Un père à soi de Armel Job

Un père à soi de Armel Job

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Catinus, le 21 février 2022 (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (14 509ème position).
Visites : 2 747 

Excellent, une fois de plus

Imaginez un instant – et particulièrement si vous êtes une lectrice ! – qu’un beau jour, une adolescente d’une vingtaine d’années, que vous ne connaissez ni d’Êve ni d’Adam, vienne vous annoncer qu’elle est … votre fille. A juste titre, vous penseriez que cette personne, Virginie de son prénom, est une fameuse mythomane, une fieffée affabulatrice. Vous qui êtes marié, avez deux charmants enfants et qu’avec votre épouse, vous êtes à la tête d’un entreprise horticole en plein essor. Lors de cette rencontre, cette Virginie vous parle de sa mère, Carole, qui vient de mourir d’un cancer fulgurant. Cette Carole ( qui s’appelle en réalité Michelle, mais ne compliquons pas davantage les choses …) vous considérait comme son seul et unique vrai amour. Maintenant que vous y réfléchissez, vous vous souvenez parfaitement de cette jolie et délicieuse Carole et même du jour ( le seul) où vous avez couché avec elle voici vingt ans, d’où …
Je ne vous en dirai pas davantage. Juste une invitation : plongez-vous dans cet étrange et palpitant roman d’Armel Job qui vous tiendra en haleine jusqu’au bout (comme la plupart de ses autres romans d’ailleurs). La fin des vingt-et-un chapitres se termine à chaque fois par une sorte de grenade, prête à être dégoupillée…
Comme monsieur Job le disait si justement dans un autre de ses récits : « La vie se moque de nous. Tout le temps ! ». C’est encore le cas pour son dernier roman en date « Un père à soi ».

Extraits :

- C’est le meilleur homme que j’aie rencontré de toute ma vie. Il n’a jamais pu faire le méchant plus d’une demi-journée.

- La vie continue. C’est ce qu’on dit en général quand on sait que la vie nous a donné le meilleur, qu’il faudra se contenter du reste, comme on se contente d’une teinture lorsque la couleur naturelle a disparu.

- Pourtant, on doit bien l’admettre : les affections que nous croyons le plus solidement arrimées en nous, tout bien considéré, ne tiennent qu’à un fil.

- La serveuse a apporté les bières, qu’il a réglées d’un coup en lui demandant ce qu’elle comptait faire après son service.
« Je vais à la messe ».

Connectez vous pour ajouter ce livre dans une liste ou dans votre biblio.

Les éditions

»Enregistrez-vous pour ajouter une édition

Les livres liés

Pas de série ou de livres liés.   Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série

Un bon Job

8 étoiles

Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 7 avril 2022

Atteinte d’un cancer en phase terminale, Michelle est aux soins palliatifs et elle se confie à Virginie, une fille un peu paumée qui a la charge de l’entretien de l’institution où la mourante vit ses dernières heures.

Elle évoque l’amour de sa vie, Alban, à l’époque jeune étudiant avec qui elle avait travaillé chez un maraîcher dans le Hainaut. Ce dernier, actuellement père de deux grands enfants, marié à Lydie, est à la tête d’une petite entreprise en région liégeoise.

Après le décès de Michelle, et conformément aux souhaits de la disparue, Alban est contacté par Virginie qui me manque pas de lui faire des révélations, photos à l’appui. Cela bien évidemment ne manque pas de bousculer pas mal de ses certitudes et le train-train de sa vie qu’il sentait déjà proche d’un tournant.

Si l’on retrouve toujours la patte de ce merveilleux enchanteur qu’est Armel Job, on constate que le scénario de ce roman est sans doute un peu moins crédible qu’à l’accoutumée. On a évidemment droit aux rebondissements habituels qui jalonnent les récits de l’écrivain ardennais, mais l’épilogue a été plus pénible à gérer dès lors que trop d’éléments de l’intrigue devaient être assemblés.

L’auteur ne manque de toute manière pas sa cible en nous touchant en plein cœur ; il nous emmène comme d’habitude dans les familles et les sentiments d’humains fragilisés, qui sont en recherche d’eux-mêmes, voire blessés par la vie et qui se débattent entre la nostalgie et la volonté de garder leurs acquis.

