Le sentiment du fleuve de François Emmanuel
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Mystérieux Oncle Isaïe
Jérôme Mortensen est le narrateur de ce roman. Un oncle qu’il n’a pas connu vient de mourir et c’est lui qui hérite, notamment d’un appartement dans lequel il décide d’habiter. Plein d’enthousiasme, Jérôme part à la conquête de sa nouvelle demeure, mais aussi de la mémoire de son parent. Il va vite déchanter, l’appartement est vieux et moche, la ville pas très accueillante et l’oncle un personnage bizarre avec un métier pas très reluisant, une espèce d’enquêteur fouille-tout qui doit peut-être bien sa mort à l’une ou l’autre affaire tordue dont il avait la charge.
Jérôme persévère, s’accroche et s’incruste et ça semble fonctionner. Les anciens clients refont surface, la femme de ménage reprend ses habitudes dans la maison et les gens commencent à parler, à raconter à Jérôme qui était réellement l’oncle Isaïe. Avec quelques surprises au rendez-vous.
Le récit est entraînant, François Emmanuel nous conduit à travers une atmosphère de plus en plus pesante vers une énigme et son déroulement, à travers les méandres des silences et des souvenirs.
J’ai beaucoup aimé cette façon de faire connaissance avec cet oncle détective dont le narrateur ignore tout et qu’il va découvrir pas à pas, à travers les commérages, les courriers et l’imagination, en se glissant dans sa vie comme on enfile une seconde peau. Ce n’est pas un roman policier, c’est une quête, un mystère à résoudre, avec quelques émotions à la clé.
Les éditions
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Le sentiment du fleuve [Texte imprimé], roman François Emmanuel
de Emmanuel, François
Stock
ISBN : 9782234055483 ; 15,30 € ; 08/01/2003 ; 154 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (3)
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Une réalité quasi onirique
Critique de Ori (Kraainem, Inscrit le 27 décembre 2004, 89 ans) - 27 décembre 2009
Le héros Jérôme Mortensen prend possession d’un appartement hérité d’un oncle disparu, lequel dirigeait une Agence de Recherches. A partir de cela, l’auteur nous raconte, avec minutie ou à grands traits caricaturaux, tous les personnages qui croiseront Jérôme, depuis le notaire jusqu’à sa femme de ménage, sa concierge, ses voisins ou les visiteurs de jour (comme de nuit !) de ce Bureau de détective.
Quoiqu’en retrait par rapport à ses grands romans (La Passion Savinsen ou La Chambre voisine), François Emmanuel continue ici de nous intéresser et nous séduire par un style enlevé, aussi riche que poétique.
Un livre palimpseste.
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans) - 14 avril 2005
Jérôme Mortensen s’installe chez son oncle Isaïe, disparu, réputé mort. S’installe littéralement dans ses pantoufles, dans l’odeur de son tabac et les vapeurs de ses bières belges ; il endosse du même coup ses voisins d’immeubles, parmi lesquels sa voisine du dessus, la bruyante cantatrice Ursula (ses productions sonores intempestives de trois heures du matin sont-elles orgasmes fous, appels au secours ou simples vocalises ?), sa femme à tout faire Maria Félicia Concepción Almirada Valdes (engagée « tout exactement pareil » : « j’étais un peu son maître et déjà son esclave »…), sa chatte noire comme l’Erèbe, et ses dossiers. Car une plaque sur la porte de l’appartement ne laisse rien ignorer du statut de l’oncle : « Isaïe Mortensen, enquêtes. »
Et, comme le barillet dans le 9 mm parabellum, le disque vinyle tourne sur le vieil électrophone : "Time after time"… Comme si Jérôme réincarnait son oncle : « j’étais moi mais j’étais un peu lui peut-être ». Et les bières belges défilent : Triple Moine, Leffe Radieuse, Triple Westmalle… Si les bières sont souvent triples, l’univers de ce roman, plus que jamais, est double. Plus exactement « à double fond ».
