La dernière leçon de Noëlle Châtelet
Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances
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Préparer sa mort
"Tu m’apprenais ta mort comme tu m’avais appris à manger et à écrire, me corrigeant, me reprenant, prête à voler à mon secours, prompte à me soutenir."
Ce livre, c’est un peu comme une lettre, un échange entre une femme et sa mère à laquelle s’adresse. Un moyen de faire son deuil en quelque sorte ou en tout cas d’essayer. Mais le deuil a ses mystères et peut parfois prendre son temps, des mois, des années, une éternité… D’ailleurs, peut-on faire un jour le deuil de sa maman ? C’est une question que je me pose encore et dont la réponse me semble être non.
Noëlle Châtelet nous raconte le parcours de sa mère, Mireille Jospin, une dame âgée de 92 ans qui décide de mettre fin à ses jours et demande l’aide de ses enfants pour accomplir son geste. Une demande que le lecteur ne comprend pas tout de suite, la dame n’est pas malade, pourquoi veut-elle partir ? Par dignité, parce qu’elle se sent fatiguée, parce qu’elle veut épargner aux siens le spectacle d’une déchéance annoncée.
La préparation de cette mort semble par ailleurs bien calculée, par moments plutôt froide, on établit un calendrier, il faut penser à tout, comme si on s’apprêtait à organiser des noces ou un anniversaire et que la fête se doit d’être parfaite. Sentiment de malaise qui étreint le lecteur, voguant entre impudeur et voyeurisme, d’autant plus que Noëlle Châtelet a le sens du détail et raconte tout, nous entraînant avec elle au plus profond de l’intimité.
Une étape apparemment nécessaire pour que le lecteur se sente heurté, voire révolté contre cette demande qui paraît au premier abord incongrue. Une fois cette tension installée (ce que Noëlle Châtelet semble avoir aussi planifié), elle nous permet ensuite de faire connaissance avec sa maman, de nous la raconter, nous la dépeignant souvent sous un jour humoristique. On s’attache à cette femme et cela finit par amplifier le sentiment de malaise. On ne veut pas qu’elle parte et il y a encore et toujours cette impression de violation d’intimité. Noëlle Châtelet a besoin d’étaler sa vie et celle de sa maman, c’est légitime, mais il s’en dégage une impression d’emprisonnement du lecteur, pris au piège de la réalité qui se profile.
Il faut absolument dépasser ces contraintes et réussir à se plonger tout entier dans ses pages, dans la beauté de l’hommage qu’elles renferment.
Car c’est une lettre d’amour, une merveilleuse tendresse et l’expression d’un manque, d’une blessure. Petit à petit, le lecteur prend du recul, il sent que Noëlle Châtelet a besoin de déposer sa pensée, de vider son cœur, qu’elle le prend à témoin pour qu’il comprenne la richesse qui était celle de la relation qu’elle entretenait avec sa maman. Alors très vite on excuse le voyeurisme et l’impudeur, l’émotion revient au galop, on accompagne cette femme généreuse dans ses derniers instants et on a envie de pleurer dans les bras de sa fille. En lui disant qu’on la comprend. Bien plus qu’elle ne l’imagine.
Les éditions
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La dernière leçon [Texte imprimé], récit Noëlle Châtelet
de Châtelet, Noëlle
Seuil
ISBN : 9782020592581 ; 15,20 € ; 28/08/2004 ; 180 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (12)
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Lucidité amoureuse
Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 85 ans) - 1 février 2015
Ensuite je m'étonne de constater que les commentaires sur ce livre proviennent de lectrices (11 sur 12, si je ne me trompe pas). Les femmes seraient-elles plus sensibles que les hommes à l'idée de la mort? Et puis je me dis que ce livre est plus la réaction d'une fille au projet de sa mère qu'un travail sur la "mort choisie" elle-même. Et je me pose la question, sans y apporter une réponse définitive. Du coup, je me trouve plus proche du jugement de Tistou, le seul homme jusqu'ici à commenter le livre, et trouve le style et le vocabulaire employés un rien trop ampoulés. J'aurais préféré plus de réserve, de frugalité, de sécheresse même, comme le dit Tistou.
une vraie leçon
Critique de Sofbad (, Inscrite le 23 juillet 2012, 62 ans) - 24 juillet 2012
Quel intérêt de continuer à vivre, si l'on n'a plus ses facultés... et encore plus si l'on souffre.
