Un oubli sans nom de Serge Legrand-Vall

Un oubli sans nom de Serge Legrand-Vall

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par TRIEB, le 11 novembre 2022 (BOULOGNE-BILLANCOURT, Inscrit le 18 avril 2012, 72 ans)
La note : 9 étoiles
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REUNIFICATION

Peut-on réunifier des fragments de son existence restés longtemps disjoints et étrangers l’un à l’autre ?
C’est à cette question que tente de répondre Serge Legrand-Vall dans son dernier roman Un oubli sans nom. Suzanne Hamel, personnage principal du roman, vit en Normandie ; elle y coule une vie heureuse, ses parents sont libraires et l’entourent de toute leur affection. Nous sommes au mitan des années soixante-dix. Les amateurs de pop music écoutent Leonard Cohen, se grisent aux compositions grandioses d’Emerson, Lake et Palmer, et lisent Jack Kerouac, l’un des membres de la Beat Generation.
Ils lisent Actuel, Libération, ou accessoirement René Dumont, un essayiste écologiste peu pris au sérieux par ses lecteurs d’alors. Pourtant, Suzanne souffre car elle sait qu’elle a été adoptée, qu’elle est une enfant de l’Assistance Publique. Qui était-elle avant ? Quelles étaient l’identité, les vies des membres de sa première famille ?
En progressant à pas très lents, en éclairant graduellement toutes les interrogations qui habitent Suzanne Hamel, Serge Legrand-Vall nous livre une belle radiographie, celle des étapes de la recherche de réunification d’une vie. Suzanne se pose, bien sûr, des questions sur son propre ressenti : « Avais-je du regret de ce qui s’était passé avant ? Je savais tourner le dos à un brouillon de vie, où tout sûrement n’était pas raté. Mais il était temps de me détacher de la Suzanne que j’avais été jusque-là. Puisque j’étais celle qui avait survécu. Qui n’avait plus d’illusions et savait ne pouvoir faire confiance à personne. »
C’est le sentiment d’appartenance qui préoccupe Suzanne, lorsque sa recherche débute vraiment. Elle parvient à une synthèse fragile, qui est peut-être un aboutissement : « Que signifie appartenir ? j’appartiens à la famille Hamel (…) ce patronyme qui n’était pas le mien m’appartient maintenant (…) Mais n’appartiendrais-je pas aussi (…) à ces bourgs et villages caillouteux, (…) à une histoire enfuie et pourtant enfouie en moi ? »
Cette quête de ses premières racines passe par Perpignan, Céret, l’île de Formentera en Catalogne. Suzanne va rencontrer des jeunes qui tentent de vivre l’amour libre, de partager tout en communauté. Ils sont représentatifs des idéaux utopiques de cette période, riche en tentatives de ce type. Les révélations successives concernant le passé de Suzanne sont dévoilées : avant son adoption, Suzanne s’appelait Suzanne Lluch, patronyme catalan. Au service de l’état-civil de la mairie de Perpignan, l’employé indique à Suzanne l’identité de sa mère : Raquel Lluch. Nous ne dévoilerons pas le dénouement final de ce beau roman, belle illustration des pouvoirs de la volonté humaine pour intégrer toutes les phases d’une vie et se réconcilier avec soi-même. Il y a dans ce roman une évocation de la guerre civile espagnole, comme dans les précédents romans La rive sombre de l’Èbre et Reconquista. C’est un fil conducteur dans son œuvre romanesque qui éclaire, à la fin du roman, les origines de Suzanne, enfin en possession de sa vérité.

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