Leroy ne croit pas à la spontanéité du geste. Il travaille beaucoup. Il détruit sa facilité. Cela son filtre. D’exigence. D’amour. Et un côté Matisse dans son émerveillement. Un côté Gauguin dans sa brutalité et le soleil. Le peintre ne pose pas et réduit d’elle-même cette fameuse "clôture" de la peinture, sa 'choseité" (Beckett)

Par sa peinture, Eugène Leroy resta sur les traces de l’être. Plus loin même. A savoir en son mystère, par la matière sensation, la matière émotion. "J’emploie le mot toucher par rapport aux notions de dedans et de dehors. (...) Je voudrais toucher la peinture comme la peinture vous touche. La toucher, je le dis comme on aime une femme." écrit-il.

Faut-il alors parler encore d’abstraction ? Sans doute pas car les étiquettes ne conviennent plus. Evoquer plus simplement, comme Leroy le fit, matière, couleur, vibration suffit. Et revenir au chef-d’oeuvre de 1981 "La rouge". Contre la nuit de l’être. Là où l’étendue progresse. Une intimité naît à la faveur des recoupements. Restent le pli, les plis, "Des" intimités. La matière qui ne recouvre plus mais qui découvre et rappelle le "Grand paysage de feu" de 1974. Entrouvertes les lèvres. Sur le rouge. Contre le noir. Comme si on pouvait voir dedans. Et trouver le passage.

De ce que la matière possède de plus pressant ne demeure plus le vide. Quand les traces s’impriment n’existe plus d’abîme. Il y a, là, et tractions, et poussées. En avant, toute ! Vers l’autre nudité. De l’être. La seule. Un centre se creuse et appelle les spasmes. Voici la fissure, l’infigurable de. A la fois source et sablier. Juste ces traces. Plus loin que la peinture dans sa poussée et aussi le retranchement. .

Existent la matière de jouissance, l' émotion intense. Emmêlement de convergences. Le partage ne se fait plus entre l’ombre et la lumière. Ainsi, chaque mouvement est un piège. Au-delà de l’image, le mouvement. Le mouvement qui sait tout, assurant son dévers. Il ne s’agit plus de se souvenir mais d’autre chose encore. Dans l’ombre. A proximité du liant et du lien. Dans le creux de la ligne. Ou sur sa pointe. L’être en lui-même, se serrant, s’éloignant dans le pendant de la matière.

Et tout ce frottement de pigmentations. Cette accommodation à la couleur. Du fond. Au fond. Le piège tendu ? Mais non. L’appel, rien que l’appel. Une nouvelle fois tenter de prendre corps. Le tableau comme "réalité intérieure" écrit Leroy. D’abord 'la petite note jaune" (ajoute-t-il ) comme un prélude. Puis arriver à cela. Non l’absence mais son contraire. Un appel. Dans le ventre, dans la tête - et l’émotion à l’«intersection» des deux.

Le tout, sans souci de faire une oeuvre ni de sa valeur. Eugène Leroy ne marchande pas. D'où cette oeuvre des profondeurs. Avec le rouge dedans. Il est intense. L’enjeu : pas une image, pas un encens, une présence, une musique. Du silence. L'imagination élude l’image, du moins l’idée qu’on en a, qu’on s’en fait. Ici une origine mais pas de l’origine. La trace non retournée sur mais tendue vers dans une sorte de mise à nue mais loin de la muse. La peinture est ailleurs, avant : pariétale en quelque sorte.

Jean-Paul Gavard-Perret

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