L'Être à l'enfant de Sophie Brassart

L'Être à l'enfant de Sophie Brassart

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par Kinbote, le 20 novembre 2022 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (23 255ème position).
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Cette pluie barbare des pensées

Voici un poème d’une quarantaine de pages, à raison de deux strophes de quatre vers libres par page, chaque fragment étant subtilement articulé au suivant, ce qui autorise deux modes de lecture ! C’est le quatrième recueil de poésie de Sophie Brassart qui a aussi peint l’œuvre figurant en couverture du recueil.

Sophie Brassart est poète et peintre. Entre autres projets artistiques, « elle a réalisé une fresque regroupant vingt visages de poètes contemporains exposée de manière pérenne à l’Université de Caen ».

Ce texte d’un seul tenant comme écrit dans un souffle, dans l’élan d’une vision, englobe le proche et le lointain et permet les rapprochements les plus singuliers, toutes les audaces poétiques. Sophie Brassart use sans afféterie de tous les ressorts de la typographie, notamment des crochets, pour rythmer, moduler son propos au cours de cette traversée du ciel des mots en images en quête de l’enfant à re-être, vers le lieu de « l’inaltérable blessure », sur laquelle l’événement n’a pas prise ; blessure fétiche qui marque notre appartenance à l’espèce humaine en même temps qu’elle nous en démarque.

Les yeux sont ouverts sur ce qu’il y a à voir derrière la vue commune, alors que les gestes sont retenus, comme immobilisés, à l’affût du neuf, « avec pour seul miroir / ton cœur délivré de la posture ».

Le poème débute durant une nuit « où se résolvent les contraires », à la faveur de la lune qui permet de voir loin dans l’espace comme dans le passé.

" L’ombre

parcourt la vie de son labyrinthe muet

Pourquoi s’inquiéter

de cette longue étreinte "

Il s’agira d’étudier, entre rêve et éveil, sensoriellement, une Géométrie du soir, une géométrie du voir, entre les lignes desquelles « tout ce qui peut être ressenti / rejaillit en toi ».

" Est-on cette pluie barbare des pensées

qui écarte de l’espace où

se lit nue

la ligne des flammes ? "

Le poème se fait l’interprète du voyage que la poète a entrepris dans sa nuit – dans sa vie ?

" Le monde est entré en moi

Je l’aime tendrement

Sans avoir à le cueillir

Ni engendrer de nouvelles formes "

Ce beau texte propose ainsi dans le courant forcément tourmenté de ses vers des reflets à nos propres affects et le souhait en écho de retrouver la source, l’aube de notre ouverture au monde, où l’on n’est plus qu’être à soi, « clarté qui bourgeonne / par la fenêtre ».

" [C’est brisure d’avril
– ce long fusain de la pluie
salué par la fureur du merle –
C’est brisure spontanée

où les yeux ouverts
sur l’éclat du lierre
& le seuil
désignent le soir intime

Tes deux mains
retenues par l’ombre
cherchent un ciel nouveau
Quand les fleurs des pruniers tombent] "

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Des mots caresses en vers

8 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 14 décembre 2022

La lecture de ce recueil m’a permis de découvrir cette poétesse que je ne connaissais pas auparavant, j’étais tout de même fort confiant car je n’ai eu que de bonnes expériences avec Tarmac qui déniche et publie toujours des auteurs de grande qualité. Dans ce présent recueil, Sophie Brassart propose, sur chacune des pages, deux strophes de quatre vers qui constituent à eux deux un petit poème : une image, une impression, une sensation, un ressenti :

« Te voici, dans le jardin, / en éveil sur la balançoire, / avec ton visage renvoyant / jusqu’au coin // le plus dégagé du ciel / les derniers sillons du potager / L’odeur de l’ombre, comme on aime sentir sa gloire ».

Sophie fait chanter les mots en les tamisant, les triant, les sélectionnant avec la plus grande rigueur pour qu’ils rendent ces images, ces impressions, ces sensations, ces ressentis, plus vrais que nature, au-delà de la matérialité de nos vies, dans l’espace réservé aux poètes. Sous la caresse de ses mots, elle esquisse un monde dépassant les contraintes quotidiennes, pénétrant les cœurs et les âmes.

« Tes deux mains / retenues par l’ombre / cherchent un ciel nouveau / Quand les fleurs des pruniers tombent ] ».

Elle évoque les hommes et les femmes, les êtres - comme pourrait l’évoquer le titre dégenré du recueil, si être est accepté au mode nominatif -, les enfants, la nature et les animaux qui l’habitent, à travers les couleurs, les formes, les musiques qu’elle dessine ou compose pour esquisser le monde qu’elle semble appeler de tout son talent. Elle peint les émotions comme elle peint la vie, l’amour la mort.

« A contre-jour, / chaque façade s’est alourdie / autant que les bêtes / à l’approche de la mort ».

Sophie est aussi peintre, son talent pictural est très visible dans ses textes très visuels où les mots sont souvent comme des touches de couleur qui font vivre les images et les personnages qu’elle pose sur ses pages.

« Laisse l’image, le mot, jusqu’au nom du bonheur / s’évanouir, comme ce vent nourri / de pierres qui écrase la pluie sur / le cheval de trait ».

Le mot et l’image sont caresses dans le monde de Sophie, elle les choisit comme le marqueteur sélectionne ses bois pour obtenir les meilleures impressions, et les assemble le plus justement faisant même appel, parfois, à des formules de style comme ce zeugma : « des verres et du vent » si justement placé.

Les caresses de Sophie sont faites de mots mis en vers…

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