Quand tu écouteras cette chanson de Lola Lafon
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Une bouleversante confession
Comme son nom l’indique, la collection très originale « Ma nuit au musée» des Editions Stock offre à des écrivains l’occasion de décrire leur expérience nocturne en face à face solitaire avec un patrimoine pictural ou musical dont l’abondance et la richesse ne leur permet guère pour autant d’en faire le tour en quelques heures seulement.
Rien de tel avec le choix exprimé par Lola LAFON de « visiter » sous ce régime de faveur l’annexe de l’entreprise de son père où Anne Frank a vécu confinée plus de deux ans avant d’être arrêtée par la Gestapo et de mourir à Bergen-Belsen ; les lieux ont certes justifié la création du Musée Anne FRANK, mais l’annexe ne recensant que très peu de vestiges, l’auteure s’est trouvée devant un vide vertigineux qu’elle a comblé à la lumière de ses propres origines juives et de son parcours de jeunesse chavirée, pour elle aussi, sous la dictature de Ceausescu.
Comme Anne FRANK, Lola LAFON a tenu un journal intime et s’est toujours sentie très proche de cette adolescente que sa grand-mère lui avait conseillé de ne jamais oublier et dont elle lui avait remis une médaille souvenir, religieusement conservée.
On comprend aussi en lisant ce livre bouleversant la prédilection de cette auteure pour les thèmes relatifs à l’adolescence, déjà développés de façon magistrale dans « La petite communiste qui ne souriait jamais » ou dans « Chavirer ».
C’est donc un ouvrage un peu hybride entre l’essai et l’autobiographie que nous propose Lola LAFON : un cocktail d’une grande délicatesse à savourer lentement avec une émotion croissante au fil des pages pour arriver à l’acmé du dernier chapitre dévoilant au lecteur le sens du titre énigmatique « Quand tu écouteras cette chanson » A lire absolument.
Les éditions
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Quand tu écouteras cette chanson
de Lafon, Lola
Stock / Ma nuit au musée
ISBN : 9782234092471 ; 19,50 € ; 17/08/2022 ; 250 p. ; Broché
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La souffrance en héritage
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 22 février 2024
Au début, ce qui semble rassembler l’autrice et l’adolescente, c’est le besoin d’écrire. Pourquoi écrit-on ? Car, ce n’était pas seulement un journal intime qu’Anne écrivait, elle avait lu ou entendu que les autorités demandaient aux gens d’écrire pour ne pas oublier, pour être publiés. Anne ne tenait pas seulement son journal intime, elle écrivait pour être publiée et lue. Pendant ses deux années d’enfermement, elle écrivit six cahiers dans lesquels elle reprenait,annotait, travaillait ses textes.
" Aucune édition, dans aucun pays, ne fait mention du travail de réécriture d’Anne Frank elle-même. Le Journal est présenté comme l’œuvre spontanée d’une adolescente."
Puis Lola révèle un autre point commun, sa judaïté. Ses grands-parents ont fui la Roumanie de Ceaucescu, pour la France, pays de la liberté ; comme la famille Frank quittait l’Allemagne pour les Pays-Bas, où ils pensaient être libres, pouvoir s’intégrer, en gommant leurs différences, leurs accents, leurs coutumes, mais où toujours perdure l'anti-sémitisme..
Lola révèle le poids de ce passé, son anorexie comme épreuve due à ceux qui ont souffert avant elles dans la souffrance .
" Naître après, c’est vivre en dette perpétuelle. Chaque enfant sera un miracle. Il aura le devoir d’être sur-vivant…. Le ravage, dans ma famille, s’est transmis comme ailleurs la couleur des yeux."
Il faudra attendre les dernières heures passées dans l’Annexe pour que Lola puisse entrer dans la chambre d’Anne ; et qu’elle confie le poids de son héritage du passé.
Un très beau récit, où j’ai découvert le rôle et la ténacité d’Otto, le père, seul survivant, dans la parution du Journal. Et je ne peux qu’être écœurée par le mercantilisme de la société ; écœurée aussi par les théories négationnistes.
Une très touchante confession de l’autrice, de son passé, si lourd, mais aussi de son présent.
Une beau livre pour une belle collection de Ma nuit au musée.
Et les phrases étonnantes d’une adolescente si jeune et déjà si lucide dans un paragraphe, écrit le 3 mai 1944, qui étonnamment n’est pas passé à la postérité :
" On ne me fera pas croire que la guerre n’est provoquée que par les grands hommes, les gouvernants et les capitalistes, oh non, les petites gens aiment la faire au moins autant, sinon les peuples se seraient révoltés contre elle depuis longtemps ! Il y a tout simplement chez les hommes un besoin de ravager, un besoin de frapper à mort, d’assassiner et de s’enivrer de violence, et tant que l’humanité entière, sans exception n’aura pas subi une grande métamorphose, la guerre fera rage, tout ce qui a été construit, cultivé, tout ce qui est s’est développé sera tranché et anéanti, pour recommencer ensuite ! "
Une lecture qui ne peut laisser indifférent
Critique de Mimi62 (Plaisance-du-Touch (31), Inscrit le 20 décembre 2013, 71 ans) - 10 décembre 2023
L'auteur a eu un parcours de vie assez accidenté (vie sous Ceaucescu - Origine juive) et cette nuit répond à un besoin pour elle de se confronter aux traces d'une vie qui, par certains aspects, évoquent la sienne. Cette nuit posera également d'autres questions sur une philosophie de la vie, sur le sens que l'on peut y donner.