Immeuble double : « il existait décidément dans cet immeuble une double réalité aux choses » ; immeuble meuble en quelque sorte, bâtiment mort en sursis comme toute construction humaine, entre célestes et terrestres menaces, entre effondrement et engloutissement…
Pays double : même s’il n’est jamais nommé, on reconnaît ce paradis de la bière et de l’arriéré judiciaire, « ce pays curieux où les trains n’arrivent jamais à l’heure », « où le temps est, prédisent-ils, variable », « un royaume moribond » où « la monarchie chancelle », « singulière et difficultueuse harmonisation de deux peuplades »…
Capitale double, politiquement parlant : du Royaume, mais aussi de « l’Empire », l’Empire (européen) où « on légifère comme on marchande, on échange des betteraves contre de la passementerie, des articles de loi contre des articles de lingerie »…
Capitale, ou tout simplement ville, double aussi dans sa structure même : François Emmanuel explore ici le vieux mythe de la double Bruxelles, de la ville sous la ville, de « l’envers de la ville », de la « cité obscure » où il nous entraîne, sur les traces de Jérôme Mortensen, par l’une de ces portes qui permettent d’y accéder comme à une quatrième dimension, là où coule cette rivière emmurée voici plus d’un siècle, là où l’on sent sa présence fluviatile, où l’on ressent avec acuité cette rumeur, cette hantise : "Le sentiment du fleuve"…
Enquête double : car, si Jérôme reprend comme au débotté l’enquête abandonnée par son oncle au moment de sa possible mort, la recherche de Carla Geishmer au profit de son mari Hieronymus (jumelée d’ailleurs avec la recherche, liée à la précédente par quel lien hermétique, des plans anciens de la « ville avant la ville »), c’est aussi à une enquête sur lui-même, sur son identité qu’il se livre. Se contentera-t-il d’être le clone de son oncle ou vivra-t-il vraiment sa vie ? Est-il possible, d’ailleurs, de vivre vraiment sa vie ?
Vie double : celle de Jérôme, certes, mais aussi toutes nos vies. « Entre semence et cendres », « toutes nos vies sont des palimpsestes ». Entre semence et cendres notre chair pensante, notre pensée vivante, vibrante, à chaque instant présente, toujours à mi-chemin, funambule de l’instant, araignée traversant l’abîme de sa vie palimpseste, sans cesse gommant, sans cesse réécrivant, le tracé de notre vie d’hier chaque jour de plus en plus ténu, effacé, illisible, celle d’aujourd’hui s’y surimprimant, lentement ébauchant les linéaments vagues d’un possible demain.
Roman double, bien sûr, qui, tout en nous apportant la jouissance, la jubilation d’un texte ironique, satirique, ludique, réussit en fin de compte à nous convaincre que, chez François Emmanuel, la réflexion sur le cœur de l’homme n’est jamais loin. Est-elle d’un romancier « léger » ou d’un moraliste « sérieux », cette phrase qui résonne comme un aphorisme taoïste : « Car les fins sont dans les commencements, les ascensions dans les chutes, le disparitions dans les coups de foudre, et l’effort à comprendre revient toujours à notre ébahissement de vivre » ? Oui, cet ébahissement d’être ici et maintenant et de pouvoir partager le rare plaisir que nous offrent de tels livres…
Le fantasme du fleuve
Critique de Fee carabine (, Inscrite le 5 juin 2004, 50 ans) - 9 octobre 2004
Sahkti a bien résumé l'intrigue du "Sentiment du fleuve" dans sa critique: la quête de Jérome Mortensen, sur les traces du mystérieux oncle Isaïe. Et en marge de cette quête, il y a le fleuve du titre, dont je me suis longtemps demandée où il était resté caché: vision fantasmatique du flot des souvenirs, transmis d'une génération à une autre, ou vision fantasmatique de la Senne qui coule, oubliée, sous les pavés bruxellois... Un livre à la lecture entraînante, très agréable, et où des interrogations, des émotions affleurent, se dérobent puis affleurent à nouveau...
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