L'Île du jour d'avant de Umberto Eco

L'Île du jour d'avant de Umberto Eco
( L'isola del giorno prima)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Pendragon, le 5 mars 2001 (Liernu, Inscrit le 26 janvier 2001, 53 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 12 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (11 725ème position).
Visites : 10 550  (depuis Novembre 2007)

Un recueil d'expressions

L'histoire est simple, simplifiée, simpliste… Au XVIIe siècle, les navigateurs connaissaient déjà les parallèles, mais pas les méridiens !
Et nous voilà donc partis à bord d'une galère qui recherche le 180e méridien, celui qui se trouve de l'autre côté de la terre, celui qui marque la séparation entre hier et aujourd'hui ou entre aujourd'hui et demain, selon le sens dans lequel on navigue. Et cela s'arrête là, la trame n'est pas plus épaisse que cela ! Le héros, Roberto de la Grive, est, la plupart du temps, seul avec ses pensées et donc, il s'ennuie, s'invente un jumeau qui lui veut du mal, s'invente un ennemi, s'invente des complications, s'invente des pièges dans les pièges, des complots, des méandres politiques, des amours.
Et c'est ainsi que nous retrouvons avec la plus grande joie le véritable génie d'Umberto Eco parce que ce roman est un véritable recueil d'expressions, de mots et de pensées totalement inusités et donc précieux pour tout amoureux de la littérature. Ce roman ne se lit pas avec facilité, il ne se lit pas vite, il n'est même pas agréable à lire tant il faut se concentrer sur les lignes et les paragraphes, mais, MAIS, quel plaisir de lire une oeuvre intelligente et bien faite, quelle joie incommensurable de lire un roman parfait, dont le style, la syntaxe, la grammaire, le choix des mots, les phrases, les verbes, les idées, les jeux entre les paragraphes, les recoupements d'idées et l'érudition nous plongent dans des tourbillons de bonheur littéraire extatique.
Elitiste ! ? Umberto Eco ! ? Franchement, je ne crois pas, il a simplement choisi un autre genre de littérature, comme le policier ou l'horreur. Lui, il a choisi d'écrire avec style et emphase et, comme pour les autres genres, on aime ou on n'aime pas. Moi, j'aime !

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Eco pas complètement sous son meilleur jour

6 étoiles

Critique de Elko (Niort, Inscrit le 23 mars 2010, 47 ans) - 20 juin 2010

Ce livre est du pur Eco : de l'érudition teintée d'ésotérisme. Et le quatrième de couverture annonçant "du Dumas écrit pas Pascal" résume assez bien la forme du roman.
J'ai aimé les passages de narration pure, les personnages colorés, les histoires dans l'histoire, les débats métaphysiques (avec St Savin et le père Caspar), les descriptions et cheminements de la science empirique (sur la recherche de la longitude utilisant la poudre de sympathie, avec les inventions du père Caspar), l'humour souvent par l'absurde (l'absurde siège de Casal, le personnage de Roberto en lui-même).
Par contre certaines difficultés m'ont un peu gâché le plaisir. Eco se montre parfois trop technique dans le descriptif pointilleux de certaines machines (celle à fabriquer des métaphores notamment), trop ardu dans l'emploi du français romantique du 17ème siècle, trop pénible dans le baragouin du père Caspar (eh oui encore lui), trop nébuleux dans certaines digressions, enfin trop Eco-iste dans ses délires sémantiques. Je pense en passant que la traduction a dû être un travail colossal!
Si vous aimez les livres intelligents et divertissants, mais aussi exigeants avec le lecteur, ce livre peut vous plaire. Mais je ne commencerais pas l'œuvre d'Eco par celui-ci...

