La décision de Karine Tuil
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
Moyenne des notes : (basée sur 7 avis)
Cote pondérée : (863ème position).
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Magistral !!!
Quel magnifique livre !!!
Alma est juge d’instruction antiterroriste. Elle est amenée à rendre une décision concernant Kacem, un jeune musulman parti en Syrie avec sa femme. En même temps, sa vie de femme est sur le point de basculer car son couple se délite. Sa vie n’est que tension : tension sur le plan professionnel car elle est face au mal en permanence, consacre toute sa vie à son travail et a d’énormes responsabilités sur les épaules – même si cela lui permet d’échapper à son mal-être en couple – et tension dans sa vie privée. En outre, Alma entretient une relation compliquée avec Emmanuel, un avocat qui est justement l’avocat de la défense de Kacem. L’accumulation de ces tensions est à son comble lorsque le pire se déchaîne...
Le travail de Karine Tuil pour comprendre la motivation de la haine rejoint celui de la justice et semble voué à l’échec tant il est complexe. Ce roman est particulièrement intéressant dans les questionnements actuels qu’il soulève face à un thème tellement complexe qu’est celui du terrorisme. L’auteure touche du doigt nos limites et nos contradictions entre espérance en l’humanité et le bien, et l’absolu du mal. Dans ces conditions, rendre un jugement paraît au-dessus de nos forces humaines. Karine Tuil réussit particulièrement bien à nous mettre dans la tête de cette juge et à nous faire sentir toutes ses contradictions, interrogations, fragilités. On sent que tout est parfaitement documenté et longuement pensé. Elle réussit à nous faire sentir le mal dans ce qu’il a de plus glaçant. C’est d’une maîtrise remarquable ! Et la tension est présente de bout en bout.
Les éditions
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La décision [Texte imprimé], roman Karine Tuil
de Tuil, Karine
Gallimard
ISBN : 9782072943546 ; 20,00 € ; 06/01/2022 ; 304 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (6)
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L’erreur n’est pas permise.
Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 25 novembre 2024
Une question est posée au lecteur, comme elle se pose à la juge d’instruction antiterroriste : doit-on condamner d’office le musulman qui revient de Syrie, qui prétend y être allé pour faire de l’humanitaire, et qui revient en disant qu’il s’est trompé à propos de Daech.
Le lecteur a droit au compte-rendu de l’instruction et est invité à décider : le « mis en question » est-il le doux mouton qui veut refaire sa vie, comme il le prétend, ou un terroriste en puissance ? Doit-on lui laisser une chance ou l’enfermer pour toujours ? La juge d’instruction doit décider en âme et conscience et l’erreur n’est pas permise.
Pour corser son enquête, l’auteure a magistralement ajouté une bonne dose de piment en nous racontant la vie privée et les amours tumultueuses de sa juge d’instruction ; et le lecteur n’a jamais envie d’exercer son esprit critique qui lui ferait découvrir quelques « ficelles » un peu racoleuses du récit.
Le thème des terroristes repentis est bien choisi, il est d’une brûlante actualité et il est traité avec maestria. Cette enquête est un bon moment de lecture, éclairante sur la responsabilité des juges, et divertissante à souhait.
Devoir assumer ses pouvoirs
Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 7 août 2024
Alma a-t-elle pris la bonne décision concernant Kacem Abdeljalil qui est revenu de l'Etat islamique la tête basse avec son épouse Sonia, une convertie qu’il avait pris dans ses bagages ?
Tout le message du livre pourrait se résumer au poids des responsabilités des magistrats, bien que d’autres thèmes s’invitent à la périphérie de cet excellent roman, comme celui de la déontologie face aux besoins humains comme celui de se sentir aimée dans des moments mentalement particulièrement compliqués ou encore la balance idéale à trouver entre l’instinct parental et l’investissement professionnel.
L’autrice parvient à rencontrer ces différents éléments dans un récit fluide, structuré et qui allie le plaisir de lire à la réflexion d’un lecteur qui ne pourra rester indifférent, voire en ayant une autre vision du métier de magistrat d'instruction.
En âme et conscience
Critique de Millepages (Bruxelles, Inscrit le 26 mai 2010, 65 ans) - 8 mars 2024
Une autre concerne sa vie sentimentale. Elle a depuis peu une relation passionnée avec un avocat. Un attachement frénétique qui pourrait poser un problème éthique, vu sa profession.