C’est cependant toujours un plaisir formidable et une valeur sûre de la littérature francophone belge, même s’il ne s’agit pas du meilleur ouvrage du romancier pour les raisons scénaristiques déjà évoquées.

coup de coeur

10 étoiles

Critique de Nathavh (, Inscrite le 22 novembre 2016, 60 ans) - 4 avril 2022

Alban Jessel a le profil de l'homme heureux. Marié à Lydie depuis plus de vingt ans, deux enfants, Sarah et Axel, une entreprise paysagiste prospère. Tout semble lui sourire jusqu'à un coup de fil étrange un vendredi soir, juste avant la fermeture de l'entreprise.

Une jeune femme,Virginie, veut le rencontrer, c'est privé lui dit-elle. Cela concerne une certaine Michelle Nihoul !
Intrigué Alban accepte. Le nom de cette femme ne lui dit rien et sans savoir pourquoi, il tait ce fait et ne dit rien à son épouse. Il lui prétend qu'il s'agit d'une future cliente.

Mais pourquoi agit-il ainsi alors qu'il partage tout avec Lydie ! L'être humain est parfois étrange...

Ce coup de fil va faire basculer son existence, lui faire prendre un autre chemin. Alban est pourtant un homme sans histoire, mais quoi qu'il fasse, impossible de remonter en arrière sans dommage, c'est étrange la vie!

La jeune fille lui transmet un message de Michelle décédée d'un cancer, celle-ci voulait qu'il sache qu'elle n'a aimé que lui toute sa vie ... Pourquoi cette révélation ? Mais qui est cette Michelle ? Il se remémore alors un bref amour de jeunesse qu'il pensait avoir oublié et qui va modifier le cours de sa vie.

Avec beaucoup de finesse et une écriture riche, Armel Job nous emmène aux tréfonds de l'âme humaine. Il nous parle de nos failles, de nos réactions parfois intuitives qui peuvent changer le cours d'une vie. On réagit souvent sans penser aux conséquences et revenir en arrière, essayer de réparer amène parfois plus de dégâts encore.

Alban et Virginie nous racontent leur histoire, ils se confessent à nous, s'expliquent, donnent leur point de vue, leurs raisons, ils aménagent leur vérité.

Ce roman nous parle des "mensonges" ou plus exactement "des faux-semblants" , des "non-dits", de l'envie de réparation, de ses conséquences sur la vie.

Armel Job a le pouvoir dès les premières lignes de capter notre attention, c'est un fabuleux raconteur d'histoire, impossible de lâcher ce roman. C'est une ambiance un peu à la Simenon dans l'introspection des personnages.

Cerise sur le gâteau, cela se passe à Liège, à la Batte, son marché dominical, on retrouve comme toujours son pays la Belgique en trame de fond avec des références à nos bons produits le chocolat "Galler", la "Lupullus". Il agrémente son récit de l'une ou l'autre expression wallonne marquant ainsi sa Belgitude.

C'est très réaliste, la vie quoi !

Ma note : gros coup de ♥



Les jolies phrases

La mort du couple, tout le monde le sait, c'est le silence.

Le travail des mains, c'est le seul vrai travail.

On change souvent dans une vie et, le plus souvent, pas vraiment pour un mieux. L'âme se déglingue autant que le corps.

Forcément on s'interroge sur le chemin qu'on a laissé derrière soi.

Les gens remarquables, en effet, ont à coeur de ne pas se faire remarquer.

C'est bête l'amour, quand il se présente tout seul, on n'en veut pas. Faut attendre que ceux qui nous aimaient soient de l'autre côté pour qu'on comprenne.

Mais ne t'enterre pas dans le passé, ça ne sert à rien. Il faut aller de l'avant, on n'a pas le choix.

Il ne s'agit pas de leur mentir. Tu n'en parles pas, c'est tout. On a tous des choses que l'on garde pour soi.

On croit avoir bâti une relation sur le roc, que rien ne pourra l'ébranler. Faut-il qu'on soit aveugle ! Il suffit d'une secousse pour que la belle construction se lézarde et peut-être qu'elle s'écroule.

Mais le véritable amour, c'est quand tu es prêt à tout lâcher, à tout bazarder pour la personne que tu aimes. Le reste, c'est ... comment dire ... une sorte de plagiat.

Mais le respect de soi est-il suffisant ? Peut-on vivre sans celui des autres?


Lorsque nous rentrons d'une balade en forêt, nous avons sans le savoir dérangé et écrasé des centaines de vies minuscules sous les feuilles du sentier. Dans la vie, c'est pareil. Ce que retrouvent nos traces, nous l'ignorons. Le jour où, par hasard, un dégât nous revient que nous avons provoqué, nous sommes tentés de rebrousser chemin pour réparer. Le problème, c'est que marcher vers l'arrière cause autant de dommages que de marcher vers l'avant.

