Ma vie de cafard de Joyce Carol Oates

Ma vie de cafard de Joyce Carol Oates
(Curly Red)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Monocle, le 19 septembre 2022 (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 65 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 766ème position).
Visites : 2 008 

Un des meilleurs Oates

MA VIE DE CAFARD de Joyce Carol Oates
"Points 2021 - traduit de l'anglais US 2020" 456 pages


En Novembre 1991, Violet Rue a douze ans. Une petite fille timide qui vit avec ses sœurs et ses frères, de grands adolescents turbulents.
Ils vivent près des chutes du Niagara si chères à l'auteure.
Elle dira "Nous étions Jerome Junior, et Miriam, et Lionel, et Les, et Katie, et Rick, et Violet Rue – « Vi’let ». « Bon Dieu ! Une vraie section d’infanterie."
Une famille irlandaise, catholique, fière : les Kerrigan
Et puis un jour le malheur s'invite : Les garçons sont en virée dans l'auto paternelle avec des cousins. Ils ont beaucoup bu, et comme dit le père, un irlandais quand il boit c'est pire !
Dans l'ivresse ils accrochent un cycliste, une jeune garçon noir et eux ils sont blancs. Ils sont blancs et ivres alors il frappent l'homme à terre. Un de la bande a la mauvaise idée d'amener sa batte de base-ball, alors ils tapent encore plus fort, alors ils tuent.
Puis s'en vont.
Le lendemain l'alcool dissout lentement son voile. Les garçons parlent entre eux de leur forfaiture, ils ne prennent pas garde, Violet Rue entend leur propos et cela la rend perplexe.
Un jour à l'école où elle n'est plus la même, Violet Rue s'effondre. Les services sociaux débarquent, interrogent habilement la gamine qui balbutie ce qu'elle sait du meurtre de ses frères.
C'est là que commencera sa vie de cafard.
Écartée de sa famille, elle sera envoyée chez une tante avec ordre sous-jacent de se faire oublier à lamais,

Joyce Carol Oates réussit un tout grand roman. Tout y est pour tenir en haleine le lecteur. Tout les ingrédients y sont pour un chef d’œuvre. Certains parlent d'un roman mosaïque et le terme est bien choisi. Le texte est fragmenté en des chapitres courts et accrocheurs.

Violet Rue verra les années qui passent, ses frères sont en prison. L'un d'eux a été tué par un gardien lors d'une mutinerie. Violet reçoit des nouvelles par sa sœur Katie. Son nom est interdit, c'est elle la coupable et ses pauvres frères les victimes. Alors elle compte les années car elle sait qu'à leur libération les garçon viendront se venger. Comment vivre avec ses souvenirs et cette menace ?

Joyce Carol Oates analyse les souffrances de Violet, mais aussi comment elle s'est émancipée de l'emprise familiale pour partir en quête de sa propre identité. En définitive, c'est une vérité douloureuse qui parcourt ce roman sombre et sensible: les émotions les plus tendres peuvent changer en un instant. Vous pensez que vos parents vous aiment ? Êtes-vous bien certain que c'est vous qu'ils aiment, et pas juste l'enfant qui est le leur ?

Et puis voilà la mort de père. Le père, c'est la loi, l'autorité. Sans lui Violet tentera-t-elle une timide percée dans ce qui reste de la famille ?

Un tout grand roman, d'une folle sensibilité ! Une merveille

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Trahir est plus grave que tuer

10 étoiles

Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 53 ans) - 18 mars 2025

C’est d’abord l’histoire d’un crime qui bouleverse la vie d’une famille. Ce thème a déjà été abordé dans « Un livre de martyrs américains ». Ici, dans une famille américaine de 7 enfants, les ainés ont commis un crime raciste. Ils ont pu être arrêtés grâce à des renseignements fournis aux enquêteurs par la propre sœur cadette de la famille, la petite dernière, 12 ans.

Aux yeux des parents, pour qui la solidarité familiale est une valeur suprême, dénoncer un membre de sa propre famille est la trahison ultime, impardonnable. Pour avoir osé ainsi cafardé ses meurtriers de frères, elle a été exclue par sa famille, « exilée ». Comme si cette sœur était plus coupable que ses frères, comme si ce qui a été vécu comme une trahison était plus grave que d’avoir tué quelqu’un.

Tout le premier tiers du livre y est consacré et c’est proprement édifiant, formidable, avec un suspense incroyable. Rarement j’ai lu un récit aussi bien amené et aussi addictif.

Les deux tiers restants racontent la longue errance affective et émotionnelle de la petite sœur de 12 ans, exilée de sa famille du jour au lendemain, durant les années qui suivront, dans son adolescence et sa jeune vie d’adulte, remplie de la tristesse immense de ne plus faire partie de sa famille et de la culpabilité énorme d’en avoir été la cause, selon son point de vue. Une vie de cafard, quoi !

Cette partie aborde aussi le racisme, les relations entre blancs et noirs, la violence surtout sexuelle des hommes envers les femmes. C’est un livre dur, très adulte et très bien raconté, dans un style qui rappelle celui de Stephen King. L’auteure raconte son histoire en restant toujours au plus près de ses personnages, sans besoin d’explications sociologique, théoriques, psychologiques. Tout ce que ses personnages vivent se suffisent à eux-mêmes et le lecteur sait les comprendre par lui-même. L’auteur montre simplement les faits, les pensées et les émotions et je dois dire que c’est diablement bien maîtrisé. Joyce Carol Oates connaît son métier sur le bout des doigts !

Je regrette juste que la fin ne soit pas plus poussée, car il y avait matière à écrire une conclusion plus définitive que celle donnée par l’auteure, trop ouverte. Mais bon, c’est son choix et on peut bien lui pardonner ça, au vu de tout ce qu’elle a su nous offrir, c’est-à-dire un roman d’une excellente facture, intéressant de bout en bout.

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