Car Alma Revel est juge d’instruction antiterroriste et la décision qu’elle a à prendre dans le cadre de sa fonction pourrait avoir des conséquences dramatiques pour elle-même, pour sa famille et ses proches, pour le pays et pour de potentielles futures victimes.
Elle doit se prononcer sur la dangerosité et sur le sort à réserver à un jeune radicalisé qui jure ne plus l’être, mais ayant eu pour le moins des contacts rapprochés avec l’Etat islamique en Syrie. « Une erreur de jeunesse, Madame la Juge. J’ai été trompé. Je suis parti par idéal, avec l’idée d’aider des frères défendant une cause juste. Mais quand j’ai vu la réalité sur place, j’ai voulu rentrer à tout prix. Aujourd’hui je n’ai plus qu’un seul projet de vie : mener une vie normale, m’occuper de mon épouse et de mon enfant ». Voilà en substance la réponse qui ressort des interrogatoires répétés de la Juge. Elle essaie par des questions reformulées de percevoir le degré de sincérité de l’inculpé, le poussant parfois aux limites de la contradiction. Une chose est sûre, la décision ne sera pas prise à la légère, tenant compte aussi des avocats de l’Accusation et de la Défense qui plaident tous les deux avec les mêmes fortes convictions, mais en sens opposés.
Du début à la fin du roman revient cette question existentielle au sujet de la posture à adopter par un Juge lorsqu’il est confronté au genre de dilemme qui tétanise Alma en ce mois de mai 2016, alors que la France et la Belgique viennent d’être frappées par de meurtriers attentats. Avec la difficulté supplémentaire, lorsqu’il s’agit d’une Juge, de ne pas être reconnue légitime par certains prévenus, voire par certains de ses pairs. Faut-il, pour protéger la société, appliquer le risque zéro et enfermer tous les inculpés qui n’ont encore rien commis de concret mais dont le profil pourrait devenir problématique ? Au risque de briser des vies, voire de radicaliser encore plus, des gens qui ont peut-être effectivement fauté, influencés par des manipulations ou ayant eu une réaction émotionnelle à ce qu’ils perçoivent comme des injustices, mais dont les regrets et les intentions de repartir du bon pied sont peut-être sincères ? Et à l’inverse, comment expliquer aux victimes ou à leurs proches que tel individu était entre les mains de la Justice mais avait été libéré faute de charges suffisantes avant de commettre l’irréparable? Sachant qu’après chaque drame, la foule des «y avait qu’à /y avait qu’à pas» se fait à chaque fois péremptoire. En oubliant que ce qui paraît évident après coup, ne l’était pas forcément avant.
Juge d’instruction, une position particulièrement exposée, un métier à haut risque.
Un sacerdoce terrible
Critique de Nav33 (, Inscrit le 17 octobre 2009, 76 ans) - 6 avril 2023
- La charge de travail , cinquante dossiers en cours
- Le risque physique , qui nécessite la présence permanente de deux gardes du corps
- L'empathie qu'elle éprouve avec certaines des personnes qu'elle doit évaluer. Parfois aussi la répulsion par rapport à des individus qui ne manifestent que de la haine à son égard.
- L'absence de réponse sans danger. D'une part on peut envoyer des jeunes temporairement égarés en prison où ils ont de grandes chances de vraiment se radicaliser , ou d'autre part mettre en liberté des pseudo repentis habiles dans l'art de la dissimulation.
- L'enjeu qui dépasse celui de la délinquance ou du crime ordinaire , pour être celui de la sécurité publique.
- L'opinion publique , qui n’admet pas forcément l'absence du risque zéro.
