L'épidémie de Åsa Ericsdotter

L'épidémie de Åsa Ericsdotter
(Epidemin)

Catégorie(s) : Littérature => Policiers et thrillers

Critiqué par Dervla3012, le 20 février 2021 (Inscrite le 7 décembre 2019, 18 ans)
La note : 4 étoiles
Moyenne des notes : 5 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 3 étoiles (58 263ème position).
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Une thématique épineuse dont la surface est à peine effleurée

De quoi ça parle ?

Cette histoire se déroule dans un futur très proche du nôtre, au cœur de la Suède moderne. Là-bas, le Parti de la Santé a pris le pouvoir et mène d’une main de fer sa nouvelle politique. Son dirigeant, le très charismatique et séducteur Premier Ministre, Johan Svärd, a décrété que d’ici à la fin de son mandat, son pays serait devenu le plus mince du monde.

« Les porcs », comme il surnomme les personnes en surpoids, sont apparemment devenues une charge pour la société, et las de voir les caisses de l’Etat se vider à cause des divers aménagements et traitements nécessaires, l’homme politique a décidé d’éradiquer l’obésité : fixant comme objectif de son quinquennat, une course contre la montre avec cette « maladie », cette « épidémie ».

Toutes sortes de mesures sont mises en place. Entre autres : des impôts sur le sucre ou tout aliment gras, la conversion des églises en salles de sport et la création de classes séparées pour enfant « à embonpoint » dans les écoles. Les programmes scolaires font désormais lire aux enfants des ouvrages tel que « Lili fait un régime », charmant petit livre narrant les aventures d’une fillette malheureuse et sans amis à cause de ses kilos en trop ; et le domaine de la chirurgie esthétique (liposuccion, anneaux gastriques et autres opérations fort sympathiques du même genre) est désormais rendu beaucoup plus simple d’accès et même remboursé et promu par les Institutions Médicales dans certains cas.

Très vite, les résultats se font sentir : les chiffres de l’obésité sont en chute libre et les Suédois semblent coopératifs. Toutefois, d’autres conséquences secondaires un tantinet plus néfastes font également leur apparition. Il s’avère que, soumise à la pression gouvernementale, la population elle-même prend goût à ce jeu macabre, mettant au jour certains aspects fort peu reluisants de notre espèce.

Dans le milieu du travail, les citoyens possédant un IMGM (Indice de Masse Graisseuse et Musculaire) trop élevé, sont licenciés. Les éminentes scientifiques et les docteurs ès lettres ne sont pas même à l’abri. Évidemment. Les compétences ne comptent plus. Intelligence et esprit ne font pas le poids face au dictat et à la tyrannie de l’apparence.

Des syndicats d’immeubles votent désormais pour l’expulsion de leurs résidents en surpoids et les centres sportifs sont devenus la nouvelle religion du peuple : dans ces lieux, où toutes les machines sont constamment occupées, personne ne peut abandonner une séance, sous peine d’être fouetté au sang. Entre voisins, les médisances et les critiques vont bon train : le harcèlement, les injures, le lynchage, tout est augmenté, renforcé, amplifié. Les taux de suicide, d’anorexie et de morts dues à des insuffisances alimentaires sont quant à eux en hausse non régulée.

Néanmoins, comme on s’en doute, les acteurs ne sont pas toujours d’accord, et surtout pas TOUS d’accord. Des personnes comme Landon Thompson-Jaeger, chercheur, ou Helena, ex-infirmière (renvoyée), choisissent de désobéir aux restrictions afin de tenter d’échapper au fléau de la folie collective. Se rencontrant à la campagne, alors que tous deux cherchent le calme et l’oubli : l’un pour se remettre les idées en place, l’autre pour protéger sa fille Molly des influences néfastes de son milieu éducatif, une amitié immédiate va naître entre eux. Voire un peu plus que cela…

Mais tandis que les sentiments doux s’installent, le Premier Ministre, lui, s’impatiente dans sa capitale. Les résultats n’apparaissent pas assez vite et les chiffres baissent trop lentement à son goût. De plus, les prochaines élections ne vont plus tarder. Des décisions drastiques doivent être prises, et vite. S’inspirant donc de certains fameux camps établis durant la Seconde Guerre mondiale, Johan Svärd envoie une convocation aux derniers résistants de ce conflit. Ceux-ci, de leur première initiative ou bien contraints et forcés, se retrouvent conduits dans des terrains secrets réservés par le Parti : soi-disant pour participer à des opérations amaigrissantes.

