L'inondation de Evgueni Ivanovitch Zamiatine
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Catégorie(s) : Littérature => Russe
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La magie des mots
A Saint Pétersbourg, régulièrement, il y a des inondations terribles. Ce n’est pas le fleuve, la Neva, qui déborde, c’est la mer, poussée par le vent, qui remonte le fleuve et elle voit trop large.
« L’inondation » de Eugène Zamiatine, se situe à cet endroit-là et à ce moment-là. La montée de l’eau, la rupture des digues et les milliers de morts, sont les répliques météorologiques des tourments humains.
C’est un drame, et je dirais, un drame éternel, car, dès que l’on a les éléments de départ, on sait ce qui va se passer. Cette histoire là a toujours eu lieu, c’est toujours la même qui se reproduit. Ce n’est pas Woody Allen qui va nous contredire.
Mais le choc pour Sophia, quand elle bredouille, face à l’évidence « Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce que ça veut dire ? » est tellement bien rendu ! On entend cette femme casser. « Elle n’avait plus rien, ni bras ni jambes- rien que son cœur qui, tournoyant comme un oiseau, tombait, tombait, tombait. »
Et la suite aussi est inévitable. C’est le récit d’un drame terrible et banal. De ses prémices à son épilogue.
Pourquoi ce drame si banal m’a-t-il tant bouleversée ? Comment a-t-il pu me parler au cœur comme s’il était mien ? C’est qu’il y a le style de Zamiatine, son art de la langue, qui tient au choix des mots, aux images et au rythme, à la respiration qu’il impose. Tout ce texte est un véritable poème en prose où les mots vous emportent par un pouvoir époustouflant, vous transportent, par la magie des images qu’ils font naître, dans la chair des personnages. Jugez-en : « La pendule au-dessus d’elle frappait bruyamment du bec dans le mur. », « Seules ses lèvres frémirent comme la peau du lait lorsqu’elle est tout à fait prise. » et pour finir, « Avec difficulté, par degrés, elle se mit à inspirer de l’air, remontant avec son souffle –comme avec une corde- une pierre qui était au fond. Arrivée tout en haut, la pierre se détacha, Sophia sentit qu’elle pouvait enfin respirer. Elle soupira et, lentement, s’enfonça dans le sommeil comme dans une eau profonde et chaude. »
J’arrête, je pourrais pratiquement tout recopier. Rédigé en 1929, c’est un petit livre de moins de 100 pages, et que j’ai pourtant mis assez longtemps à lire, parce que je m’arrêtais, relisais plusieurs fois des passages, revenais en arrière, vérifiais des mots, revivais des scènes. Parce que aussi, je me suis aperçue que, subjuguée par le texte, je me le disais au lieu que la lecture passe directement des yeux au cerveau comme elle le fait habituellement.
Je ne connaissais pas du tout Evgueni Zamiatine. Djian parlait des rencontres que l’on a avec certaines écritures, du frisson qu’elles nous font courir dans le dos. C’est ainsi que Zamiatine m’a troublée et j’en suis encore étonnée.
Les éditions
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L'Inondation [Texte imprimé], roman Evgueni Zamiatine trad. du russe par Barbara Nasaroff
de Zamiatine, Evgueni Ivanovitch
Solin / Solin
ISBN : 9782853760645 ; 1,89 € ; 11/06/1992 ; 91 p. ; Poche
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Un chef d'oeuvre
Critique de Loutarwen (NANTES, Inscrite le 1 mars 2007, 40 ans) - 3 juin 2007
On entre de prime abord dans la vie de ce couple, Sophia et Trofim Ivanytch, mariés depuis treize ans. Sophia approche la quarantaine et n'a toujours pas réussi à faire un enfant à son mari. Mais ils n'en parlent pas, les non-dits se font pesants dans leur vie de couple. Un jour, le voisin du dessus, un menuisier, meurt du typhus. Il élevait seul sa fille de treize ans, Ganka. Treize ans, Ganka aurait pu être la fille de Sophia... Alors que la Néva déborde, le couple décide enthousiaste d'adopter la jeune fille orpheline. Le courant passe tout de suite très bien entre Ganka et Trofim mais Sophia et Ganka n'arrivent pas à communiquer. Les relations entre le couple et leur nouvelle fille se font de plus en plus complexes. Un drame familial terrible se noue sur fond de la Néva grondante et au son du balancier de la pendule qui résonne.
Le style est dense et le récit tout à fait palpitant; je l'ai lu d'une traite, sans lever les yeux une seule fois.
Un pur chef d'oeuvre qui me donne envie de découvrir plus avant l'oeuvre de ce grand écrivain russe exilé volontairement sous Staline...
Merveilleux Livre !
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 17 mai 2005
Au passage, merci à Ulrich d'avoir insisté pour la lecture de "Nous autres", ce que je ne manquerai donc pas de faire.
Le sujet de ce livre est terrible, on vit le drame de cette femme comme si c'était le nôtre. Et, en effet, le style d'écriture y est aussi pour beaucoup. Les mots pèsent pèsent lourds, sont judicieux, abrasifs, juste comme des scalpels. Comme le souligne Sibylline, ces phrases donnent un véritable rythme au récit et au drame. Un véritable chef-d'oeuvre que cette nouvelle.
Au passage je me permets de dire ici que Zamiatine est un écrivain du tout début du XXième siècle et qu'il était considéré comme un véritable dandy par Trotski. Constamment censuré en URRS, c'est lui qui demandera à Staline d'être exilé en 1931.
Il meurt à Paris en 1937 après avoir collaboré avec Jean Renoir au film tiré des "Bas-fonds" de Gorki. Film qui a obtenu le "Prix du meilleur film de l'année" en 1936
Vraiment un livre à lire !
Le récit et les mots
Critique de Ulrich (avignon, Inscrit le 29 septembre 2004, 49 ans) - 25 mars 2005
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