Cadence: Essai autobiographique de Jacques Drillon

Cadence: Essai autobiographique de Jacques Drillon

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Kinbote, le 29 janvier 2022 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 9 étoiles
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La musique d'une vie

En 2018, Jacques DRILLON, disparu la nuit de Noël dernière à l’âge de 67 ans, faisait paraître le premier tome de son autobiographie.

Après le décès de Jacques Drillon, son confrère de L’Obs, Jérôme Garcin, ému, écrivait : « C’était un écrivain, grand pourvoyeur de métaphores, qu’on ne pouvait pas lire assoupi. Chacune de ses pages piquait notre curiosité, excitait notre intellect. Ses facilités nous mettaient en difficulté. Avec une rage flaubertienne, il nous dédommageait d’une époque où prospèrent le cliché, la tautologie, l’inculture et les idées reçues. »

Ne n’embarrassant guère de chronologie, telle que la cadence le permet et y invite, Jacques Drillon parle beaucoup dans ce volume de son père et de sa mère – quasi pas de ses frères et sœurs ni de ses femmes et enfants -, dont il s’emploie à cerner le caractère, la nature profonde, pour mieux comprendre ce qui a filtré d’eux dans son comportement, sa manière d’être et de vivre.

Son récit linéaire, quasi ininterrompu (non découpé en chapitres mais en séquences annotées d’un mot valant titre dans la marge), est fréquemment ponctué de souvenirs-tableaux qui narrent en moins de mots des fragments de son existence demeurés présents dans sa mémoire.

Dans ce livre, l’auteur de l’ excellent Traité de la ponctuation française (à recommander) et de grilles de mots croisés ainsi que de biographies de compositeurs (Liszt, Schubert…) sans compter ses innombrables articles et émissions de radio, évoque largement ses deux passions, la langue française et la musique. Ce qui nous vaut des portraits de musiciens (G. Leonhardt, F. Bruggen, Emmanuel Krivine, Couperin, Rostropovitch, Karajan, Beethoven) et d’écrivains (Erasme, Barrès, Bossuet, Péguy, Verlaine, Proust, Pontalis), mais aussi d’un architecte (Vauban), d’un peintre (Vermeer), d’un naturaliste et philosophe (Buffon), d’un metteur en scène (Jean-Marie Villégier)… et de quelques descriptions de lieux des Vosges chers à son coeur. Mais aussi des considérations sur le déni et la mauvaise foi et des points de grammaire ou de rhétorique.

De belles pages sont consacrées aussi à son inappétence pour les voyages (hormis professionnels) et pour l’écriture de fiction, son goût pour les antimodernes et une vie quotidienne sans imprévus, seulement dévolue à la lecture-écriture et à l’écoute de la musique. Dans un monde moderne voué à la trépidation permanente, à l’hystérie des voyages, au besoin frénétique de se divertir de soi pour ne pas avoir à se supporter, ces considérations sont précieuses.

Si on se prête au jeu des réminiscences littéraires, forcément restrictives, l’essai autobiographique de Drillon m’a fait penser à l’autobiographie de Roland Barthes faite de biographèmes et d’une sorte de distanciation par rapport à soi, de même qu’aux volumes biographiques de Jacques Roubaud… Drillon interroge le genre de l’autobiographie qui dit autant qu’elle dissimule, comme l’exercice de la fiction qu’il réprouve à titre personnel parce qu’elle prête le flanc au mensonge, à la manipulation du lecteur. Sauf que, dans cet essai, l’auteur présente délibérément divers aspects de son moi, avec ses noirs et ses blancs, comme sur un échiquier ou une grille de mots croisés, en invitant le lecteur à trouver l’énigme du je parmi les diverses définitions personnelles formulées.

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