Cependant, lorsque Helena elle-même disparaît en pleine nuit, enlevée par des agents gouvernementaux, Landon est forcé de partir à sa recherche. Bientôt, les questions se posent : que se passe-t-il véritablement dans les « camps pour obèses » ? Tandis que l’étau se referme peu à peu autour du cou des victimes, l’épidémie doit être identifiée. Le fléau vient-il véritablement de cette apparente « maladie » – le surpoids –, ou provient-il plutôt de la population elle-même et de son regard vis-à-vis d’autrui ?

Mon avis :

J’ai acheté cet ouvrage pendant le confinement. Je l’avais acquis en même temps que deux autres romans : Le Bûcher de Perumal Murugan et Comment tout a commencé de Pete Fromm. Ainsi, ce trio marque encore pour moi cette période très particulière (« mes livres du confinement » comme on dit), même s’ils ont donné lieu à trois avis très distincts les uns des autres.

À peine ai-je pu les tenir entre mes mains, que j’établissais déjà leur ordre de lecture, de préférence et d’attentes. Et, au sommet de la pile des favoris, se tenait L’épidémie justement.

Toutefois, comme le dit si bien ce dicton trop souvent utilisé : « Il ne faut pas se fier aux apparences ». La pyramide s’est renversée et ce livre se retrouve désormais à la dernière place du podium.

Les personnages :

Ils n’ont, en vérité, aucune consistance. Typiques, prévisibles, déjà vus… Bref, les protagonistes de cette histoire sont assez banals. On trouve l’homme d’affaire impitoyable qui n’hésite pas à supprimer son propre ami d’enfance afin d’arriver à ses fins ; le chercheur tourmenté par son passé qui possède un cœur en or et n’hésite pas une seconde à mettre sa vie en danger pour ceux qu’il aime ; et l’éminente professeure mise en marge de la société à cause de sa condition physique, mais qui, timide, est pourtant un personnage adorable.

Les acteurs de ce roman n’ont aucun fond : pas de réflexions propres, pas de personnalité originale et distincte. Moi qui apprécie beaucoup les romans où l’on développe le monde intérieur de ses personnages, je suis restée sur ma faim. Cet aspect rebutant m’a, par ailleurs, empêchée de pouvoir véritablement m’attacher à eux.

De plus, le sujet de ce récit traite d’un changement majeur dans la politique d’un pays. Il aurait été d’autant plus intéressant de décrire le tournant mental de ses citoyens.

Le fond et la forme du récit : les différents thèmes :

La dictature : Comme ébauché plus haut, je trouve que la thématique de L’épidémie n’est pas traitée de la bonne manière. Pour dire tout franchement, elle est relativement bâclée.

Le livre débute dans une société en plein changement ; et quels changements justement ! Un nouveau racisme est en train de voir le jour : la grossophobie et avec elle, des persécutions visant à éradiquer le « gène de l’obésité » parmi la population et les générations futures.

Pourtant, il est évident que l’on ne convainc pas une population entière du jour au lendemain d’accepter que ses enfants soient considérés comme des sujets d’expérimentation pour une nouvelle méthode amaigrissante sur un corps humain. Ou de permettre que des gardes soient présents dans les salles de sport pour battre quiconque présente un signe de faiblesse.

Tout le processus du « brain-washing » qui s’instaure dans un régime totalitaire aurait pu facilement constituer une grande moitié du livre. L’auteure pouvait présenter les campagnes des Partis ennemis s’opposant à la dictature, les réseaux de résistance mis en place par la population, puis les techniques destinés à mater et assouvir le peuple : le chantage, les mensonges, les « accidents », et enfin, la résignation, l’ignorance et la conversion. Elle aurait pu entrer dans les détails de la longue et difficile opération de soumission, d’acceptation : qui commence par une suggestion, puis par une rumeur qui enfle jusqu’à devenir la nouvelle réalité.

Or ici, le roman débute alors que les Suédois ont déjà adopté ce mode de vie, ainsi que les idées et les conséquences qui vont avec. La plupart des citoyens partagent déjà pour la plupart les idées du gouvernement. En somme, le plus gros du processus historique est déjà mis en place. J’ai bien envie de dire que la partie la plus intéressante de l’histoire a été omise et donc que le récit part déjà sur un très mauvais pied.

Cependant, je peux observer un débat moral qui à certains moments, fait vaguement surface dans les actions des personnages. La situation de ce livre est-elle celle décrite par Rousseau : « L’homme est bon et c’est la société qui le déprave » ou par William Golding : « Maybe there is a beast… maybe it’s only us » ?

La grossophobie ou la politique de la minceur : Tout n’est évidemment pas tout noir dans ce roman. Le thème profond pour sa part, est très intéressant.