L'homme doit rester Libre !
et puis je trouve que l'Homme est très hypocrite sur cette question de fin de vie et d'euthanasie, puisque cela crée débat, mais que tous les gens qui ont des animaux préfèrent abréger les souffrances de ceux ci lorsqu'ils sont atteints de maladies incurables et souffrent.
Ce livre nous montre que certains souhaitent ne pas se dégrader ni souffrir, rester digne jusqu’à la fin, et que la mort ne doit pas être obligatoirement l'oeuvre de dieu.... surtout pour les non-croyants !
A LIRE
Critique de Hibou (, Inscrite le 28 décembre 2009, 49 ans) - 21 mai 2010
Ce livre est véritablement bouleversant. En véritable récit épistolaire posthume adressé à sa mère, celle-ci lui décrit les variations de ses états d’âme produites par l’annonce de sa mort. C’est ce paradoxe inéluctable qu’a bien compris l’auteur : garder au nom de l’amour sa mère auprès de soi va contre l’amour pour elle. Et il donne toute la saveur et le sel à ce récit. La mère transmet, de par sa mort, une véritable leçon d’amour à sa fille. Car ce qu’il y a de plus remarquable dans ce récit c’est le soutien sans faille de cette mère à sa fille. L’auteur insiste souvent d’ailleurs sur la photo que lui a transmise sa mère peu avant de mourir : celle-ci est accroupie, parmi les herbes hautes, avec les bras de sa mère qui la soutiennent en arc boutant. Ce symbole éclaire tout le récit. Quoi de plus enveloppant que de soutenir sa fille jusqu’à faire avec elle le travail de deuil inéluctable avec sa mort réelle. Jusqu’au bout elle va à doses homéopathiques tenter de l’habituer à ses absences par de multiples signes ; changement de rituel aux anniversaires, transmission d’objets symboliques, réglementation des visites… Sage femme on en saisit ici toute la force : dans le dernier lien qui l’unissait à sa fille elle met toute la grâce et l’art dont elle procède pour accoucher une ultime fois de sa fille. Jamais une seule fois le terme de suicide est prononcé. Car ce livre tord le cou à l’idée reçue qui voudrait que la mère, égoïste se retire brutalement de la vie sans tisser les filets de sécurité nécessaires à la survie de ses proches.
Emouvant
Critique de Mcchipie (, Inscrite le 16 mai 2007, 47 ans) - 27 novembre 2009
" Quelques jours à peine avant que tu nous quittes, nous avons été toutes deux prises d'un fou rire à propos d'un détail tellement prosaïque concernant ta mort. /.../ Ce jour-là, donc, comme chaque fois que nous avons ri ensemble de quelque chose qui aurait dû nous faire pleurer, je t'ai dit, redevenant sérieuse - C'est inouï ce qui est en train de se passer, maman. Incroyable ce que tu me fais faire. Le chemin... Le chemin que tu me fais parcourir... - Oui, c'est vrai, as-tu répondu, toute pensive. - Il faut... Il faudrait le raconter ! Que d'autres que moi... je crois que... je voudrais l'écrire... " Noëlle Châtelet aborde ici le douloureux sujet de la fin de vie: la mort volontaire de sa propre mère qui lui inspire ce récit initiatique d'une beauté puissante et lumineuse. Prix Renaudot des Lycéens, 2004
Mon avis : Un récit poignant. Noëlle chatelet raconte avec des mots justes le travail de deuil avec une mort annoncée. On ne sait pas quand elle aura lieu, mais on sait que c'est bientôt. Que c'est bientôt que ce proche va mettre un terme à sa vie. Comment se prépare t on? Y est on jamais vraiment préparés?
L'auteur décrit son cheminement personnel jusqu'à la mort de sa mère. Beaucoup d'émotion dans ce récit.
Je ne veux pas juger du geste de la mère de l'auteur qui est aussi celle de l'ancien premier ministre français Lionel Jospin, car ce n'est pas la le sujet. Reste que je ne sais pas si j'aurais pu y faire face comme l'auteur.
ce sera le 17 OCTOBRE
Critique de Tyty2410 (paris, Inscrite le 1 août 2005, 38 ans) - 10 mars 2009
ce livre est plein de simplicité , chaque mot s'accorde avec le précédent . On voit également la colère , la non compréhension s'en aller pour laisser place à des sentiments plus doux .
l'auteur aidera sa mère dans tous les préparatifs de son départ , et fera alors sans s'en rendre compte ce travail de deuil que normalement on fait une fois la personne décédée. La chose se révélera être un grand moment de partage mère fille .
