Juste avant d'éteindre de Hélios Azoulay

Juste avant d'éteindre de Hélios Azoulay

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par TRIEB, le 14 août 2021 (BOULOGNE-BILLANCOURT, Inscrit le 18 avril 2012, 73 ans)
La note : 8 étoiles
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QUAND LES LUMIERES S'ETEIGNENT

Ce récit pourrait décrire la vie d’un homme avant son arrestation et sa déportation vers les camps de la mort, sa vie d’avant en quelque sorte, son univers.
C’est ce que réussit avec un grand talent Hélios Azoulay en nous décrivant une histoire apparemment purement individuelle, celle d’un compositeur originaire de Prague, juif, mais qui pourrait résumer cette terrible époque des années trente en Europe centrale : il y a une ironie cruelle qui imprègne de part en part le récit : « Nous, les Juifs, si on est là aujourd’hui, c’est parce que toute l’Allemagne ne fait que son métier. Parce que derrière tout homme qui ne fait que son métier, il y a un nazi. » Dans ce contexte que décrit Hélios Azoulay, la culture a perdu tout pouvoir, n’est plus d’aucun secours ; l’auteur du récit voit dans les barbelés la marque de la civilisation allemande et, bien que musicien lui-même et compositeur, il invite avec brutalité Beethoven à « aller se faire foutre. ». Beaucoup d’amertume grinçante dans ce texte, d’ironie lugubre, une lucidité implacable, un pessimisme omniprésent. Un échantillon d’une réflexion du pouvoir de l’art et de la culture sur la barbarie. Selon, l’auteur, il est mince, ténu, presque inexistant.
Une caractéristique : de nombreuses références musicales, en particulier sur l’œuvre de Wagner, sont présentes dans ce texte. L’auteur a, dans sa bibliographie, beaucoup écrit sur la musique. Au-delà de l’amertume omniprésente dans le texte d’Hélios Azoulay, du tragique du décor, le nazisme et la Shoah en train de se préparer, l’auteur réussit à nous faire rire, de Wagner, des Nazis, de la distinction entre l’œuvre et l’homme, de la signification pour un compositeur ou un musicien de jouer devant un parterre d’officiers vert-de-gris : « Oui, j’échange tout Wagner contre une berceuse que j’ai entendue l’autre jour. Et la mère chantait faux, et je ne perds pas au change. Et puis, je pense qu’on reconnaît la vérité » de ses goûts à la gueule de ceux qui les partagent avec nous. Je n’ai pas envie de me retrouver dans la même loge qu’Hitler à l’opéra. »
Un texte qui interpelle les lecteurs, les secoue, les rappelle à une réalité fondamentale : nos choix ont des conséquences et l’art a, en dépit des apparences, au moins un peu de pouvoir …

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