De nos jours, il est devenu très dur d’échapper aux complexes et aux préjugés imposés par la société vis-à-vis du poids. Le quotidien rappelle constamment à tout un chacun de surveiller son corps, de faire du sport, de ne manger ni trop gras ni trop sucré. Si ces préceptes sont sans doute bénéfiques pour notre santé, ils s’accompagnent bien souvent d’autres messages qui sous-entendent qu’un tel est trop gros, qu’une telle mange trop mal et qu’en somme, il ou elle ne pourra être heureux que lorsqu’il aura intégré « les normes » qu’on lui a imposées.

Le débat évoqué dans ce livre nous permet de sortir quelques minutes de ce cercle vicieux afin d’entrapercevoir ce qui pourrait se produire si nous continuons sur cette voie. Cette société apocalyptique a été tordue, distendue, caricaturée et même rendue burlesque par certains de ces traits grotesques. Nous pouvons toutefois percevoir aussi un certain côté effrayant dans cet ensemble de préconisations qui disent ne viser que notre bien. En effet, doit-on vraiment en arriver là avant de prendre enfin conscience du ridicule de notre situation ?

Les actions :

Nous venons de le voir plus haut, L’épidémie n’est pas une étude sociale. Alors, comment diable peut-on bien remplir ses 400 et quelques pages ? Avec une histoire d’amour pardi !

N’étant pas, de prime abord, une grande fan de littérature sentimentale, je déteste encore plus lorsqu’un roman visant en apparence un sujet tout autre que l’amour s’y retrouve fatalement lié (de surcroît lorsque le thème de base était très prometteur).

Bien vite, il apparaît que la fameuse « épidémie » n’est plus le sujet principal. L’auteur semble s’en détourner rapidement afin de se concentrer sur l’évolution de la relation entre Landon et Helena. En somme, un retournement de situation inapproprié pour une situation telle que celle dans laquelle vivent nos deux personnages. De plus, le tournant pris par l’action implique qu’on se soit attaché à eux afin de les comprendre et de pouvoir s’y identifier mais, comme expliqué plus haut, leur banalité les rend assez dépourvus d’intérêt.

Enfin, il est impossible de ne pas s’offusquer concernant le dénouement de ce livre : autrement dit, la découverte des « camps pour obèses » du Parti de la Santé. Cet évènement est censé constituer l’un des éléments-clés du récit (puisqu’il est même évoqué dans le résumé). En effet, c’est à ce moment-là que le monde entier est forcé de prendre conscience des atrocités qui se sont déroulées alors que tous ont fermé les yeux.

Or, vu que les protagonistes étaient occupés à se débattre avec leurs pulsions amoureuses, la résolution est obligée de se boucler en 10 pages top chrono. Ce qui est un record de rapidité… mais également un petit signe de bâclage. La découverte, le scandale, l’arrestation, tout ça en moins de cinq courts chapitres. Je reste perplexe !

Le mot de la fin :

Mes critiques négatives sont décidément toujours beaucoup plus longues que les positives ! Ce qui est logique mais requiert également beaucoup plus de temps et de concentration.

Bref, vous l’aurez maintenant bien compris, L’épidémie de Åsa Ericsdotter est arrivé très loin du coup de cœur. Et dire, qu’il partait sur de si bonnes bases… Un sujet aussi épineux que celui de l’apparence aurait mérité d’être traité avec beaucoup plus de profondeur !

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Une fin déconcertante

5 étoiles

Critique de Haas Nigen (France, Inscrit le 11 août 2013, 32 ans) - 28 juin 2022

A mon sens, je diviserai le roman en deux grandes parties: la première pose le contexte dans lequel se trouve la Suède sous le contrôle de Johan Svärd, comment les mesures prises par ce dernier pour lutter contre l'obésité impactent la vie des gens, particulièrement les personnes à "imgm de plus de 50" et quelles sont les réactions de ces derniers mais aussi de l'ensemble de la population, influencée par le charisme du Premier ministre.
La seconde partie, beaucoup plus glaçante, débute avec l'embarquement des personnes qui n'ont pas réussi à mincir (que Svärd appellent les porcs) vers, officiellement, des centres de santé dans le but de les faire maigrir de gré ou de force. Mais la réalité est beaucoup plus sombre et effroyable...

Alors même si le livre se lit assez vite et bien, selon moi il n'y a pas assez de retournements de situation et surtout il y a un gros problème avec la fin qui est clairement bâclée et qui néglige plusieurs points principaux: reconstruction des deux protagonistes, sanction contre Svärd, réaction de la population suédoise mais aussi mondiale, etc...

Bref je me souviendrai de ce roman aussi bien pour son intrigue glaçante que pour sa fin déconcertante.

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