Sa vie de famille , comme pour d'autres professionnels qui doivent y consacrer la presque totalité de leur temps et de leur énergie, est évidemment chahutée . Dans cette mission cela va au delà , et il lui faudrait évacuer le trop plein de stress ,de doutes, d'angoisse , avec les partenaires de cette instruction . Dans un paroxysme de violence, ceci va la conduire à tomber dans les bras de l'avocat de la défense en charge de plusieurs des cas qu'elle instruits. Elle sera impuissante à interrompre cette liaison, au défi de la déontologie . Elle vit cette passion amoureuse comme un danger , alors que son mari et sa famille sont le seul îlot de sécurité dans sa vie . mais c'est aussi un désir de vie intense , en contraste avec la fascination de la mort qui porte les terroristes
J'ai été moins intéressé par l'histoire de cette liaison et en parallèle par celle de la séparation d'avec son mari, qui lui,veut renouer avec les traditions juives de sa propre famille.
Ceci en contrepoint à une histoire , dont on ne peut qualifier l'issue que de glaçante , pour reprendre le terme de Pascale Ew.
Je trouve aussi qu'il était inutile d'impliquer aussi directement les membres de la famille de la juge dans les conséquences de l'intrigue par le biais d'une coïncidence improbable. La tragédie anonyme se suffirait à elle-même. Ce bémol à part , c'est une remarquable et bouleversante fiction.
Dans un registre voisin on peut lire le passionnant roman d'Ian Mc Ewan , l'intérêt de l'enfant, sur les dangers de mêler trop intimement vie émotionnelle et vie professionnelle pour une juge totalement investie dans sa mission.
Un drame bouleversant
Critique de CHALOT (Vaux le Pénil, Inscrit le 5 novembre 2009, 76 ans) - 9 juin 2022
roman de Karine TUIL
296 pages
février 2022
Editions Gallimard
Des journalistes - c'est leur métier- commentent des décisions de justice en mettant parfois les formes - la loi les y oblige- mais la rue, elle, l'opinion publique, ne se prive pas et parfois c'est haro contre le juge !
Ce roman qui semble une fiction mais qui est peut-être le reflet d'une histoire vraie, raconte l'histoire vécue par une magistrate anti-terroriste, Alma Revel.
L'auteure nous introduit dans la vie de cette cinquantenaire, mère de trois enfants qui vit une période difficile dans sa vie personnelle puisqu'elle est en instance de séparation.
Sa vie professionnelle est tout pour elle.
Elle s'y réfugie peut-être, mais on comprend que c'est sa passion, le fruit de son histoire personnelle, fille d'un terroriste ultra gauche des années 70, elle veut comprendre et agir.
Elle interroge un jeune homme qui est allé en Syrie, rejoindre, semble-t-il l' État islamique.
Il a fait de la prison et les juges l'interrogent pour savoir s'il est dangereux.
Le dilemme professionnel est patent, il y a un enjeu avec deux risques :
celui d'envoyer en prison un jeune influençable qui risque de tomber dans les griffes des islamistes influents dans le milieu carcéral et ne pas pouvoir se construire ;
ou celui de laisser partir un futur assassin !
Quelle peut être la bonne décision ?
L'auteure fait alterner le récit de la vie personnelle de cette juge et les extraits des échanges qu'elle a avec ce jeune homme.
Cet homme qu'elle interroge a eu une enfance difficile avec un père violent qui l'a envoyé à l'hôpital :
« Abdeljalil a sept ans quand le drame survient. Un dimanche matin, le père, dans une crise psychotique, saisit son fils par le cou et le jette par la fenêtre du deuxième étage. »
Ce jeune, aujourd'hui, semble rejeter fermement le terrorisme et n'a qu'un désir : vivre tranquillement avec sa femme et son enfant.
Il est en phase de reconstruction.
Quelle va être la décision de Madame la juge ?
C'est à partir de là que le lecteur est entraîné dans un suspense dramatique.
La conclusion en est une citation d'Albert Camus dans l'Homme révolté :
« L'enfer n'a qu'un temps, la vie recommence un jour. »
Accrochez vous, c'est passionnant !
Jean-François Chalot
Douleur et sens des responsabilités
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 30 mars 2022
Et puis un drame arrive : sa fille réchappe à un attentat, alors que décède le compagnon de cette dernière, et que l'auteur a été libéré suite à une de ses propres décisions. La responsabilité devient insoutenable face à la douleur.
L'aspect cornélien des décisions à prendre, l'idée du suicide, le désarroi insoutenable de l'enchainement des événements sont analysés avec finesse, pudeur et sans pathos. Les situations sont décrites avec justesse, empathie et humanisme. Ce livre est bouleversant.
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