Plus qu'un regard sur la vie d'Anne Franck c'est une réflexion sur les décisions à prendre dans une vie, sur les contextes des décisions.
En conclusion, davantage un roman "philosophique" qu'un roman narratif Un livre dont ont sort plus riche, inévitablement avec un questionnement sur son propre chemin de vie passé ou à venir. On ne peut en sortir indifférent.
entre essai et roman
Critique de CHALOT (Vaux le Pénil, Inscrit le 5 novembre 2009, 76 ans) - 9 mars 2023
de Lola Lafon
éditions Stock
250 pages
août 2022
Il est difficile de classer cette œuvre qui est à la fois un essai et un roman.
Le tout écrit avec talent dans une écriture fluide, accessible.
L'auteure fait partie de ces personnes qui ont, comme elle l'explique avec émotion, un arbre généalogique déchiré. Nombre de ses ascendants et membres de sa famille sont morts en déportation, d'autres n'ont pas été effacés directement, ils ne sont pas nés.
Auteure, elle a envie de savoir, de connaître puis d'écrire sur cette Anne Frank dont elle a lu comme des millions de personnes dans le monde, l'unique œuvre ; le journal d'Anne Frank.
Cette jeune fille juive qui vivait avec sa famille à Amsterdam n'a eu le temps que de nous transmettre un seul livre, son journal qui fut retrouvé après la guerre.
Elle et sa sœur sont mortes en déportation.
L'auteure dans sa recherche du pourquoi a décidé de passer une nuit dans ce qu'on appelait l'annexe, le lieu où Anne Frank se cachait avec d'autres personnes.
Comment ont ils vécu ?
D'abord, précisons que si beaucoup de personnes ont collaboré avec les nazis, d'autres moins nombreux mais courageux et efficaces comme ces cinq employés du père d'Anne ont montré un courage exceptionnel en protégeant clandestinement cette famille.
Cette adolescente a durant ces longs mois écrit tous les jours son journal.
Lorsque cette cache a été découverte par les nazis, les deux filles et les six autres occupants ont été déportés. Les deux sœurs Frank et le premier et dernier amour d'Anne perdront la vie dans des conditions effroyables.
A la Libération le manuscrit sera découvert.
Il connaîtra de nombreuses éditions différentes.
Les États Unis s'y mettront aussi, gommant certains passages, notamment ceux relatifs à la sexualité naissante de cette toute jeune fille qui raconte tout.
Ce livre ne contient pas l'histoire de cette jeune écrivaine au destin tragique, il nous emmène plus loin, sur le chemin d'une réflexion philosophique sur la vie, la destinée et sur la nécessite de combattre la dictature sous toutes ses formes.
Les négationnistes ont osé nier l'existence d'Anne et d'autres ont cherché à faire croire que seuls certains connaissaient l'existence des camps d'extermination.
Le 9 octobre 1942, la jeune fille n'a t-elle pas écrit sur son journal :
« Nos nombreux amis et connaissances juifs, sont emmenés par groupes entiers ,.... On les transporte à Westerbork dans des wagons à bestiaux... Nous supposons que la plupart se font massacrer. La radio anglaise parle d'asphyxie par le gaz. »
Jean François Chalot
Une autre découverte d'Anne Frank et un hommage aux exilés
Critique de Psychééé (, Inscrite le 16 avril 2012, 36 ans) - 11 janvier 2023
Durant cette nuit, elle fait le récit d’Anne Frank comme on la connaît trop peu. Elle évoque sa soif de livres et de connaissances, son quotidien, ses angoisses mais aussi les négationnistes de son existence, les exploitations qui ont été faites de son journal et ses diverses adaptations selon les pays pour coller à la culture locale. Si au début son père Otto, seul survivant de la famille, hésite à lire son journal, il sait aussi que sa fille désire être lue.
Cette nuit au musée à revivre l’histoire d’Anne, c’est aussi l’occasion pour Lola d’affronter enfin son histoire d’exilée, celle qu’elle a souhaité ignorer pendant des années car trop lourde à porter. Cette nuit, c’est l’occasion de rassembler ses souvenirs, de réunir les objets auxquels elle tient tant et de les lier entre eux. C’est aussi le moment de se pencher sur le passé de sa famille, de sa grand-mère et sur une part d’histoire que tout un peuple a partagé.
Ce récit est incroyablement puissant. Au début, je souhaitais le lire d’une traite, comme cette nuit que Lola Lafon a passée au musée. Et finalement, il est tellement intense et chargé en émotions qu’il vaut mieux prendre son temps. C’est à la fois une autre découverte d’Anne Frank et un devoir de mémoire rendu à de nombreux exilés. Terriblement émouvant et nécessaire.
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