Ce livre nous offre un autre regard sur le droit à mourir. Les sentiments sont tellement décrits avec exactitude , simplicité on assiste à un flot de sentiments et d'émotions
A lire .
la lettre d'amour d'une fille pour sa mère
Critique de Wakayoda (, Inscrite le 12 septembre 2007, 44 ans) - 14 avril 2008
C’est surtout une lettre d’amour d’une fille pour sa mère. Elle explique son adoration pour ce personnage qui lui a donné la vie et comment elle passe de la négation à l’acceptation de sa mort. Elle parvient à ne pas flancher devant sa mère et à lui donner des bons moments de vie avant son départ.
Ce sont deux personnages charismatiques :
- La fille pour la force de sa réflexion qui l’amène à la compréhension du geste de sa mère et à l’aider
- La mère pour vouloir partir de cette vie qui ne peut lui apporter que de la fatigue. Elle ne veut pas embêter, chagriner son entourage. Elle me fait l’effet de la petite souris qui va dans son trou pour être discrète. Mais quel personnage !!!!!! Quel courage !!!
C’est un livre très poétique, une belle leçon de vie ou la démonstration nous montre comme la naissance et la mort sont indissociables. C’est un livre d’une grande beauté, très triste mais qui vaut le détour. Il est court donc assez vite lu. De nombreuses réflexions méritent d’être écrites car elles sont splendides.
Dernier acte
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 4 octobre 2006
La mère de Noëlle Chatelet est âgée de 92 ans. Elle fût sage-femme (en fait elle l’était encore puisque j’imagine qu’on ne quitte pas un tel métier). Se sent-elle pour autant autorisée à s’ôter la vie au nom de toutes celles qu’elle a aidées à naître ? Oui, apparemment, et pourquoi pas ? C’est bien de sa vie dont il est question.
Là où la chose devient plus rare, c’est qu’elle éduque, « donne la leçon » (au sens du maître d’armes qui donne jusqu’au bout la leçon à son élève), à sa fille pour que celle-ci accepte et puisse vivre avec ce fardeau : sa mère a choisi de mourir, la date de sa mort et l’a organisée. Sans y être contrainte par une souffrance intolérable ou une impossibilité à continuer à vivre. Mais pour ne pas laisser une dégradation jugée intolérable la gagner. C’est là que la « leçon » s’avère délicate.
« Quelques jours à peine avant que tu nous quittes, nous avons été toutes deux prises d’un fou rire à propos d’un détail tellement prosaïque concernant ta mort …
- C’est inouï ce qui est en train de se passer maman. Incroyable ce que tu me fais faire. Le chemin … Le chemin que tu me fais parcourir …
- Oui, c’est vrai, as-tu répondu, toute pensive.
- Il faut … Il faudrait le raconter ! Que d’autres que moi … Je crois que … je voudrais l’écrire …
Tu as pris ton air de sage-femme. Celle qui sait le bon moment des choses en devenir.
- Tu penses que c’est important ? Que ce pourrait être utile ? »
Voilà pour la genèse de l’écriture de « La dernière leçon ». C’est presque plutôt une manière d’exorcisme, de partage du fardeau.
L’écriture est sans reproche, belle et fluide mais il me semble que le verbe est trop abondant là où plus de sécheresse aurait moins noyé le contexte. Là où une Alice Ferney dans ce genre de registre maîtrise l’abondance et fait mieux apparaître le fil directeur, Noëlle Chatelet nous noie un peu. M’a noyé un peu.
émouvant
Critique de Klimt (, Inscrite le 13 janvier 2006, 53 ans) - 23 février 2006
En fermant ce livre, je me suis dit que je ne pouvais pas quitter ce monde sans avoir donné la vie.
Quelle merveilleuse relation mère-fille, j'ai d'ailleurs envié leur relation.
Belle et fluide écriture.
Dernière leçon de vie pour apprendre la mort.
