Baltimore: Une année au coeur du crime de David Simon

Baltimore: Une année au coeur du crime de David Simon
(Homicide : a year on the killing streets)

Catégorie(s) : Littérature => Policiers et thrillers

Critiqué par Sundernono, le 30 juin 2022 (Nice, Inscrit le 21 février 2011, 41 ans)
La note : 9 étoiles
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Passionnant

Quatrième de couverture : « Baltimore, fin du siècle dernier. Une des villes au taux de criminalité le plus élevé des États-Unis. Journaliste au Baltimore Sun, David Simon a suivi pendant un an, jour après jour, les inspecteurs de l’unité des homicides de la ville. Depuis le premier coup de fil annonçant un meurtre jusqu’au classement du dossier, David Simon était là, inlassablement, derrière l’épaule des enquêteurs, sur les scènes de crime, dans les salles d’interrogatoire, au service des urgences. Durant de longues heures, il a partagé jour et nuit leur quotidien dans les rues de la ville, aux marges de la société. Des tensions raciales aux circuits de la drogue, en passant par les décisions politiques, judiciaires et administratives, parfois aberrantes, David Simon passe en revue chacun des aspects du crime à Baltimore. Et c’est avec une empathie rare, un réalisme et un sens du détail exceptionnels qu’il nous offre ce portrait profondément humain d’une cité à la dérive. »

Pour les lecteurs non avertis, David Simon n’est plus ni moins que le réalisateur de l’excellente série The Wire, sur écoute en VF, une série particulièrement marquante. Celle-ci entièrement visionnée, tout naturellement je me suis tourné vers l’œuvre littéraire et en aucun cas je n’ai eu à le regretter. Et pourtant l’épaisseur du pavé pourrait en dissuader certains mais les pages défilent à grande vitesse tant la lecture est plaisante. Il faut dire que cette année au cœur du crime à Baltimore regorge d’intérêts : le fonctionnement des différentes unités de la police, plus particulièrement la Crim, les techniques d’investigations, la façon de mener un interrogatoire, le volet psychologique, les enquêtes en elles-mêmes avec en fil conducteur le meurtre de Latonya Wallace, un crime devenu l’obsession d’un des policiers : Tom Pelligrini.
Les inspecteurs constituent l’autre source d’intérêt du roman. David Simon s’attache à chacun d’entre eux, avec beaucoup de recul mais aussi d’humanité. A l’image de The Wire, il est difficile de ne pas s’attacher aux personnages, des hommes qui n’ont rien de fictif. Des hommes avec leurs forces mais aussi leurs faiblesses.
Le style n’est pas en reste. David Simon arrive à restituer l’ambiance générale de cette unité. On s’y croit, oui clairement on se sent presque l’un d’entre eux.

Petit extrait :
« Ils te possèdent.
A partir du moment où t’as eu l’idée, tu es devenu leur propriété. Tu ne le crois pas ; bon Dieu, tu ne l’avais même pas imaginé. T’étais persuadé qu’ils ne t’attraperaient jamais, persuadé que tu pouvais faire couler le sang à deux reprises et t’en tirer comme une fleur. Mais t’aurais dû t’épargner cette peine et composer toi-même le 911. Dès le début tu étais cadeau.
Mais quoi, ça semblait malin sur le moment, non ? T’as eu Ronnie dans la chambre du fond, tu l’as bien planté une douzaine de fois avec ce couteau de cuisine avant de comprendre ce qui lui arrivait. Ronnie a un peu crié, mais son frangin n’a rien entendu, avec la stéréo qui crachait ses beats à fond dans l’autre chambre. Ouais, t’as eu Ronnie pour toi tout seul et, quand t’as repris le couloir pour te diriger vers l’autre chambre, tu t’es dit que le frangin de Ronnie méritait le même sort. Il était encore au lit quand tu l’as surpris, il a regardé la lame comme s’il ne savait pas à quoi elle était destinée.
Alors, tu les as eu tous les deux. T’as eu Ronnie et le frère de Ronnie, et, du coup, t’as récupéré le paquet. Ouais, tu l’as chopé à l’ancienne, la came, ouais, ouais, en tuant pour elle, et maintenant tu devrais être loin, t’aurais déjà dû traverser la moitié de Pimlico et tu devrais être en train de fumer une partie de ce produit durement gagné.
Mais non, tu es toujours planté là, à fixer la main avec laquelle tu as tué. Tu te l’es niquée, la main, tu te l’es salement entaillée quand Ronnie rendait son dernier souffle et que ton couteau est devenu tout glissant. T’étais en train de le planter mais ta main a ripé au-dessus de la crosse et la lame s’est enfoncée profondément dans ta paume. C’est pourquoi maintenant, alors que tu devrais être à l’autre bout de la ville en train de peaufiner ton speech du mec qui sait rien, t’es assis là dans une baraque pleine de macchabés, à attendre que ta main arrête de saigner.
Tu essaies de te nettoyer dans la salle de bain en faisant couler de l’eau fraîche sur la plaie. Mais ça ne sert pas à grand-chose, à peine à ralentir un peu l’hémorragie, c’est tout. Tu essaies de t’envelopper la main dans une serviette de bain, mais la serviette se transforme en bouillie cramoisie sur le sol de la salle d’eau. Tu descends au salon, ta main tachant de rouge le mur de l’escalier, la rampe et l’interrupteur du rez-de-chaussée. Puis tu enveloppes ta main dans la manche de ton sweat, tu jettes ton manteau sur tes épaules et tu pars en courant.
Sur tout le chemin jusqu’à chez ta copine, la pulsation dans ta main te souffle que tu n’as pas le choix, que le saignement ne va pas s’arrêter à moins que tu ne prennes le risque. Tu planques le paquet et change même de fringues, mais le sang continue de pisser. Quand t’arrives à West Belvedere juste avant l’aube, tu te mets à courir vers l’hôpital en essayant de bien réfléchir à ce que tu vas raconter.
Mais ça ne change rien. Ils te possèdent, mec.
Tu ne le sais pas, mais tu étais à eux lorsqu’ils sont arrivés tôt pour relever l’équipe de nuit de vendredi tandis que le soleil se levait sur le dernier jour de cette année pourrie. Ils n’avaient même pas relancé la cafetière lorsque le téléphone a sonné, et c’est le plus vieux, le flic aux cheveux blancs, qui a griffonné les détails sur un récépissé de préteur sur gage usagé. Un double leur a dit l’aiguilleur, aussi les trois les inspecteurs ont-ils décidé de se rendre à Pimlico pour admirer tes œuvres. »

En un mot : magistral.

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Les éditions

  • Baltimore, une année au coeur du crime [Texte imprimé] David Simon traduit de l'anglais (États-Unis) par Héloïse Esquié
    de Simon, David Esquié, Héloïse (Traducteur)
    Points / Points (Paris)
    ISBN : 9782757832950 ; 49,50 € ; 03/10/2013 ; 982 p. ; Broché
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