Le style Eco

7 étoiles

Critique de Loic3544 (Liffré (35), Inscrit le 1 décembre 2007, 45 ans) - 14 mars 2008

Eco, pour moi, c'est avant tout un style, un style d'écriture pas facile à lire, au début. La lecture est laborieuse car rien n'est intuitif. Et puis, doucement, je m'habitue à ce style décalé, je rentre dans son histoire au point que le livre que je lirai derrière me paraitra très pauvre au niveau du style.
L'île du jour d'avant n'échappe pas à cette règle, mais, passé les premières pages un peu difficiles, c'est vraiment un plaisir à lire.
Mêlant l'histoire de Roberto sur son bateau, son passé qui lui revient en mémoire en fonction de ce qui lui arrive, ses pensées qui dérivent à cause de la solitude et son roman qu'il écrit pour conjurer le sort en s'inventant un frère qui sera le bouc émissaire de ses malheurs, Eco mêle tout ceci avec maestria, sans nous perdre. Comme d'habitude, certains passages sont longuets, mais on a envie d'en savoir plus. Et c'est là que le bât blesse. Si les réflexions d'Eco sont intéressantes à suivre, il faut reconnaitre que la fin m'a déçue : trop de questions restent en suspens et j'ai été un peu déçu par cette fin en queue de poisson qui ne m'a pas apporté tout ce que j'attendais. Trop de destins (Roberto, Ferrante, le narrateur) sont restés en suspens et font un peu baisser la note finale d'un roman qui m'avait porté. Dommage !

Divagations

8 étoiles

Critique de Mieke Maaike (Bruxelles, Inscrite le 26 juillet 2005, 51 ans) - 7 octobre 2006

Que fait-on quand on échoue sur un bateau qui semble à première vue abandonné ? On l’explore. Mais surtout, on pense, on se remémore son passé, sa famille, la fameuse bataille de Casal, ses contacts avec le grand monde. On écrit. Beaucoup. On écrit à son amoureuse qu’on a peu d’espoir de retrouver. On écrit ses impressions sur ce navire amarré à proximité de l’île du jour d’avant. On réfléchit, énormément. On se demande comment quitter ce navire et quel sens donner à la vie. Et on consigne soigneusement ses impressions. On peut même décider de commencer à écrire un roman. Puis ce tas de feuilles manuscrites écrites aux alentours de 1643 tombe, au hasard de l’Histoire, entre les mains du narrateur qui l’interprète, l’extrapole, en puise toute la substance pour en faire une histoire, s’interroge, parfois interpelle le lecteur, s’excuse des imprécisions et des lacunes.

On retrouve donc la formule chère à Eco, la même que celle utilisé pour le Nom de la Rose. Dans son « Apostille au Nom de la Rose », Eco justifie cette méthode de poupées russes par une peur de s’exposer « J’avais honte de raconter. Je me sentais un peu comme ce critique de théâtre qui s’exposerait tout à coup aux feux de la rampe et se verrait regardé par ceux qui jusqu ‘à présent avaient été ses complices de parterre. (…) Un masque, voilà ce qui me fallait. (…) C’est pourquoi mon histoire ne pouvait que commencer par le manuscrit retrouvé (…) J’écrivis tout de suite l’introduction, plaçant ma narration à un quatrième niveau d’emboîtement, à l’intérieur de trois autres narrations : moi je dis que Vallet disait que Mabillon a dit que Adso dit… J’étais désormais libéré de toute crainte. »

Je rejoins les autres critiques trouvant ce livre plus difficile d’accès. « L’île du jour d’avant » est beaucoup plus délié que d’autres romans de Eco. « Le Nom de la Rose » a une unité de temps mesurée au chronomètre, « Le Pendule de Foucault » est un bouillonnement permanent, une course contre la montre. Mais sur le navire amarré à proximité de l’île du jour d’avant, le temps ralentit, s’arrête, puis parfois accélère, se brouille, libérant au fur et à mesure des pensées débridées. Mais avec petit effort pour surmonter ces difficultés, ce roman est un délice, dont on ne peut que savourer la richesse de l’écriture :

« Il se comportait avec le vaisseau comme avec un objet d’amour qui, à peine le découvre-t-on et découvre-t-on le vouloir, tous ceux qui l’auraient eu avant deviennent des usurpateurs ».

