Saint Fernandel de Laurent James

Saint Fernandel de Laurent James

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par CROSETA, le 29 décembre 2021 (PARIS, Inscrit le 29 décembre 2021, 48 ans)
La note : 9 étoiles
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Fernandel, le rire incarné

Cela fait 50 ans que Fernandel est mort. On a du mal à se représenter à quel point ce fut une grande star du cinéma et de la chanson. 148 films, 350 disques, difficile de rivaliser ! C’était donc le Depardieu de l’époque. Il jouait tout ! Dans les bons comme dans les mauvais films, et à chaque fois sa présence cristalline, ses dents de cheval et son étincelle juvénile dans les yeux suffisaient à transcender le film qui finissait à chaque par valoir le coup d’être vu. Au moins pour le voir lui.

Laurent James, marseillais depuis le début du millénaire a décidé de lui rendre hommage dans une hagiographie qui ne se cache pas de l’être puisqu’elle a pour titre SAINT FERNANDEL. Rien de moins pour tisser les louanges de celui qui fut l’intime de bien des familles françaises, comme pu l’être un Belmondo disparu récemment. Nous apprenons quelques anecdotes de ce monstre du cinéma des années 30 à 70 : sa rivalité avec Raimu, sa rencontre avec le pape, avec le général de Gaulle en 69, ses rapports avec Pagnol… Laurent James n’identifie pas son idole à un saint au seul prétexte de l’identifier à Don Camillo, il est vrai qu’une petite fille demanda bien à Fernandel de bénir sa poupée puisqu’il n’était pas vraiment prêtre et juste acteur… Non Laurent James projette l’idiot chevalin dans des sphères philosophiques et ésotériques. Il faut dire que l’auteur de cette hagiographie rabelaisienne a pris l’habitude de porter son regard au tréfonds de l’être, de sonder les époques en prophète, et de tout traduire un symbole, c’est-à-dire en CREDO. C’est ainsi que celui qui faisait rire quoi qu’il fasse, quoi qu’il dise, celui qui reçut à sa naissance la malédiction du rire sur la gueule, se voit béatifier pour les 50 ans de sa mort.

« Ignace, Barnabé, Victor, Célestine, Amédée, Octavie, … : son rêve était de ré enchanter le calendrier, d’assigner à chaque saint journalier une ritournelle spécifique apte aux plus délirantes prières extatiques. » Et pour notre Fernandel, Laurent James invente : « Fernand sut subir le pire / Dans le seul but de nous faire rire. » S’il y a offrande chez Fernandel, c’est qu’il y a orgueil : l’orgueil de la cité tout d’abord, Marseille ; l’orgueil du monstre ensuite, sa trogne mérite l’affiche ; et enfin l’orgueil du sacrifié qui a joué le jeu (de faire rire). Par l’offrande du forçat du cinéma et de la chanson, cet orgueil ouvre la voie de l’humilité véritable. En capacité de multiplier les rôles, Il a fini par incarner l’humanité toute entière, la porter, mettre toutes ses figures sur sa face, la transfigurer. « … un visage souriant s’inscrit dans le halo apollinien pour bénir notre douce vie de cafards lumineux : cette Figure Christique est celle de Fernandel. »

A défaut de voir les 148 films de Fernandel, on peut encore réciter la litanie offerte par Laurent James en tout début de livre des 148 rôles joués par Fernandel. Ces litanies colorées mettent en branle immédiatement notre imaginaire et sous tension nos zygomatiques. Goûtons en quelques-unes juste pour le plaisir…

Gustave Dupied sans pantalon pour son jour de noces
Ignace Boitaclou l’étrange paysan lyrique au petit nom charmant
Modeste Manosque, veilleur de nuit d’une usine automobile, obligé de s’inventer un frère jumeau sous les traits de l’aventurier tatoué

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