Critique de Voni (Moselle, Inscrite le 1 septembre 2005, 64 ans) - 21 octobre 2005
La mère de l’auteure, à 92 ans, ne l’a pas seulement dit, elle l’a fait. Et pas sur un coup de tête puisqu’elle a veillé à organiser et à préparer ses enfants à cette grave décision de passage à l’acte.
D’abord en révolte un long moment tant qu’elle considérait qu’il s’agissait d’une décision égoïste, Noëlle Châtelet est parvenue petit petit à considérer dignement cette volonté grâce à cet apprentissage méticuleux du détachement et de l’absence orchestré par sa mère. Ce qui n'a vraiment pas été aisé tant "l'amour de la fille pour sa mère était idolâtre et obsessionnelle sa crainte de la perdre".
Un dernière leçon de vie qui apprend la mort.
Un profond respect car, pour moi, être capable de préparer ses enfants à sa propre mort est véritablement un acte d'amour.
un suicide prémédité
Critique de Aura (ESSIGNY LE GRAND, Inscrite le 28 mars 2005, 75 ans) - 7 avril 2005
Comment des enfants peuvent-ils ne pas réagir devant une telle annonce et laisser leur mère préparer son départ.
Nicole Chatelet nous raconte ces instants avec sérénité, comment peut-elle faire ?
Pourquoi la justice française n'a-t-elle pas attaqué Noelle Chatelet ainsi que Lionel Jospin pour non assistance à personne en danger alors que celle-ci ne s'est pas gênée pour accuser madame Humbert de meurtre avec préméditation.
y a-t-il plusieurs sortes de français ?
Ceux qui sont haut placés et intouchables et le français moyen auquel on ne laisse rien passer.
Beaucoup d'émotions
Critique de Agnes (Marbaix-la-Tour, Inscrite le 19 février 2002, 59 ans) - 26 janvier 2005
Cette lettre est magnifique, je comprends très bien le besoin qu'a éprouvé l'auteur d'écrire pour exorciser, j'aimerais être capable d'en faire autant. Je pense en effet que l'on ne fait jamais totalement le deuil de sa maman, mais le fait de pouvoir l'accompagner tout en douceur aide à dédramatiser la disparition.
J'ai compris d'emblée le pourquoi du désir de cette vieille dame d'en finir sobrement, dignement et au moment choisi par elle. Ne pensez vous pas que l'on peut être fatigué de vivre quand arrive l'impossibilité de vivre comme on en a envie, comme on a toujours vécu ?
Je trouve sage cette décision de prendre le temps de s'organiser et de parler de son départ, elle aussi devait se sentir rassurée de partir en sachant que ses enfants avaient compris.
J'ai parlé de cette lecture à ma grand-mère de 85 ans, avant même que je termine ma phrase résumant le texte, elle avait compris, et j'ai senti que cette idée avait déjà germé en elle, peut être en reparlerons nous quand elle sentira le moment venu, je n'en serais pas étonnée du tout.
En tout cas, tant au niveau du décès de ma maman qu'au niveau de la vie de ma grand-mère, je me suis identifiée totalement à l'auteur et je pense que j'aimerais effectivement pouvoir accompagner mes proches sur cette route, et j'espère pouvoir en faire autant lorsque j'éprouverai cette lassitude de la vie. Enfin, pour l'heure, je ne suis pas pressée !
La dignité
Critique de Cuné (, Inscrite le 16 février 2004, 57 ans) - 5 décembre 2004
Noëlle Chatelet passe par toutes les étapes d'acceptation, de révolte, de peur, d'angoisse et de refus face à un évènement aussi important.
Pas à pas, avec elle, on vit tout ça.
J'étais un peu agacée dans ma lecture par ce centrage sur elle-même, et ce besoin d'interprétation omniprésent, quid des autres membres de la famille, qui sont tellement partie prenante aussi.
Mais est survenue la petite fille en elle qui pleurait le soir dans son lit à l'idée que sa mère mourrait un jour, et elle m'a emportée là avec elle.
J'ai terminé le livre en pleurant réellement, je ne suis pas sûre que ça m'aidera moi-même à faire face un jour au deuil de ma mère, mais ça m'a touchée profondémment.
L'écriture est très épurée et sans effets de style, ce récit tout entier est très digne, forcément enrichissant.
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le suicide des personnes agées | 2 | Aura | 7 avril 2005 @ 20:46 |