« Il avait cultivé sa propre médiocrité, ne craignant pas d’être éminent dans les choses médiocres, pour éviter un jour être médiocre dans les choses éminentes. »

Et une mention toute particulière pour le personnage du père Caspar, ce jésuite flamand, avide d’expliquer des notions théologiques dans le mauvais français des néerlandophones que Eco parvient à reproduire à merveille, démontrant par-là, outre ses qualités d'écrivain, tout son talent de linguiste.



Long, pénible mais beau et savoureux !

10 étoiles

Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans) - 12 janvier 2006

Tel pourrait se résumer mon expérience de lecture de cet ouvrage. Je l'ai lu très lentement, un chapitre à la fois et j'ai souvent relu plusieurs fois le même paragraphe afin d'en saisir le sens profond et toutes les subtilités. Ah oui, j'ai peiné, mais je me suis accrochée et je suis bien contente de l'avoir lu. J'ai souvent eu envie de le fermer pour de bon mais j'y suis toujours revenue. Je dois être masochiste... J'ai aussi repassé mes notions de géographie car je ne savais plus si la longitude était horizontale ou verticale... Parfois, il me semblait lire du Jules Verne.
L'histoire de départ est géniale. Ce naufragé qui se retrouve sur un navire abandonné qu'il explore, j'aime bien. Et surtout le mystère du passager invisible... Comme Sibylline, j'ai eu de la peine à la mort du frère Caspar. Et les tentatives de Roberto de rejoindre l'île à la nage... Et les richesses du navire, les horloges, les plantes et les animaux...
Oui, une lecture difficile mais combien enrichissante malgré ses longueurs et ses phrases en latin non traduites. Une richesse de vocabulaire hors du commun et des phrases admirablement bien tournées font de ce livre un chef-d'oeuvre, rien de moins.

Scaphandrier!

8 étoiles

Critique de Sibylline (Normandie, Inscrite le 31 mai 2004, 73 ans) - 16 novembre 2005

Dans ce livre, la scène où le vieux savant fait son essai de scaphandrier restera à jamais dans ma mémoire. Rarement, dans un roman, j'ai eu autant de mal à accepter la mort d'un personnage... J'en suis restée longtemps, bouleversée, incrédule.
Vous voyez, il n'y avait pas que des choses compliquées, intellectuelles, érudites, dans ce livre. Il y avait aussi de l'émotion pure, et beaucoup.

Il en faut...

7 étoiles

Critique de La_mouette (Paris, Inscrit le 7 novembre 2005, 43 ans) - 16 novembre 2005

...de la volonté, pour lire ce livre.
Bref, comme l'ont dit certains avant, ce livre n'est pas facile d'accès, il ne se laisse pas apprivoiser facilement.

Mais une fois l'effort fait, c'est bon. Très bon.
On s'y sent bien, puis mal à l'aise, puis bien. Eco vous emmène à travers les méandres de la vie d'un intellectuel italien du XVIIème plutôt compliqué, qui fricote avec les milieux scientifiques de l'époque. Vous y découvrirez les remèdes et croyances d'alors, les erreurs, les trouvailles.
Pas d'anachronisme : il ne faut pas en rire... même si plus d'une fois j'ai dû me retenir face au ridicule des "remèdes" d'alors...

Ce livre vous fera réfléchir sur des thématiques variées: le progrès, la solitude, la folie, le temps, la connaissance, les limites humaines, les croyances, l'amour, le romantisme, les défis que l'homme se fixe, le voyage...
Le tout agrémenté d'un style parfois trop complexe et touffu, mais bien servi par une plume élégante et des personnages aux personnalités originales et fortes.