Virginie faisait partie des gens qui déclinent leur métier comme on avoue une faute. Les étiquettes pédantes genre "technicienne de surface", "hôtesse de caisse" dont on affuble leur travail, au lieu de les relever, ne font que les abaisser plus encore, puisqu'il semble honteux de désigner leur tâche par son nom.

Avant Carol, j'étais comme un chicon en somme, une racine à laquelle on avait coupé les feuilles. Carol m'avait pris en main, elle m'avait apprêté pour une nouvelle vie, puis elle m'avait quitté, comme on laisse le chicon sous la bâche. Un bourgeon cependant pousse dans l'obscurité, il lève, il est bientôt prêt. Lydie avait soulevé la bâche. Elle n'avait plus qu'à me cueillir.

Quand on ment, on se croit toujours obligé d'ajouter des explications pour faire vrai, dont le résultat le plus sûr est de faire faux.

Nous restions au bord de l'amour, comme des baigneurs frileux assis sur la berge, les pieds nus dans le courant, qui s'éclaboussent en riant, mais qui ne se résolvent pas à se lancer dans la rivière.

Ceux qui se sentent condamnés ne peuvent plus penser à l'avenir, ils vivent seulement dans le passé qui va bientôt les engloutir.

L'amour est un sentiment à la fois le plus altruiste et le plus égoïste qui soit. On se saignerait pour l'être aimé, mais pas question qu'un intrus s'avise de l'aimer lui aussi.

Quand les enfants deviennent adultes, on dirait que le temps tue l'être délicat qu'ils ont été, qui nous procurait tant de joie. A la place, il ne reste que des étrangers.

Le mensonge est un engrenage. Il y va posément, de concession en concession. Aucune n'est décisive. Cependant les cliquets s'abattent sur la roue crantée. Impossible de revenir en arrière.
Ou, si l'on veut, c'est comme si le vrai et le faux étaient sur une balance. Au début, le plateau du faux est vide. On n'y place d'abord que d'insignifiants ingrédients, qui ne font pas le poids. Jusqu'au jour où un dernier, minuscule pourtant, fait basculer le plateau de la vérité. J'ai lu que la pièce à laquelle sont suspendues les plateaux s'appelle le fléau. C'est bien trouvé.

Avoir un secret, me disait-elle, c'est le bien le plus précieux que tu puisses posséder. C'est comme si tu avais un trésor en toi, que personne ne saurait t'enlever. Quand tu n'es pas bien, tu peux toujours y penser, il te console. Tu as un soleil dans ton âme.

Un enfant qui s'interpose entre ses parents quand ils ont un différend sait très bien qu'il met la main entre l'écorce et l'arbre. Ça peut lui faire plus mal à lui qu'à eux.

La mort est facile, l'existence est difficile.

La vie des morts ne leur appartient plus, elle appartient aux vivants.

Notre amour avait perdu des plumes, mais ce plumage était-il autre chose que la parure du couple idéal, qui s'imagine au-dessus du lot commun fait de hauts et de bas.


https://nathavh49.blogspot.com/2022/04/…

Une histoire plaisante

7 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 4 mars 2022

Alban, ce père de famille bon comme du pain blanc, va se découvrir une fille qu'il aurait conçue avant son mariage avec Lydie. Sa paternité tombée du ciel le bouleverse et cet homme si tranquille va glisser peu à peu vers des interrogations sans fin.
Il s'ensuivra une suite de péripéties qui mettra le feu à la vie de tous les protagonistes de cette histoire.
L'épouse, tant aimée, voit d'un œil énigmatique cette extension de la famille car le couple a déjà deux grands enfants...

J'aime beaucoup l'auteur, j'apprécie cette légèreté humaniste, ces situations gaies, typiques et simples.
Curieusement ce petit dernier est celui à qui j'ai découvert quelques lourdeurs dans le style, de curieux défauts qui m'étaient inconnus lors des précédentes oeuvres de l'auteur. J'y ai donc trouvé moins de saveur qu'avec les autres « enfants d'Armel ».
Ceci dit, il s'agit d'un texte agréable, d'une intrigue pimentée et toujours empreinte de respect.
Un bon moment de détente.

Forums: Un père à soi

Il n'y a pas encore de discussion autour de "Un père à soi".