Disparu d'un trait d'encre de Annie Préaux
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Géographie intérieure
"Je n’ai jamais écrit de polar."
Le roman d’Annie Préaux s’ouvre sur cette déclaration de la narratrice… soumise à un interrogatoire au sujet de la disparition d’un de ses amis, modèle par ailleurs d’un personnage de roman au cœur du présent récit.
Car Aline, la narratrice, si elle n’a pas écrit de polar, est bien romancière.
Le disparu se nomme Alexandre Esse et son personnage, Alexandre Saintclaes. Comme on l’observe, ils gardent le prénom et bien des attributs en commun.
Les protagonistes de l’action relatée comme de la fiction en train de s’écrire, qui seront étroitement liés, ont souffert sinon d’un manque d’affection d’un défaut d’attention de la part d’un père qui s’est donné la mort. Le père réel comme le père fictif étaient artistes, dans le domaine de la peinture à l'encre sur papier.
La narratrice a une sœur adoptive, Hyang Su, d’origine coréenne, qui va jouer aussi un rôle fondamental.
L’important, c’est faire voir ce qui n’est pas visible, a un jour dit Hyang Su à propos de son travail artistique.
Ce qui est remarquable dans ce roman, ce sont les liens qui se tissent entre les personnages de fiction et les personnages du récit, entre la tradition artistique asiatique, coréenne en particulier, et l’art occidental, tant pour éclaircir les maux intérieurs des protagonistes que pour faire avancer l’intrigue.
Autre particularité, une partie de l’action se déroule durant la pandémie de Covid, pour preuve que la vie, les affects, les rencontres ont continué à circuler pendant cette période mondiale inédite.
Un beau roman, le huitième d’Annie Préaux, qui épouse la philosophie du kakemono, laissant bien des choses non dites, non détourées mais livrant suffisamment d’indices, de signes, de correspondances au lecteur qui peut, dès lors, les faire résonner avec son propre vécu pour dénouer des liens intérieurs, respirer mieux, ouvrir son horizon, voyager d’un continent à l’autre de sa géographie intérieure.
Les éditions
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Disparu d'un trait d'encre
de Préaux, Annie
MEO
ISBN : 9782807003149 ; 17,00 € ; 08/03/2022 ; 188 p. ; Broché
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Rayé de l'histoire
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 1 juin 2022
Alors commence le roman que nous lisons, au moment où Aline Esse est interrogée par la police après la disparition de celui à qui elle loue la maison de ses parents. Il s’appelait lui aussi Esse, Alexandre Esse, il était enseignant artiste, elle l’avait accueilli avec plaisir car elle avait un penchant pour la sculpture que son père lui avait fait découvrir quand elle était encore enfant. Alexandre était arrivé juste comme, devant sa feuille désespérément blanche, elle essayait de mûrir un nouveau roman. L’interrogatoire se poursuit sous la forme d’un huis clos qui m’a rappelé un certain film portant cette expression comme titre. Elle n’a rien à dire et pourtant le policier qui semble tout savoir de sa personne et de sa vie, ne la lâche pas. Il pense qu’elle a joué un rôle dans la disparition d’Alexandre Esse, le vrai.
Le roman d’Annie Préaux est un véritable exercice littéraire, une mise en abyme de l’histoire de Roger Claessens et de son fils Alexandre dans la vraie vie d’Aline et de son père et de quelques autres protagonistes de la fiction. Les personnages de cette fiction s’identifient de plus en plus à ceux qu’ils incarnent Hyang Su, devenue Lilli Esse, ressemble de plus en plus à Jinhwa, Alexandre Esse s’incarne de plus en plus dans la vie d’Alexandre Claessens au point de vouloir devenir le successeur artistique de Roger Claessens incarnation littéraire de Roger Esse. Les deux histoires se confondent de plus en plus, les personnages semblent naviguer d’une histoire à l’autre annihilant ainsi le temps qui les sépare pour mieux se confondre dans une seule et même histoire garante d’un temps stable et immuable et des valeurs que représentent la fiction et ceux qui l’ont inspirée.
Ce roman qu’il faut lire avec une grande attention, pour ne pas perdre les protagonistes au cours de leur pérégrination entre les deux histoires, est aussi une aventure dans le monde de la sculpture, de la peinture sur encre, de la laque en Belgique et en Corée. En le lisant, j’ai pensé à ce magnifique livre illustré de Mekeyong Lee dans lequel elle représente dans des peintures à l’encre « Les petites épiceries de mon enfance ». C’est aussi une réflexion sur l’inspiration et la création littéraire et sur la notion de temps dans le récit. Un bel exercice de funambulisme littéraire !
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