Intéressant, mais difficile

8 étoiles

Critique de Fa (La Louvière, Inscrit le 9 décembre 2004, 48 ans) - 5 janvier 2005

La manière d'écrire d'Eco reste dans cet ouvrage tout-à-fait unique. Seul cet auteur parvient à inclure dans ses ouvrages autant d'érudition.

Ce que j'aime vraiment, ce sont ces histoires qui s'imbriquent les unes dans les autres un peu comme des poupées russes : la question du point de vue du narrateur et du sort du texte en lui-même est abordée de manière parfaite.

J'apprécie également les nombreuses références et clins d'oeil que relève l'ouvrage. L'entrevue avec les cardinaux et le jeune Colbert est un pur délice.

Evidemment, le style est complexe, difficile, parfois rébarbatif. Un livre de ceux qui demandent du temps pour être bien lus.

Le meilleur Eco pour moi!

9 étoiles

Critique de Virgile (Spy, Inscrit le 12 février 2001, 44 ans) - 16 juillet 2001

Le nom de la rose m'a énervé par trop de latin non traduit, j'ai presque préféré le film au livre! Quant au pendule de Foucault je l'aurais mis en tête de liste s'il n'avait pas comporté un énorme passage ennuyeux qui se passe au Brésil et n'apporte pratiquement rien.
L'île du jour d'avant par contre c'est autre chose! La trame résumée par Pendragon peut paraître mince, pour moi elle est énorme tant elle permet des développements à tout les niveaux.
Ennuyeux de perfection? certainement pas! Elitiste? je ne crois pas. Peut-être que je n'ai rien compris mais en tout cas j'ai adoré et c'est la seule chose qui compte!

Il m'est tombé des mains

5 étoiles

Critique de Persée (La Louvière, Inscrit le 29 juin 2001, 73 ans) - 15 juillet 2001

Pénétrer dans le cerveau d'un homme du 17ème siècle est certes une aventure passionnante. Il est rassurant de constater que les mentalités ont fait du chemin depuis lors. On n'en est plus à soigner nos blessures avec des vulnéraires. L'irrationnel semble (je dis bien, semble!) avoir perdu du terrain. On comprend, grâce à Eco, que l'homme se construit par essais et erreurs à coups d'efforts pénibles et méritoires. Tout cela est bien. Pourquoi dès lors le livre m'est-il tombé des mains ? Sans doute en avais-je plein le dos de parcourir l'inventaire des erreurs de notre pensée tâtonnante au fil des siècles. Te veel is te veel. J'avais l'impression de nager sans pouvoir avancer...et j'ai coulé.

Oui, mais ...

3 étoiles

Critique de Hal (Bruxelles, Inscrit le 21 mars 2001, 54 ans) - 21 mars 2001

D'accord, dans cet ouvrage Eco laisse libre cours à son imagination et à sa verve, cependant celle-ci devient vite pontifiante ... Ce titre n'est vraiment pas celui que je conseillerai au lecteur avide de découvrir ce grand nom de la littérature : pourquoi pas "Le Nom de la Rose" ou "Le Pendule de Foucault", bien plus facile d'accès il me semble ...

Superbe critique !

8 étoiles

Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans) - 8 mars 2001

Une superbe critique pour un très grand livre !... Je suis tout à fait d'accord sur la perfection de l'écriture, sur l'ingéniosité déployée et aussi sur la concentration nécessaire pour lire ce livre. Elitiste ?... Quand-même un peu !... Ce n'est pas un livre que tout le monde arrivera à terminer et je crois que cela n'est pas un problème pour l'auteur. Est-ce volontaire ?... Certainement pas ! Là je suis d'accord avec Pendragon: Eco écrit comme cela parce que c'est son style, c'est comme cela qu'il aime écrire. Je ne pense pas qu'il ait un autre but que celui de trouver son plaisir dans ce qu'il fait.
Encore bravo !

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