La Danse de la tarentule de Claire Blanchard

La Danse de la tarentule de Claire Blanchard

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Nathavh, le 28 février 2021 (Inscrite le 22 novembre 2016, 60 ans)
La note : 7 étoiles
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Une claque ! enfance maltraitée

Émilie Renard a 40 ans. C'est avec ses deux enfants Grégoire et Lucas qu'elle revient au Croisic, à Ker Kroaz la maison de son enfance. Vingt ans qu'elle a fui celle qui vient de mourir, celle qu'elle a aimé plus que tout et qui lui a volé sa petite enfance; Marie sa mère.

Retour dans les années 80, Ker Kroaz, ce manoir pas loin de la plage au Croisic, c'est là qu'Émilie a vécu avec son frère Jean-Baptiste. Elle avait 5 ans, son frère 3 lorsque ses parents les ont "abandonnés" à leur grand-mère Joséphine et leur tante Micheline pour aller travailler en Inde.

Durant quatre années, Émilie qui nous raconte sa vie a subi une éducation à la dure, dans une ambiance stricte, froide, très catholique du genre "fais le bien autour de toi , que cela se sache bien" , parais charitable envers les autres mais en ce qui concerne tes proches cela te regarde... hypocrisie quand tu nous tiens...

Émilie et Jean-Baptiste ne peuvent pas faire grand chose, travailler beaucoup pour l'école pour Émilie, prendre les cours de piano que sa mère a décidé et de temps en temps lorsqu'elle n'est pas punie s'évader avec Anthony.

Émilie attend avec impatience la visite de ses parents, en juillet et en décembre, deux fois l'an seulement. C'est sa maman qu'elle admire, adore, vénère et qui à chaque fois lui dit que c'est l'amour fou, qu'elle lui manque jusqu'à chaque départ, un nouvel abandon de plus en plus douloureux.

Émilie a 9 ans lorsque ses parents s'installent à Paris, à Montparnasse. Elle est heureuse, la vie est belle mais c'est compliqué, sa mère est telle une tarentule qui enfonce peu à peu son venin, qui capture sa proie, sa fille en l’occurrence par ses sautes d'humeur, sa manipulation, ses coups et l'horreur ne fait que grandir au fur et à mesure que le poison s'infiltre, se distille.

Ce roman c'est une claque, un uppercut, il ne vous laissera pas indifférent car il parle d'une enfance volée, gâchée, piétinée , de maltraitances et ce à travers les yeux d'un enfant.

Pourquoi s'attacher se dit Émilie puisque peu à peu tous les espoirs disparaissent et qu'elle est seule sauf qu'Émilie est résiliente et qu'elle s'en sortira.

Elle s'accroche à sa passion pour le piano, l'écriture et le dessin. Je ne peux vous en dire plus si ce n'est que l'écriture est simple et agréable, certaines longueurs sont présentes mais malgré cela on est happé par le récit, la tension est palpable et croissante. La psychologie des personnages est vraiment bien fouillée. L'écriture m'a semblé plus travaillée dans la troisième partie sans doute parce que c'est l'adulte qui s'exprime.

Ma note : 8.5/10



Les jolies phrases

J'aimais bien les rentrées scolaires, malgré tout, parce qu'on avait des cahiers neufs donnant l'impression que la vie nous permettrait d'être sage et exemplaire, pour une fois. Qu'on tiendrait nos bonnes résolutions parce que notre avenir était aussi blanc que les pages des cahiers vierges distribués par notre nouvelle maîtresse.

C'est là que j'ai compris que le bonheur venait toujours de longues souffrances, dans la vie.

Derrière la vitre, une tarentule aux pattes velues avait planté ses crochets dans une petite souris grise. Le corps du rongeur, incapable de fuir, tressaillait par intermittence pendant que l'autre dansait, accrochée à sa proie. C'était l'heure du repas, au jardin des Plantes.
Mon souffle s'est fait court ; mon pouls s'est accéléré. Un battement sourd au début est monté à mes oreilles, faible, puis de plus en plus fort. Un goût de bile a rempli ma bouche. Les souris, les crotales, les gerbilles, les boas, les mygales ont valsé. Je me suis accroché à la rambarde.
J'étais une souris. Face à moi, une mygale, un crotale. Ma mère, mon père. Ils distillaient leur poison dans mon esprit à force d'insultes et d'actes barbares ordinaires. Ils me digéraient vivante, anesthésiant mes membres avec leur venin, me vidant de toute substance.
Comme la tarentule, ma mère avait planté ses crochets dans mon cerveau et suçait ma vie. Elle avait tissé sa toile autour de moi et je ne savais pas si un jour je m'en sortirais vivante...

Sous l'encre de sang, le papier prenait vie. Les mots dénonçaient le chaos. Ils racontaient l'accident, les règles, le piano, le père, sa violence castratrice, la mère, sa folie destructrice. Les arabesques rassemblaient mes chairs à vif, recousaient mon existence morcelée par les contradictions.

Ma plume était le fleuret avec lequel je perçais chaque poche putride sous les masques.

Ma haine était un torrent de lave qui coulait dans mon corps, ravageant tout sur son passage. Lorsque j'écrivais, j'étais possédée, enfiévrée par le désir de rendre justice.

Je me croyais à l'abri dans ce refuge de papier. Ma mère avait beau sévir, je m'évadais par le biais de mon cahier.


Même si je me censurais, la multitude de significations que revêtait un mot m'ouvrait les portes de la liberté. Je possédais la clé de mes allusions, de mes sous-entendus, et chaque lettre formée était une victoire sur l'agresseur.

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