Trente-trois papillons de Maya White

Trente-trois papillons de Maya White

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par JPGP, le 25 décembre 2022 (Inscrit le 10 décembre 2022, 77 ans)
La note : 5 étoiles
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Fouilles de Maya White

Dans Anfall (2000) Maya White laissait poindre, tirée des strates de vies entassées sous le sable, l'avant-dernière couche : celle d’un séjour à Berlin dont elle récupérait les cendres et qu’elle résuma ainsi : « Des monuments de mensonges sont bâtis sur les braises. Je me promène dans ce mensonge ».

Depuis elle était restée sinon muette du moins sans laisser de nouvelles. Douze ans après elle resurgit avec Trente-trois papillons, une série de fragments écrits ces dernières années. Grâce à superbe mise en page dont l’éditeur Alain Berset garde le secret, le texte est mis en lumière. Il est monté en tension et netteté. Les mots découpent un espace dans l’espace comme ils fragmentent le quotidien.

Constitué d’éléments intimes, le texte n’a rien d’un propos narcissique. Les anecdotes, les sensations, leurs effluves se suffisent et forment un monde en soi. Des images aux mots, il ne peut y voir qu’un trait d’union, une poétique semblable. L’intime est là mais à travers de légers décadrages.

Dans l’abstraction des mots articulent une extase très particulière presque ineffable. Si bien que ce livre devient un aître : à savoir l’âtre de l’être-texte. Son auteur sait combien les mots ne sont pas la vie mais son dépôt. En conséquence Maya White garde uniquement ceux qui ont valeur d’indices pour le lecteur. Et c’est pourquoi ils touchent.

Un tel livre reste le lieu de fouille de l’existence et l'incarnation d’un exercice de  lucidité. Chaque fragment devient porche, passage dans une « théâtralité » du signe humain. Mais celle-ci n’a rien de surjoué. Messagère d'un univers clos l’auteur crée le passage d'un monde boîte à un monde oignon. Elle glisse du fermé à l'ouvert. Un rite poétique transforme la notion même d’un genre qui trop souvent n’est que la pâle preuve d’une vanité.

Avec « trente trois papillons » (du soir ?) les mots reviennent hanter les lecteurs dans le présent et sa perte de repères Mais soudain le livre bâtit paradoxalement un mystère : le quotidien joue contre le peu qu’il est. Si bien que, comme ce texte, il ne se quitte pas.

Jean-Paul Gavard-Perret.

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