Treize acquiescements faits au coeur de Catherine Baptiste

Treize acquiescements faits au coeur de Catherine Baptiste

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par Kinbote, le 5 août 2021 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (23 201ème position).
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Le rouge et le vert

À la sève des végétaux, Catherine Baptiste conjoint le rouge du sang, de la lave.
Ce rouge qui monte aux joues mais aussi aux lèvres et aux oreilles.

« Ce rouge incréé, cet élan vertigineux », non immédiatement perceptible mais qui « meut la vie ».

Le rouge ardent, c’est aussi bien la poésie innervant l’existence qu’il faut faire advenir sur la page blanche pour acquiescer au cœur. Il s’agit d’écrire l’âme en « calligraphes flamboyants ». Persistance ici aussi de la couleur rouge comme dans les baies, les grenades, les groseilles…, qu’elle cite par ailleurs. La parole à venir serait alors un fruit à cueillir mais elle doit aussi se parer d’ailes pour se prêter au vol.

Il faut prendre le risque de la contradiction comme de l’excès d’énergie dépensée afin de solliciter nos forces vives, les faire déborder de leur lit, tel que l’exprime le troisième acquiescement : DIRE TROP TROP (CEPENDANT)… « puisque dire est déjà trop. »

"Ne pas trancher, dire le rouge et le vert

Toute chose bégayée et son contraire"

Le quatrième acquiescement vise à TENDRE (VERS LA MER)… « pour l’ardeur changeante mais obstinée / d’un vert bleuté / déjà, vu quelque part dans les yeux / de ce qui se vivait arbre,/ de ce qui se faisait passereau // en toute connivence de ciels »

Le cinquième, VIVRE PLEINEMENT, acte l’inscription de l’arbre en l’homme, que la poète précise ramifié, bavard, ouvrant, chantant, cognant…, dans le but de faire résonner l’intensité et la sauvagerie du cœur.

Le suivant, PENSER PINSON, s’inscrit dans le champ lexical de l’arbre et de la cognée comme dans celui de l’envol et du ciel.

Puis il y a PRENDRE ÂME, (A)BORDER LA VIE, ENTRER EN LYRISME…

Tous les acquiescements visent à ré-concilier âme et corps, chair et esprit par l’entremise, on dirait bien, du cœur qui serait l’organe de conjonction, à la fois « substantiel rouge du corps » et ouverture au vert de la forêt ou de l’eau vive, à l’abandon, à l’envol, ces en dehors du corps où nichent l’innomé, l’inconcevable.

Le fragile équilibre entre rouge et vert s’atteint par ailleurs par l’écriture et la poésie.

"Les mots sont de petites plaques tectoniques qui se frôlent

S’approchent, se heurtent

Jusqu’à l’effusion


Il faut aller chercher le fond du magma des idées

Pour taper enfin du pied"

Cette tension vers l’éclaircie qui fait QUITTER L’OBSCUR peut souffrir de pause, de lâcher prise momentanés. C’est le sens du dixième acquiescement : ABDIQUER (PARFOIS).

Les images chez Catherine Baptiste ne sont pas univoques, jamais simples, elles sont des manières d’appréhender le monde dans sa complexité, ses mode de changement. Elles tissent de mobiles correspondances, elles forment des emboîtements de significations au gré des tremblements du monde, dans une langue ample, qui vise « une clarté de pensées ».

Les acquiescements composent comme les postes interférents d’un territoire au centre duquel se situerait le cœur à la façon d’un trésor à découvrir.

Ces treize accords baptistiens agissent comme autant de clapets d’ouverture en période de sécheresse existentielle où l’Homme, trop occupé à s’en prendre à autrui, l’accusant de tous les maux de la Terre, méconnaît le sens de son existence propre et des connexions oubliées qui le relient au cosmos. En les verbalisant, en les faisant résonner, pour agir sur le cœur, Catherine Baptiste fournit à chaque lecteur une grille harmonique pour réenchanter le monde et retrouver « l’ivresse absurde et sage de la vie ».

Elle offre au lecteur un manuel de survie en période de crise majeure.

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Accords à coeur

8 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 28 août 2021

Guy Béart chantait « Elle est en couleur mon histoire / Il était blanc elle était noire / … », Catherine Baptiste, elle, écrit des poèmes en couleurs mais ils ne sont ni blancs ni noirs, qui ne sont pas couleurs, ils sont beaucoup plus chatoyants, rouges surtout. En des vers très libres, courts, concentrés, condensés, en quelques mots seulement, elle dit le monde, sa flore, sa faune, les femmes et les hommes et toute l’énergie qu’ils dispensent pour vivre « debout » face aux calamités qui les guettent, comme cette folle pandémie qui perturbe la planète entière.

Catherine choisit ses mots et les travaille comme un chef étoilé sélectionne ses produits avant de les accommoder. Elle préfère les mots « rouges », rouges comme le sang pour dire la vie qui coule dans les veines.

« Le sang / peut-être / … »

Des mots « rouges », rouges comme la fureur, « la Fureur de vivre », rouge comme un rugissement pour dire les hommes et les femmes quand ils sont en ébullition pour combattre se défendre, imposer leur envie de vivre, leur douleur de vivre, …

« Les mots font des silhouettes au mépris de la nuit / il y a des hommes en guerre et des femmes en fureur / des gutturales / dans l’orange-sanguine de nos joues ». « … / une transcendance, un émerveillement, une colère un rugissement ? »

Des mots rouges comme la terre grasse, la terre qui nourrit les plantes, la flore et la faune.

« Se saisir d’une parole rouge / comme on plante un petit arbre brun / dans la terre sombre des garrigues »

Des mots rouges comme les feux de l’amour, des mots rouges pour les mettre dans la bouche de la femme aimante.

« Rouges / au seuil d’une langue aimante / désirante et possiblement belle / puissante, imparable / … »

Des mots rouge comme des mots forts qui se mêlent aux mots bleus pour prendre une teinte violacée.

« A vouloir s’adresser avec cœur au cœur / en des paroles rouge-envols, rouge-dignité / on écrit parfois bleu-tout-campanule / bleu-campagnard et même rouge-violacé ».

Catherine explore, expérimente, le langage « rouge » pour décrire l’élan vital nécessaire à toute forme de vie, l’énergie nécessaire à toute forme d’action, l’amour flamme de la vie.

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